REDES- Revista hispana para el análisis de redes sociales
Vol.16,#4, Junio 2009
http://revista-redes.rediris.es

La construction équipée du lien amoureux. Les sites de rencontre et leurs « parcours de confiance »

Johann Chaulet, Université Toulouse le Mirail, LISST CERS [1]

Resumen

El artículo pretende abordar la manera en que la confianza se instala progresivamente entre dos desconocidos puestos en relación en una página web de encuentros amorosos. Estudiando en detalle la progresión de las “trayectorias de confianza”, podemos comprender cómo los usuarios identifican las propiedades específicas de los distintos dispositivos de comunicación para ir franqueando las etapas de la confianza. El dispositivo que permite iniciar la relación es completado gracias a nuevas mediaciones que dan acceso a información nueva. Esta gestión prudente de la relación y de su progresión se apoya en la complementariedad de las herramientas que permiten saber más y más sobre el Otro. Si el proceso es exitoso, se producirá el encuentro físico y la confrontación de los cuerpos.

Palabras clave: Páginas de encuentros, mediación, confianza, comunicación.

Résumée

L’article présenté ici entend traiter de la façon dont la confiance se met progressivement en place entre deux inconnus mis en relation sur un site de rencontre amoureuse. Etudiant en détail la progression des « parcours de confiance », nous pourrons comprendre comment les propriétés spécifiques des différents dispositifs de communication sont identifiées par les utilisateurs pour leur permettre de franchir peu à peu les étapes de la confiance. Le dispositif ayant permis d’initier la relation se verra compléter de nouvelles médiations offrant l’accès à de nouvelles informations. Cette gestion prudente de la relation et de sa progression repose sur la complémentarité des outils qui permettent d’en savoir toujours plus sur l’Autre permettant à terme la rencontre physique et à la confrontation des corps.

Mots clé: Sites de mise en relation, mediation, confiance, communication.

Abstract

This article intends to explore the way in which trust progressively emerges between two unknown people who meet in a website to find love relationships. By studying in detail the progression of “trust trajectories”, we will be able to understand how users identify specific properties of media to progressively install trust. Media allowing for a first contact will be completed by the use of other media allowing to access new information. This wise management of the relation and its progression relies on the complementarities of tools allowing to know more and more about the Other. If the process is successful it will lead to a physical meeting and to the confrontation of bodies.

Key words: Websites for relationships, mediations, trust, communication.

 

L’étude empirique ayant permis l’élaboration des résultats exposés ici entendait explorer les processus de confiance en jeu au sein des communications médiatisées. Nous ne retiendrons, dans le présent article, que la partie de notre travail portant sur les sites de rencontre amoureuse. Ces derniers présentent de nombreux intérêts quand il s’agit de comprendre les relations de confiance « médiatisées ». Tout d’abord, ils mettent en relation des personnes qui ne possèdent initialement aucune connaissance l’une sur l’autre. Axés autour de la poursuite d’un but – plus ou moins précis et explicite – ils nécessitent qu’une confiance minimum soit mise en place pour que les objectifs communs que se sont fixés les interactants puissent être atteints. Cet objectif relationnel, défini – au moins en partie – a priori, influence grandement, comme nous le verrons, les modalités d’échange et la façon dont les relations sont mises en place et éventuellement entretenues. Les logiques d’efficacité et de rentabilité imprègnent des usages qui semblent être, dès lors, un lieu propice pour mettre à l’épreuve une hypothèse de rationalisation des pratiques de communication, voire des pratiques relationnelles. Si de tels environnements n’inaugurent pas de tels processus de recherche « rationnelle » du conjoint, leurs modes de fonctionnement et les réappropriations des utilisateurs en font des lieux particulièrement pertinents pour étudier la façon dont la confiance prend appui sur la technique et les possibilités qu’elle offre aux acteurs de gérer la progression des relations.

Les résultats exposés ici sont le fruit d’une étude empirique mobilisant des sources hétérogènes et complémentaires. Outre la réalisation d’entretiens, notre analyse s’est vue complétée par la lecture longitudinale de blogs d’utilisateurs de ces sites. Ces « récits de vie », autobiographiques et souvent anonymes, offrent au sociologue une fenêtre sur l’intimité et les réflexions des utilisateurs qui se livrent à de telles pratiques réflexives sur leur activité et sur les relations qu’ils développent au travers de leur utilisation de ces services. Pour écrire, le blogueur doit faire un effort de mise en cohérence similaire à celui qu’impose la situation d’entretien ; il dispose cependant d’un temps confortable pour décrire précisément ses états d’âme ou ses pensées. Qu’ils prennent la forme de conseils ou de simple partage d’expérience personnelle, ces mots sont, pour nous, l’occasion de développer des analyses de données importantes accumulées sur des périodes bien plus longues que ce que les impératifs de nos recherches nous permettent de saisir. De fait, si l’utilisation d’une telle source est inadéquate pour établir des faits historiques, elle l’est quand il s’agit d’étudier « un exemple d’un acteur expérimentant un processus de formation et de reformation d’attentes d’un autre acteur »[2], ce dont il est ici justement largement question.

Ce dont il s’agit, dans ces cadres spécifiques d’interaction, c’est d’assurer le passage du statut d’inconnu à celui de « partenaire ». Le fait que le partenaire potentiel soit un inconnu génère, de fait, un déficit d’informations et donc une certaine forme de risque et d’incertitude[3], les acteurs ne pouvant formuler aucune inférence quant à l’identité et aux motivations de celui avec lequel ils envisagent de mettre en place une relation. Si le fait que les acteurs se tournent vers ce mode de mise en relation indique que cette prise de risque est au moins en partie, assumée, elle n’en reste pas moins présente. Ces notions de risque, d’incertitude et d’information sont centrales quand il s’agit de traiter de la confiance. La médiation et les informations qu’elle génère, la mise à distance des corps ainsi que la construction éventuelle de leur rapprochement font de ce terrain un élément de poids dans la constitution de savoirs sur les relations de confiance au sein des communications médiatisées et, dans une plus large mesure, sur la construction équipée de relations sociales, pérennes ou éphémères. Nous allons donc nous appliquer ici, dans le cadre du développement de relations à distance, à mettre en œuvre le programme que Simmel appelait de ses vœux au début du siècle passé, à savoir procéder à « une étude spécialisée pour déterminer quelle sorte et quel degré de connaissance réciproque sont nécessaires aux différentes relations entre les hommes. »[4] Sztompka affirme qu’Internet constitue «  une nouvelle ère où les dilemmes de l’anonymat comme limiteur de confiance apparaissent particulièrement fortement. »[5] Nous verrons pourtant comment les acteurs, par l’entremise des dispositifs qu’ils mobilisent activement, tentent de dépasser risque et incertitude afin d’atteindre, avec plus ou moins de succès, un objectif commun. L’examen de ces « parcours de confiance », plus ou moins équipés, nous permettra de saisir la façon dont les outils médiatisant les échanges deviennent, pour les acteurs, les instruments concrets de la construction de la confiance, et, au-delà, de la relation à l’Autre.

Si de tels « moments » de la relation méritent que l’on s’y arrête, nous ne nous intéresserons pas, ici, à tout ce qui précède le contact entre les utilisateurs des sites de mise en relation. Nous nous appuierons sur notre travail empirique pour admettre que les cadres imposent des façons de se présenter, qu’ils équipent les relations entre utilisateurs en général et les relations de confiance en particulier, définissant a priori des rôles et légitimant des attitudes. Nous préférerons nous arrêter sur le moment précis du contact et de la mise en place des relations. Mobilisant pour se faire des entretiens menés avec des utilisateurs de sites de rencontre ou des extraits de blogs d’utilisateurs, nous étudierons alors les modalités d’échange et l’élaboration concrète des parcours de confiance. Les relations abandonneront alors le caractère anonyme qui les caractérise initialement alors que jugement et qualification seront personnalisés, par la multiplication des formes de médiations notamment. Nous verrons comment se closent ces parcours tout en nous efforçant de comprendre comment la réflexivité, les généralisations et l’expérience des utilisateurs servent plus ou moins directement leurs façons d’agir et d’interagir dans le cadre de ces relations spécifiques. Le lecteur pourra, à terme, comprendre comment se met en place une relation de confiance dans un environnement où elle pourrait se trouver prise à défaut ; il pourra saisir la façon dont les médiateurs, « entre-deux » relationnels, permettent la mise en place d’une logique de prudence, entre don de soi mesuré et retenue inévitable ; il sera, dès lors, en mesure de saisir ce qui semble être un enjeu important des modes contemporains de sociabilité et de mise en place du lien.

Les outils comme structuration et visibilisation des passages

Tout comme le montrent les études portant sur la construction de la confiance entre firmes[6], nous constatons que les parcours dont nous entendons traiter ici impliquent à la fois du temps, des validations successives et répétées, des jugements de confirmation et des modes de qualification hétérogènes. La poursuite du lien n’est ici, bien souvent, pas tacite comme l’écrit Allan[7]. Le moment particulier de la découverte ainsi que le caractère objectivant des outils et des passages qu’ils médiatisent conduisent en effet à préférer une vision plus réflexive et réfléchie de la mise en place et de la poursuite du lien.  Nous allons étudier dans les développements qui suivent comment la technique et les diverses divisions que les acteurs opèrent au sein de leur « univers de communication », médiatisé ou non, équipent cette gestion des engagements et du parcours de confiance qu’ils construisent, peu à peu, avec leurs partenaires en mettant notamment en place des étapes qu’il s’agit de franchir les unes après les autres.

Si nous ne détaillerons pas ici ces processus, il nous faut cependant insister ici brièvement sur l’importance de la réciprocité dans de tels processus de mise en relation. La réciprocité ou l’ « équité »[8] apparaissent en effet comme des éléments centraux dans la construction progressive d’une relation de confiance, d’autant plus quand celle-ci implique des personnes inconnues l’une pour l’autre et dont aucune connaissance respective ne vient étayer le jugement. La réciprocité apparaît alors comme la solution pour permettre la construction d’une confiance sans bases. « L’idée qu’il existerait un instinct de réciprocité est censée apporter une solution à un problème récurrent : celui de savoir comment entamer une relation en l’absence de tout fondement de confiance préalable. »[9] Chacun accepte de s’engager davantage si son partenaire accepte un engagement au moins équivalent. Trompette, mobilisant les notions classiques de don et de contre-don explique en effet que « donner sa parole, ou inversement accorder sa confiance, n’est autre qu’activer une norme de réciprocité »[10]. Ainsi, « le paradigme de la réciprocité fait du don un acte performatif engageant »[11]. Les dons, dans ce contexte peuvent prendre des formes symboliques bien différentes ; notons que l’ouverture des sphères de l’intime et du privé compte parmi les signes importants d’un engagement supplémentaire. Se livrer, se dire et se laisser découvrir tout en sachant faire preuve d’empathie[12], tout en laissant à l’Autre la possibilité de prendre une place grandissante dans sa vie sont autant de moyens de signifier un engagement grandissant. La réciprocité de l’engagement se doit alors de trouver des moyens d’expression adaptés à chaque forme de médiation et à ses codes particuliers.

La confiance consiste essentiellement, pour Luhmann, en un processus de réduction de la complexité. Lorsqu’il traite de la confiance interpersonnelle et de sa construction progressive, ce dernier explique que « la question de l'émergence de la consolidation de la confiance personnelle nous donne la possibilité de transposer dans la dimension temporelle le problème de la réduction de la complexité (…) et de montrer ainsi qu'il peut être résolu d'une manière graduelle par la formation de relation de confiance. Le « principe des petits pas » remplace les formes plus simples d'adaptation à l'environnement là où l'environnement agit lui aussi de manière contingente ou encore là où il est trop complexe pour une adaptation  instantanée. »[13]  Pour Luhmann, la mise en place progressive de cette confiance implique donc, de fait, l’existence effective de ces étapes qui permettent de structurer ce que nous nommons ici un parcours de confiance. Il écrit en effet que « l'une des conditions préalables est que la situation admette en général des étapes sélectives dans le sens de choix comportementaux, qu'elle ne soit donc pas déjà fixée institutionnellement ou historiquement »[14]. Ces étapes existent ici puisque les utilisateurs, au sein de leurs usages, prennent soin de les mettre en place, de les visibiliser et de leur donner du sens. Quand bien même elles possèdent, nous le verrons, une certaine forme de généralité, elles ne sont pour autant fixes, stables et immuables mais au contraire personnalisées et négociées entre les acteurs tout au long de la construction de la relation. Nous verrons combien ces étapes jouent, effectivement et concrètement, un rôle essentiel dans la progression de la relation.

Parmi les éléments qui méritent d’être mis en avant, la temporalité des relations est un élément particulièrement problématique quant à la gestion et la construction des parcours relationnels qui nous intéressent ici. Savoir quel est le « bon moment » pour faire franchir à la relation tel ou tel cap – notamment du fait des aspirations que cela peut traduire – semble être, pour l’un et l’autre des partenaires, un élément d’interrogation récurrent. De plus, le franchissement de ces étapes génère une appréhension liée aux craintes et au risque de déception que cette découverte nouvelle de l’Autre représente. Comme le dit l’une de nos enquêtées, « tu redoutes toujours chaque étape ». Nous allons étudier ici la façon dont les acteurs équipent ces caps, dans le cadre de relations relativement floues quant à leurs finalités et qui initient donc généralement des parcours de confiance plutôt allongés. Les développements qui suivent seront une occasion de visibiliser, de façon fort significative, les découpages spécifiques qu’effectuent les acteurs ainsi que leur mise en pratique dans le cadre de la mise en place de relation à l’intimité croissante. Chaque outil se voyant attribué une signification particulière quant à l’implication qu’il traduit, nous verrons que « selon la nature des contextes de communication, [les acteurs] accordent une signification spécifique à chaque support et déplacent leurs échanges d’un média à un autre (…) L’histoire de chaque relation s’appuie successivement ou parallèlement sur les différents supports, et chacun est utilisé avec une signification spécifique dans la gestion des relations. Plus la relation est intime, plus se multiplient les outils mobilisés dans la relation. »[15]

« Alors je ne sais pas si je dois ou non, déjà (mais je ne sais pas s’il faut parler de « déjà » ou de « enfin ») lui proposer de la rencontrer dans la réalité. Dans nos discussions, bien que fréquentes et appréciées, nous n’abordons jamais ce qui nous relit : L’idylle potentielle. Nous restons assez très lointains sur ce que nous attendons l’un de l’autre. Mais j’ai le sentiment que notre rencontre a atteint aujourd’hui un pic sur internet et doit trouver un nouveau terrain d’évolution dans la rencontre réelle. » (extrait du blog d’Anadema)

Notre propos se construira autour d’un parcours idéal typique. Si ce parcours ne prétend pas être généralisable à l’ensemble des relations initiées par l’intermédiaire des sites de rencontre, il n’en reste pas moins vrai que chacune des étapes détaillées ici est construite à partir d’observations et de représentations développées au sein des usages qui gagnent, pour leur compréhension, à être regroupées sous cette forme spécifique. Le continuum que nous dessinons ici n’est pas universel mais il apparaît de façon plus que fréquente dans la mise en place des relations qui nous intéressent. Les formes de ce parcours ainsi que les chainages précis entre les différents outils peuvent – en fonction des représentations individuelles quant à l’un ou à l’autre – prendre des formes diverses et variées. C’est pourquoi il peut être important de préciser que, plus que les outils spécifiques qui équipent ces passages, c’est le processus de mise en place de frontières et leur utilisation qu’il s’agit de souligner, dans la mesure où il permet aux utilisateurs une emprise sur les relations ainsi qu’une visibilisation et une objectivation de leur « état ».

« C’est un système d’étapes en fait : tu commences par le mail et quand tu sens qu’il y a quelque chose vraiment qui s’installe, tu décides de passer à l’étape suivante, qui est le téléphone, parce que la voix c’est encore autre chose, parce que… d’entendre quelqu’un parler, les expressions, la vitesse du langage, les intonations, ça te parle vachement plus qu’un mail donc ça te donne encore d’autres informations et ensuite tu passes à l’étape suivante où… j’avais vachement quadrillé mon truc quoi. (…) Je cloisonnais vachement quoi. » (Brigitte)

 

Figure 1 - Parcours de confiance et succession des médiations.

Le sentiment de confiance occupera ici une place double dans la gestion équipée des parcours et des « droits d’entrée » dont elle est, à la fois, une cause et une conséquence. Elle est, en effet, la raison pour laquelle ces « droits d’entrée » sont accordés (l’extrait d’entretien suivant représente une formulation particulièrement éloquente de ce processus). Elle est aussi le fruit des connaissances nouvelles auxquelles la multiplication des médiations permet d’avoir accès. Les acteurs, s’ils en savent suffisamment sur leur partenaire, et que ces connaissances légitiment une telle démarche, décident de laisser ce dernier pénétrer un nouveau territoire qui, une fois mobilisé, permet d’obtenir de nouvelles informations sur l’autre et solidifient – ou remettent en cause – la confiance en élargissant le registre de connaissances sur lequel elle repose.

 « Il y en a un à qui j’ai, en fait j’ai complètement ouvert les vannes. Du moment où j’avais… vraiment confiance, euh, là pour le coup j’ai lâché prise. Donc, j’ai laissé entrer. » (Brigitte)

Comme l’explique Illouz, « le scénario classique est le suivant : les gens consultent une liste de partenaires potentiels et ils décident d'entrer en contact par e-mail avec l'un d'entre eux en se fiant à la photo et au profil de la personne en question. Quand tout se passe bien, les gens commencent à fantasmer sur une rencontre future. Ce sentiment les conduit à avoir d'abord une conversation au téléphone. Beaucoup de gens, pour ne pas dire tous, déclarent que, lorsque la voix de la personne leur plaît, ils peuvent commencer à nourrir des sentiments très forts pour leur correspondant »[16]. Nous allons compléter cette description et détailler les significations et les représentations qui accompagnent les passages d’une forme de médiation à une autre. Il est pertinent d’introduire cette description détaillée par les réflexions de l’une de nos enquêtées quant à l’influence des formes de médiations sur le développement des relations et sur les impressions produites auprès des interlocuteurs. Celle-ci résume en effet nombre des points que nous aurons à développer dans la mesure où elle illustre le fait que l’évolution des médiations et des informations qu’elles véhiculent jouent un rôle important dans les possibilités de tromperie. Elle rejoint en ce sens les enjeux que visibilise Donath quant à la difficulté que présentent les échanges médiatisés pour le travail de construction de l’identité de la personne avec laquelle on échange[17]. Les tromperies sont plus difficiles à mettre en place quand le nombre d’informations ainsi que leur nature augmentent. L’augmentation des formes de médiations va donc de pair, nous allons le voir,  avec une augmentation de l’implication, une connaissance plus fine de l’Autre et une possibilité de tromperie diminuée. Tromperie qui sera toujours plus facile à mettre en place dans le cadre d’échanges médiatisés que dans une situation de face à face (où elle demeure, bien sur, toujours présente). Il faut du temps et des médiations différentes pour savoir « qui on a en face de soi » mais aussi, semble-t-il, pour avoir envie de le savoir et souhaiter tout autant qu’il/elle sache également celui/celle que l’on est.

« C’est tellement facile ce genre de système, tu ne sais pas à qui tu as à faire et c’est très simple de mettre ses meilleurs côtés en avant. C’est de l’écrit, de mail à mail, donc, c’est pas de l’instantané (…) Là, c’est tellement simple de toucher l’autre qu’il faut beaucoup plus de temps pour arriver à cerner qui on a en face de soi. » (Brigitte)

1. Sortir du site : personnalisation d’une zone anonyme

Après un certain temps passé à dialoguer sur le chat du site de rencontre, il est de coutume que les personnes échangent leurs adresses de messagerie instantanée. Se faisant, ils s’offrent la possibilité, d’une part, de s’extraire d’un espace de dialogue souvent techniquement instable (les chances de voir l’échange se clore malgré soi et l’Autre disparaître sont donc diminuées) ; d’autre part, de multiplier les possibilités de rencontre, de croisement (contrairement aux zones de chat des sites, les logiciels de messagerie instantanée sont souvent ouverts en tâche de fond dès lors qu’un ordinateur connecté à Internet est allumé, les possibilité de se « croiser » en ligne sont donc augmentées). La relation franchit une première phase d’autonomisation par rapport à son contexte initial de formation tout comme elle se distingue de l’ensemble de celles qui y sont encore cantonnées. Donner son adresse MSN signifie laisser à l’autre l’accès à un espace plus personnel et personnalisé de son espace d’interaction médiatique. Le risque est maîtrisé, les utilisateurs disposent en effet de la possibilité de « bloquer » à tout instant des contacts qui deviendraient gênants. Communiquer son adresse mél personnelle, et ne plus utiliser le système de courrier du site pour établir le contact, est une autre forme d’autonomisation au sein de la « zone Internet ». Circonscrire à une zone signifie la mise à distance quand la multiplication des « lieux » d’échange implique le rapprochement. Cette gestion des droits d’entrée équipe la gestion de l’intimité tout comme elle visibilise l’avancée de la relation et le statut particulier dont bénéficient ceux qui se voient accorder cette première forme de privilège.

« Je lui ai envoyé mon adresse mail personnelle. Euh… voilà, que je n’ai communiqué qu’à elle. Bon, après, c’est vrai que ça n’a pas une importance extrême pour… pour tout le monde, mais pour moi, ça en a une. Tout le monde ne l’a pas, quoi. » (Oscar, 28 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Quand bien même les risques sont encore largement maîtrisés et maîtrisables, le fait de passer d’un cadre d’interaction ouvert à tout un chacun à un espace où les interlocuteurs sont volontairement choisis et sélectionnés procède, malgré tout, d’un premier saut d’engagement. Cette démarche constituera donc la première étape du parcours de confiance. Le changement de médiation va également de pair avec une focalisation certaine de l’attention sur une ou plusieurs interactions privilégiées, au dépend de la multitude de contacts offerte par les sites dont elles sont issues. Ce passage équipe donc une certaine forme d’exclusivité des engagements en visibilisant l’attention particulière dont profitent certains et pas d’autres. Ces passages sont, par ailleurs, fortement négociés et appellent fréquemment, comme nous le montrent les propos qui suivent, des comportements stratégiques de la part des acteurs. Le déséquilibre important du nombre d’inscrits de l’un et l’autre des sexes, par exemple, place généralement les femmes en situation de contrôle. Très sollicitées, elles doivent gérer la « masse » de contacts. L’initiative semble être un élément problématique et nombre d’utilisateurs masculins déclarent laisser l’initiative à leur partenaire de faire franchir une étape supplémentaire à la relation plutôt que de prendre le risque de se voir refuser ce passage ou ce dévoilement de soi, et voir alors leur impatience punie par une mise en péril de la relation naissante.

 « J’avais des discussions intéressantes même si on y donnait aucune suite, enfin, si je ne donnais pas mon adresse… MSN, pour moi c’est d’abord ça, donner une suite à quelque chose ; c’est ne pas rester sur le chat de Meetic mais passer sur une autre… sur un autre niveau (…) à partir du moment où… c’est pas une question de confiance mais où je n’arrivais pas trop à cerner la personne, je restais sur le chat de Meetic » (Marie, 22 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

« Sur le tchat, tu ne t'éterniseras pas. Tu ferres et tu remontes. Si tu es très bon, à 99% des cas c'est ELLE qui va te proposer MSN, qui est la 2e marche du Grand Escalier de la séduction ONLINE. Ensuite, libre à toi de numcloser ou prise de Rdv cash si tu sens qu'elle cherche. N'oublie pas de la garder toujours en position de demandeuse. Tu es le Prix (copyright Spike). Taches de t'en rappeller, lecteur. » (Kamikaze, sur le site Spikeseduction)

« C’est beaucoup de chat au départ avec une affinité qui se créée, vraiment amicale au début. En plus, on est… alors, avant, il n’y avait pas MSN, maintenant, on bascule rapidement sur MSN parce que c’est beaucoup plus pratique avec les gens que je veux bien parce que maintenant, ils ont tous tendance à me demander l’adresse MSN, mais je ne la donne pas. » (Zoé, 25 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

2. Sortir du net : prendre pied dans le « réel »

Le contact reste cependant pour l’instant circonscrit à la « zone » Internet et la médiation est uniquement écrite. Examinons maintenant comment se produit et se gère la « sortie du net », forme symbolique supplémentaire de progression de la relation.

Après quelques heures de conversations sur les logiciels de messagerie instantanée, les acteurs échangent leurs numéros de téléphone – mobile, la plupart du temps, le téléphone portable étant un outil de communication personnel, à soi. S’en suivent alors les premières communications vocales et les premiers échanges de messages écrits. Avant de s’entendre, les numéros de mobiles permettent l’échange de SMS qui offrent à l’acteur la sécurité de l’écrit tout en offrant une possibilité de contact quasi constante et totalement autonomisée de l’outil informatique et de la connexion à Internet. Nécessitant un investissement interactionnel moindre, ils sont un moyen d’investir davantage la vie de l’Autre sans prendre pour autant le risque d’investir trop de soi dans l’échange. Ainsi, « le texto en général c’est souvent l’intermédiaire entre MSN et le coup de téléphone proprement dit » (Pierre). L’extrait qui suit est particulièrement important pour illustrer la structuration des étapes et le rôle qui incombe aux outils au sein de ces parcours.

« Une demi-heure plus tard, on s’appelle. Fini le temps où je faisais gaffe à ne pas donner mon numéro à des inconnus. Quand le mec m’inspire confiance, je préfère que l’on s’appelle avant la rencontre, histoire de ne pas perdre son temps s’il y a un malaise au téléphone. Donc je fais passer les écrits puis les oraux, ensuite ils gagnent le droit de rencontrer le jury, ce qu’en jargon concours de l’Education nationale on appelle le « confessionnal » ! » (Saskia, professeure de français, utilisatrice de Meetic)

Nous voyons ici comment les passages des différentes formes de médiations constituent, pour Saskia, une réelle méthode de gestion des relations qui se voient soumis à différentes formes d’ « épreuves ». Il semble en effet que la construction d’une relation de confiance avec un/des inconnus appelle la mise en place de ces épreuves qui permettent de tester le bien fondé de la progression de la relation et de l’engagement envers son partenaire. Comme l’écrivent Guillaume et Uhalde, « la notion d’épreuve renvoie à une définition procédurale et expérientielle de la confiance (…) Elle souligne le caractère profondément interactionniste du jugement de confiance. La relation de confiance est ainsi fondée sur les expériences passées (Lorenz 1996), et non sur les prévisions ou anticipations. Elle fait l’objet d’une évaluation continue au fil de nouvelles expériences. Il s’agit d’une relation construite par les acteurs en raison de l’efficacité et du sens qu’elle confère à leur action. En conséquence, la confiance se gère, elle demande des signes de fiabilité et des efforts, des engagements (Koenig, 1999) »[18]. Ainsi, accumuler les formes d’échange signifie également accumuler les formes et les prises du jugement et se laisser la possibilité d’assurer cette « évaluation continue » que semble imposer la découverte d’un inconnu et la construction progressive de la confiance. Les interactions successives fournissent de nouvelles informations et permettent de réactualiser sans cesse le jugement alors que les médiations nouvelles lui apportent de nouvelles formes de prises, plus complètes et plus riches.

Si la perception du risque lié à l’échange de numéros de téléphone semble diminuer avec l’expérience, celui-ci ne disparaît jamais totalement et si certains communiquent aisément leur numéro, d’autres mobilisent directement la gestion des divers droits d’entrée pour mettre en place de réelles stratégies de protection. Les médiations écrites électroniques permettent de mettre un terme à une relation devenue « gênante » bien plus aisément que ne le permettent les médiations téléphoniques. Ainsi Brigitte privilégie-t-elle les communications écrites au dépend d’interactions orales qui, du fait de son expérience antérieure, représentent, pour elle, un réel danger. Les propos d’Oscar nous permettent également d’insister sur le fait que si l’ordre idéaltypique que nous évoquons ici est assez régulièrement observé dans les usages, il ne fait pourtant pas l’unanimité. Ces passages et les formes concrètes qu’ils prennent reposent, en effet, sur des conceptions personnelles concernant les échanges médiatisés et d’autres modes d’accès à l’Autre et d’autres façons de faire connaissance.

« J’ai une histoire personnelle qui fait que je ne donne pas mon numéro de téléphone facilement à des gens que je ne vais pas rencontrer et euh… c’est une façon de me protéger. C'est-à-dire que si je veux faire lettre morte, je peux facilement via un mail, quand c’est par téléphone et que la personne a décidé de te harceler… euh… tu ne peux pas faire grand-chose. Voilà. Donc, ça, c’est une protection » (Brigitte)

« Elle m’a proposé qu’on se téléphone, mais pour moi, c’est pas vraiment la suite logique des évènements, quoi. En général, ton téléphone, tu ne le communiques pas avant d’avoir vu la personne, quoi, je ne sais pas, c’est pas un truc… ou très rarement. » (Oscar, 28 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Qu’elle apparaisse aisément ou qu’elle soit problématique et dangereuse du point de vue de l’acteur, la médiation nouvelle que constitue la conversation téléphonique demeure très généralement un élément structurant le parcours. La voix permet d’en apprendre plus sur l’Autre que ce que la lecture de ses seuls mots permet de savoir et de sentir. La confrontation à la voix et au temps réel de la conversation téléphonique est généralement la dernière étape avant de franchir le pas de la rencontre physique. Comme nous l’explique Denis, « je pense que ça peut être rassurant pour elle avant une rencontre effective d’écouter la personne, ça les met en confiance, un petit peu plus. » Avant de pouvoir voir l’Autre et de se confronter à celui qu’il est « vraiment » physiquement, la conversation téléphonique permet une certaine épreuve de réalité. La voix peut rassurer et confirmer un sentiment général que les conversations écrites avaient permises de mettre en place, elle peut également infirmer les impressions initiales et freiner les élans des interactants.

« Le téléphone, c'est normalement le test pour moi, si la voix, le style ne me plait pas, je laisse tomber la rencontre, c'est sans appel. » (Jevli, sur son blog)

En introduisant cela comme un jeu, je lui ai donc proposé dimanche de lui téléphoner. Ca me semblait une très bonne étape transitoire entre le Chat et la rencontre en chair et en os : nous prenons chacun un pied dans la vie réelle de l’autre, nous nous donnons aussi l’occasion d’être sensible à de nouveaux facteurs humains comme la couleur de nos voix, leurs intonations, et rajouter plus de spontanéité dans l’échange : plus de clavier pour éditer et valider avant d’envoyer une phrase !

Elle m’a donc donné son numéro que j’ai composé avec une certaine appréhension :
le trac, quoi !

:-P (Anadema)

« On peut voir la photo, on voit comment… on voit les mots sur un clavier, comment elle s’exprime, comment elle pense… euh… on imagine, mais la voix, elle peut faire tomber déjà, c’est pas seulement se retrouver devant la personne… euh… en 3D, euh… que le charme peut tomber, même rien que déjà avec la voix. » (Denis, 45 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

« Donc, beaucoup de chat, souvent, donc récemment, on va sur MSN parce que c’est plus pratique… et, en général, il y a au moins, au moins deux ou trois… deux ou trois fois, en chat, avant qu’il y ait un appel. Je tâte un peu le terrain, si la personne me plaît ou je sens qu’elle peut me plaire et que c’est mutuel, je tâte un peu le terrain, pour ne pas tomber sur un gros pervers ou je sais pas quoi. Après je… je téléphone pour entendre la voix. Pareil, pour savoir si la voix colle un peu avec ce qui m’a été dit. » (Zoé, 25 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

Les deux derniers extraits nous montrent bien comment chacun des passages d’une forme de médiation à une autre est pour l’acteur l’occasion de confirmer les sentiments positifs développés jusqu’ici à l’égard du partenaire. Chacun des passages permet donc la mise en place d’une sorte de « rituel de confirmation » permettant le développement de connaissances, la confirmation de celles acquises précédemment et la formation progressive d’une intimité partagée. Nous le voyons bien, la voix est un élément important du parcours, tant par les informations qu’elle fournit que par l’implication relationnelle qu’elle traduit. L’investissement interactionnel important que requière la communication vocale, ainsi que les difficultés de présentation de soi que peut représenter son usage font de ce moment particulier un réel enjeu relationnel. Ainsi Denis n’est-il jamais sûr de pouvoir faire aussi bonne impression à ses interlocutrices lors de difficiles conversations téléphoniques que pendant les longues heures passées à discuter sur les logiciels de messagerie instantanée. Pourtant, cette étape est généralement un « passage obligé » à franchir pour permettre à la relation de se poursuivre.

« Les filles aiment bien, c’est vrai, écouter la voix. Et donc, j’ai parfois été grillé par la voix, ça veut dire que ma voix ne passait pas ou ce que je disais, parce qu’autant, je m’exprime bien comme ça, mais par la voix, j’ai pas grand-chose à dire, j’ai pas grand-chose à dire. Je trouve les mots… là, et puis je tape vite, rrr… on a l’impression… elle se dit, il écrit bien, il fait pas de faute, il écrit, il écrit vite… il est même érudit, parce que j’ai plein d’idées qui viennent, mais après, c’est autre chose. Par la voix, c’est complètement différent, et je peux être maladroit, même. » (Denis, 45 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

3. Déconnecter la relation : accéder aux territoires concrets

La sortie du net passe également par la volonté de laisser l’Autre pénétrer les territoires de sa vie concrète et quotidienne. Partager une relation en construction avec les personnes de son entourage physique signifie que la personne que l’on découvre accède à une part supplémentaire de soi. La relation n’est plus cantonnée à l’espace dans laquelle elle a vu jour et est pour l’instant entretenue mais pénètre les zones concrètes et physiques où elle s’intégrera peut-être plus tard. L’abandon progressif du médiateur, qui a initialement permis au lien de se mettre en place, est riche de sens. Il va, par ailleurs, de paire avec l’entrée de la relation dans de nouveaux territoires. Ces processus rappellent fortement les logiques de « découplage » et d’ « encastrement »[19]. « Le découplage peut se mesurer par la capacité des protagonistes à échanger en l'absence de l'intermédiaire, et par la capacité de la relation à résister à la disparition de l'intermédiaire. Mais en même temps que la relation apparaît et se découple, elle prend sa place dans le réseau et donc s'y encastre. »[20] La « déconnexion » de la relation constitue un moment spécifique où celle-ci sort du cadre et du réseau d’interconnexion qui lui ont initialement permis de voir le jour, l’intermédiaire, initialement indispensable, perdant peu à peu de son poids et de son importance (découplage). Ce faisant, elle s’autonomise pour s’insérer dans la vie quotidienne du partenaire et dans le réseau de ses relations (encastrement). Le processus découplage/encastrement est donc, semble-t-il, à la fois une condition et un signe objectivant de la production de confiance. Les propos de Flore illustrent, en effet, la façon dont la publicisation la relation naissante représente une objectivation particulièrement importante de son implication relationnelle ainsi que celle de son partenaire. Si, comme l’a montré Ferrand, la relation amoureuse relève essentiellement d’un mode de coordination « dyadique », indépendant des associations et réseaux des interactants[21], l’entourage, lorsqu’il devient le « témoin » de l’idylle en formation pèse de son poids sur la relation naissante[22].

« Je pense que si ça n’avait pas fonctionné, on s’était quand même bien mouillé parce que… déjà, je discutais avec son petit frère sur MSN parce qu’il avait raconté à son petit frère qu’il avait rencontré quelqu’un. Donc, son petit frère lui avait supplié de me donner son adresse. (…) On avait bien… on a fait connaissance, on rigolait bien et tout ça. Donc, il s’attendait à me voir pour le mois d’août chez eux, enfin voilà, quoi. On aurait déçu du monde, quoi. » (Flore, 24 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

« Je passais, en général, de toute façon, mes soirées sur Internet à faire des jeux ou des trucs comme ça. Sauf que là, je passais mon temps à discuter avec elle en fait. Mes amis, au début, se moquaient de moi, ils disaient que c’était du cybersexe sur Internet, c’était ça leur… leur truc parce que je passais mon temps à lui parler, quoi, y compris quand ils étaient là (…) je laissais même la fenêtre allumée et la fenêtre ouverte, MSN… la discussion MSN ouverte. Donc… je passais la soirée avec mes potes et je retournais sur MSN quand ils étaient partis. Donc, ils le voyaient systématiquement et puis ils voyaient que c’était… tous les jours » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Cette évolution entraine dès lors des formes spécifiques d’investissement qui dépassent le cadre initial des échanges pour « contaminer » les autres sphères d’activité quotidienne. Ainsi l’implication grandissante entraîne des formes également plus importantes d’investissement qui ne se situent plus uniquement dans le cadre des « investissements médiatiques ». Les formes d’investissements sont donc en adéquation avec les territoires dans lesquels s’inscrivent les relations.

« Quand j’étais à l’école, je saoulais tout le monde avec ça parce que je la rencontrais, sachant qu’elle était en Pologne, et qu’elle parlait polonais, à ce moment-là, j’ai commencé à essayer d’apprendre le polonais (…) pour lui envoyer quelques mots en polonais, essayer un peu de… je dirais de lui plaire » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Cette pénétration progressive de l’univers déconnecté du partenaire représente également l’occasion d’acquérir des formes nouvelles de connaissances qui concrétisent la relation quand bien même elle reste encore intégralement médiatisée. Savoir ce que fait et vit celui/celle avec qui la relation se met en place permet de la réaliser en même temps qu’elle la renforce. Les acteurs ne sont plus uniquement l’un pour l’autre des correspondants déconnectés de tout univers concret, ils deviennent peu à peu des individus personnalisés, intégrés dans des activités ordinaires. Ces formes ordinaires de connaissances se rapprochant doucement des formes de connaissances développées au sein de relations déconnectées, entretenues en face à face. La relation suit le même chemin alors que s’installe ces formes particulières de visibilité et de présence à distance.

« Je savais ce qu’elle faisait à telle heure. Donc, des choses que, finalement, on sait de quelqu’un comme si on était… euh… avec elle en fait … euh… habiter avec elle parce qu’on passait beaucoup de temps ensemble. » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Ce processus peut s’inscrire sur des temporalités variables. S’il semble s’inscrire dans une temporalité longue dans le cadre des relations à forte implication sur les sites de rencontre, il est généralement bien plus rapide dans le cas de recherche de colocataires par exemple où la rencontre, rapide, signe le passage d’un réseau à un autre (de celui du site à celui des relations interpersonnelles des nouveaux colocataires) et achève le processus. Puisque « le découplage se mesure par la capacité de la relation à survivre à la disparition éventuelle des éléments intermédiaires ou à la sortie du groupe. »[23] , la « réussite » de ce processus se mesure à la capacité de la relation à s’ « adapter » aux nouvelles règles qui président désormais à son entretien ainsi qu’au nouveau réseau dans lequel elle est amenée à s’intégrer.

« Après, moi, j’avais… j’avais mes amis à côté, c’était pas euh… et puis quand je rencontrais quelqu’un et que ça se passait vraiment bien, je l’intégrais dans mon groupe d’amis et puis voilà » (Brigitte)

Nous venons de le voir, l’évolution de l’implication est fortement équipée par les passages entre les différents formats d’échange. Il existe donc, de fait, un lien entre exclusivité et modalités d’échanges, cette dernière visibilisant une implication particulière dans la relation, appelle également une exclusivité qui n’était pas nécessaire avant le passage à l’ « étape supérieure » (du téléphone, par exemple).

« Pendant les échanges de mails, je continuais à discuter avec d’autres. À partir du moment où on s’est téléphoné, j’ai arrêté parce que pour moi… d’abord parce que je suis quelqu’un qui aime avoir des relations exclusives et je me disais que je ne peux pas… si je commence à avoir des sentiments pour lui, comment je pourrai continuer à discuter avec d’autres gens qui cherchent quelqu’un alors que moi, je ne vais pas être dans cette optique-là. » (Brigitte)

L’utilisation d’une webcam est une étape supplémentaire et un des éléments pouvant se rapprocher de ce que nous considérons comme « déconnecté ». En effet, quand bien même un tel dispositif reste totalement dépendant, techniquement, du réseau Internet, la visibilité particulière qu’il introduit permet aux partenaires de pénétrer, même indirectement, l’univers concret et physique de celui/celle qui fait de s’exposer, en exposant une partie de son univers quotidien. La façon dont Antoine formule le passage d’une telle étape nous permet de constater combien cette dernière, loin d’être anodine, représente, au contraire, un réel enjeu relationnel. L’utilisation du téléphone, et peut-être encore plus celle de la webcam, pose le problème de la réapparition des corps, avant même la rencontre. La question du « bon moment » est donc ici particulièrement problématique et les propos d’Antoine et de Flore illustrent les tensions inhérentes à ces passages délicats.

« Ça a été pendant… assez longtemps quand même uniquement par écrit. Je dirais… euh… les deux premiers mois, c’était  uniquement par écrit.

J.C. : Et comment elle est apparue la webcam ?

Antoine : Au fur et à mesure quoi, au fur et à mesure que les liens se tissent parce que… moi, je ne me sentais pas de dire « salut, ça fait une semaine qu’on se connaît, tu fous la webcam… qu’on se voit et qu’on se parle. » » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

«Au départ, c’était juste… euh… par écrit. Et après… après, il m’a invitée à la caméra. Alors, apparemment, c’est une fausse manipulation. Il a cliqué sur la petite caméra d’en haut. Donc, moi, je ne savais pas… enfin, quand j’ai vu invitation à… à accepter la webcam, j’ai accepté tout de suite. Et puis, bon, je me suis dit « on se parle, on se voit » c’était normal parce que je le faisais déjà avec des copines et tout, je le faisais déjà la webcam. Donc, voilà, j’ai pas réfléchi. Et puis, après coup, il s’est rendu compte et il m’a dit « ah, mince, je me suis rendu compte de ce que vient de cliquer. » Alors, je ne sais pas si c’était une coquetterie genre « je veux te voir en vrai et je veux pas le dire. » J’en sais rien. J’ai jamais reparlé si c’était vrai ou pas cette histoire, mais en tout cas, il s’est pas mis tout de suite, il a attendu quelques jours avant de se décider à la mettre. » (Flore, 24 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

Dans des situations particulières, la webcam peut être un moyen de diminuer le sentiment de risque précédant une rencontre du fait des connaissances toujours plus précises et « exactes » que permet l’ajout des médiations successives. L’image en mouvement semble rendre très difficiles les tromperies et manipulations. « Une vidéo en direct (contrairement à une image préenregistrée, non interactive) pourrait rendre significativement plus difficile le fait de décrire de façon convaincante certains types d’autoreprésentations fallacieuses. »[24] De fait, dans l’extrait qui suit, la webcam est clairement, pour Denis, un moyen de palier le risque exceptionnel que représente le pari risqué d’aller passer une semaine entière avec une personne qu’il n’a jamais rencontrée.

« Je suis parti en Corse, voir une amie corse là-bas, c’était aussi une rencontre plaisir, mais, euh… c’était risqué. Elle m’a invité pour Noël, enfin pour… oui, pour Noël, j’ai passé Noël là-bas. C’était… risqué parce que… c’est pas évident d’aller chez quelqu’un qu’on n’a jamais rencontré (…) on aurait pu avoir tout faux et il y aurait pu avoir beaucoup de regret de part et d’autre, j’aurais été aussi mal à l’aise de savoir que bon, je ne lui plais pas ou elle ne me plaît pas, mais, euh… on savait à quoi en s’attendait, quoi. (…)

J.C.  : Donc, ce risque, il est accepté de part et d’autre comme faisant parti du truc ?

Denis : Ben là, pour cette fille corse (…) oui, on était au même point, des deux côtés, c’était la même chose, on… on connaissait, on savait qu’il y avait un… un risque, en fait, on n’avait ni peur, on n’avait pas peur ni l’un, ni l’autre.

J.C.  : Vous en avez discuté un petit peu ?

Denis : Oui, longuement, longuement.

J.C.  : Et vous ne vous étiez pas appelé non plus avant de vous voir ?

Denis : Si on s’était appelé, on avait… il y avait aussi la Web Cam aussi, donc, quand même, on se connaissait assez bien, quoi. (…) Oui, tout nous a rassuré, que ce soit la Web Cam, euh… la voix… on a parlé chacun de sa vie aussi, que ce soit par téléphone ou par dial, on connaissait beaucoup sur l’autre (…) donc, euh… on était complètement rassuré. » (Denis, 45 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Le schéma qui suit illustre la notion de parcours par la mise en place de passages entre différentes formes de médiation et de « zones » correspondantes.

4. Complémentarité des outils et de leurs « territoires »

Une fois de nouvelles formes de médiations introduites pour équiper la relation, elles se complètent l’une l’autre et soutiennent différemment la relation en fonction des propriétés qui sont les leurs. La multiplication des médiations signifie un accroissement de l’engagement, et une multiplication proportionnelle des occasions d’entrer en contact. Les relations se « déplacent » donc de la seule présence sur Internet aux contextes multiples auxquels le téléphone mobile, par exemple, donne accès. Petit à petit les relations ne sont plus cantonnées à un espace restreint de sociabilité, elles se délocalisent pour prendre de plus en plus de place dans le quotidien des acteurs. Elles s’autonomisent donc peu à peu du cadre qui leur a permis de voir le jour pour devenir des relations « comme les autres ». Développant le caractère « entrelacé » des différentes formes de médiation, Beaudouin, Cardon et Smoreda montrent également que « l’histoire de chaque relation s’appuie successivement ou parallèlement sur les différents supports, et chacun est utilisé avec une signification spécifique dans la gestion des relations. Plus la relation est intime, plus se multiplient les outils mobilisés dans la relation. »[25] Ces passages apparaissent comme des « situations qui permettent l’attribution non ambiguë de motivations positives au comportement du partenaire. »[26] Ils signifient en effet pour les acteurs une volonté de l’Autre d’avancer et de s’engager plus avant ; ils jouent donc, à ce titre, un rôle fondamental dans la construction de la confiance qui grandit en se nourrissant de ce type de jugement à l’égard du partenaire et de ses motivations.

« Depuis le 27 juin, ma relation électronique avec ELEA a pris de l’ampleur. ELEA avait commencé par me faire la surprise de m’envoyer un premier SMS pendant mon week-end en famille, loin d’Internet, pour me montrer qu’elle pensait à moi (un samedi soir, c’est d’autant plus gratifiant). Et ce genre de petites attentions se sont poursuivies tout le long de mon séjour à Marseille. De sa part, je n’étais pas habitué aux démonstrations d’intérêt et de désir puisqu’elle restait toujours évasive. J’ai nettement senti une amélioration de nos rapports à la suite de chacun de nos coups de fil. Comme si je devenais plus réèl, plus accessible, que, cessant d’être une poupée virtuelle, je me construisais dans son imaginaire. »  (Anadema)

La relation prend une épaisseur et une consistance plus importante à mesure que se succèdent les médiations et que se diversifient, par la même occasion, les « territoires » auxquels l’autre a peu à peu accès. S’immisçant doucement dans l’univers « déconnecté » de son partenaire, l’acteur cesse de n’exister que sur le réseau pour devenir un être à part entière, placé, comme nous le montre ce dernier extrait, en concurrence avec les activités concrètes et non plus les seuls « adversaires » virtuels. Les propos qui suivent nous montrent également comment la quantité de médiations différentes mobilisées dans une relation permet à l’acteur de définir l’épaisseur d’une relation, d’une part, mais aussi de définir plus précisément l’Autre du fait de la multiplication des prises que permet la diversité des formats d’interaction. Les médiations qui la soutiennent et leur variété sont donc des éléments importants de définition de la relation.

« Généralement, je commençais à considérer le plan comme assez concret quand nous avions chatté une ou plusieurs fois, que nous avions échangé nos mails et nos numéros de portable, et parfois discuté quelques minutes au téléphone »  (Nick)

« J’avais… carrément la sensation de la connaître en fait parce que… à la fois de voir ses réactions par écrit, on commence à… à percevoir à la fois le caractère de la personne, aussi sa façon de réagir à certaines choses parce que, moi, j’étais pas non plus… à plat ventre, des fois, je la taquinais, des choses comme ça. De la voir aussi, via la caméra, je commençais à percevoir aussi ses réactions, son comportement, » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

De la même façon, lorsque le parcours a abouti à une rencontre physique, les communications médiatisées ne disparaissent pas mais restent au contraire très présentes dans l’entretien du lien. Si les relations parviennent à s’autonomiser de l’univers médiatique qui leur a permis de voir le jour, il est intéressant de noter la prégnance que conserve la technique une fois même le pas de la rencontre physique franchi.

(une fois que la rencontre a eu lieu et que la relation amoureuse physique a commencé : ) « Il y a une habituation qui se créée et même un besoin aussi après. C'est-à-dire qu’il y a pas… je ne dirais pas qu’il y a un besoin mais il y a un manque quelque part. (…) je pense que c’est à cause de ça que la transition a été assez vive parce que… il y avait… euh… il y avait un manque de… de cette habitude de rentrer, de se connecter sur MSN, de regarder si elle est là, oui, elle est là, bop, on branche la caméra et on se parle. Petit à petit on a passé comme ça et puis… au fur et à mesure, comme on avait nos numéros de téléphone, on s’appelait et… après, la transition s’est faite naturellement. » (Antoine, 29 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Ling montre comment une situation d’incertitude relationnelle conduit les adolescents à préférer les messages écrits aux délicates et inconfortables conversations téléphoniques. En effet, dit-elle, « le portable va au-delà de la confirmation des relations existantes. Les messages textuels ont permis la mise en place de nouvelles relations. La nature asynchrone des ces messages permet à un nouveau couple de se découvrir des centres d’intérêt et de mettre en place de façon plus paisible leur relation. »[27]. La médiation écrite est, dans notre cas également, très fréquemment mobilisée pour statuer de l’état de ses propres sentiments et de la relation, immédiatement ou peu de temps après une rencontre physique. Quand les choses ne sont pas clairement établies, les acteurs soucieux de clarifier la situation et de savoir ce que l’autre pense d’eux et de la potentielle relation en formation, sollicitent son avis ou la confirmation de la qualité du moment passé par l’envoi d’un message qui informe sur soi et appelle une réaction sensée éclairer sur l’état d’esprit du partenaire.

 « Depuis jeudi, Iséa et moi battons des records de silence : 2 SMS chacun en tout et pour tout en 5 jours ! Quand on est habitué à 2 heures de Chat par jour minimum depuis 1 mois, le changement se fait radicalement sentir.

J’attendais au moins un petit SMS de sa part, vendredi, pour me rassurer et me confirmer que notre journée ensemble n’avait rien cassé. Eh bien… rien, le néant total… Elle ne s’est même pas connecté sur MSN de toute la journée. » (extrait du blog d’Anadema)

Toutes les relations ne se prêtent cependant pas à la mise en place de tels parcours, parfois très longs. En effet, des objectifs différents – et souvent moins engageants – peuvent appeler la mise en place de parcours très courts. Ainsi, deux utilisateurs qui se connectent sur le site pour trouver des partenaires sexuels rapidement peuvent – si tant est que les objectifs sont clairement définis entre eux et qu’un sentiment de confiance minimum s’installe – faire l’économie de certaines étapes, de certaines formes de médiations ou de leur installation dans un régime relationnel à long terme. Le but n’étant plus ici de mettre en place une relation affective stable mais de trouver un partenaire pour du sexe récréatif, les impératifs ainsi que les garanties à obtenir ne sont plus les mêmes. Une attirance physique et une certaine sécurité sont plus faciles à juger et à tester qu’une réelle complicité intellectuelle et affective et les épreuves correspondantes plus simples et rapides à franchir.

De la même façon, il semble que les déconvenues successives au moment de la rencontre physique poussent les utilisateurs expérimentés à précipiter le moment de la confrontation des corps davantage qu’ils ne pouvaient le faire à leurs débuts. Ils s’assurent ainsi de tester suffisamment tôt une « compatibilité » physique leur permettant de faire l’économie d’échanges longs où les deux partenaires fantasment une relation qui ne pourrait finalement voir le jour. Il est, en effet, moins douloureux de mettre un terme à une relation où l’on ne s’est que très peu impliqué que de devoir déconstruire un lien fort mais qui ne sait trouver en face-à-face les éléments lui permettant de se pérenniser. Ce moment spécifique n’est pas détaillé ici, il est pourtant fondamental et, puisqu’il doit conclure le parcours et sceller le destin des amants potentiels, les représentations à son égard contribuent également à faire varier la longueur des parcours de confiance.

5. La technique comme support d’entretien des relations

Les sites de mise en relation présentent l’intérêt de mettre potentiellement en contact une quantité très importante de personnes. Si cet état de fait a des conséquences directes sur les usages au moment de la prise de contact nous allons voir ici qu’il joue également un rôle important dans l’entretien des liens ainsi mis en place.

Les utilisateurs mobilisent en effet très fréquemment le volume de contacts potentiels mis à leur disposition pour multiplier les échanges et tenter ainsi de maximiser leurs chances de parvenir à leurs fins, tel Nick appliquant sa « logique quantitative » et sa « stratégie de relations massivement parallèles ».

Il peut cependant s’avérer difficile, voire impossible, d’entretenir ces liens de façon satisfaisante, de ne pas « perdre le fil » des relations sans aide extérieure ou système d’aide à la mémoire. Comme le dit Nick, il devient très vite « difficile de se rappeler en 2 secondes tous les détails de chaque personne, quand on est en relation virtuelle ou réelle avec 20 ou 30 en même temps ». Pour répondre à ces besoins, la technique s’avère une nouvelle fois d’un grand secours. Si la pluralité des contacts et des relations sont admises et excusent un certain nombre de « trous de mémoire », se rappeler des éléments importants échangés jusque là semble être le signe minimum de l’intérêt porté à son interlocuteur. Cela n’est pourtant pas chose facile et appelle donc la mise en place de dispositifs plus ou moins experts d’externalisation de la mémoire. Les artefacts cognitifs[28] mis en place par les utilisateurs sont alors mobilisés pour s’assurer de ne pas faire l’aveu d’engagements nombreux et concurrents.

« Je fais parfois quelques gaffes, dans les prénoms, mais … je me dis tant pis, quoi. Je… je le vis comme ça, je ne veux pas noter sur un papier. Avant, je notais sur un papier. Certaines fois, je note sur un papier aussi, parce que… il faut que je me rappelle du prénom, quand même, euh… ça la fout mal, quoi. » (Denis, 45 ans, salarié, utilisateur de Meetic)

Les sites eux-mêmes facilitent les processus de mémorisation en mettant en place des outils permettant de mémoriser, stocker puis rappeler les personnes, les objets ou les informations les concernant. Le site Meetic  enregistre par exemple les parcours des utilisateurs de fiche en fiche, créant des listes de visiteurs et de contacts passés. Il est également possible de constituer des « listes d’amis », permettant, à chaque instant, de retrouver les personnes avec lesquelles un contact a été initié. Cependant, ces dispositifs peuvent s’avérer insuffisants. Les utilisateurs sont alors enclins à mobiliser davantage encore les capacités de mémorisation offertes par la numérisation des échanges. De cette façon Nick crée de véritables dossiers où sont stockés quantités d’informations. « Chaque fois que je chattais avec une nana, j’archivais tout le texte de notre discussion. Je récupérais aussi ses photos, et je stockais tout ça sur mon ordi, dans un dossier spécial ». Cette externalisation de la mémoire lui permet alors, à tout instant, de rappeler les informations concernant l’une ou l’autre de ses correspondantes. Les outils dont il dispose, et qu’il mobilise activement dans ce sens, constituent alors, avec et pour lui, un stock de connaissances sur lequel s’appuient ses définitions (équipées) de situation, condition sine qua non de l’entretien simultané d’un nombre important de relations.

Cette pratique de stockage permet aussi à l’utilisateur un retour réflexif sur les échanges passés. Détaché de la pression de l’instant il peut en effet prendre le temps de la réflexion. Ces formes de mémorisation sont également le signe d’une implication relationnelle spécifique. Ainsi Oscar nous explique-t-il avoir enregistré sur son ordinateur les messages échangés avec sa partenaire privilégiée du moment, parce que, d’une part, la longueur des messages rendait difficile le fait de répondre sans rien omettre et sans disposer du message d’origine pour s’en assurer ; parce que, d’autre part, une telle démarche lui permettait de créer un « historique » qui lui faisait « plaisir » et pouvait « servir ».

« Une fois que j’avais recueilli pas mal de contacts, je pouvais regarder tout ça tranquillement, en relisant nos chats, et ça donnait une autre vision des choses, moins fébrile qu’en live. Ca me permettait aussi de décider quels plans j’avais envie de creuser à court terme, c’est à dire lesquelles j’avais envie de rencontrer. » (Nick)

La personnalisation des outils permet aux utilisateurs de mettre en place des raccourcis cognitifs leur permettant de gérer plus efficacement leurs relations. Paramétrage de sonneries, ajout de caractères devant le nom en fonction de la nature de la relation, regroupement des interlocuteurs dans différentes catégories sont autant de moyens pour l’utilisateur de se donner des prises dans l’action et rendre plus simple et efficace l’entretien des liens mis en place.

« Dans le répertoire de mon portable tous les noms de nana "du moment" sont précédés d’une étoile, ce qui les place à la fin du répertoire, toutes ensemble, et accessibles super vite en tapant juste * sur le clavier. Celles que je ne vois plus, ou que j’ai un peu mis à l’écart dans l’immédiat, ont leur nom précédé d’un Z, ce qui les met à la fin de la liste des nanas “actives”. Evidemment, il arrive souvent qu’un nom passe de l’une à l’autre des catégories, selon l’humeur du moment (la mienne ou la sienne!). Elle a l’air de renacler et pas moyen de choper un rendez-vous rapidement? Je ne vais pas m’acharner: hop, je lui colle un Z devant son nom, et elle en passe en liste non prioritaire, afin que tous les noms précédés d’une étoile restent facilement accessibles et ne contiennent pas de “causes perdues”. » (Nick)

De cette façon, Nick a paramétré son téléphone et créé des groupes d’appel pour être capable, sans intervenir directement dans la situation, de gérer les droits d’entrée et les interdictions à telle ou telle de ses correspondantes. Il peut ainsi, en un instant et par le choix d’une sonnerie appropriée, savoir quel type d’interlocuteur tente de le contacter. Il peut également bloquer les appels de ses autres partenaires lorsqu’il se trouve en compagnie d’une de ses conquêtes. Sa maîtrise de l’outil lui permet donc d’entretenir plus facilement le lien tout en évitant au maximum les risques liés à la poursuite de relations amoureuses simultanées. Situations et relations sont typifiées et le paramétrage de son téléphone s’effectue par le croisement de ces deux types. Les types de relation sont matérialisés dans les groupes d’appel qui délimitent les contours de réseaux plus ou moins compatibles avec les différentes situations concrètes dans lesquels Nick peut se trouver. Les types de situations, eux, donnent lieu à l’élaboration des modes qui appliquent des comportements spécifiques aux différents groupes d’appels donc aux différents types d’interlocuteur. La tâche visant à s’assurer qu’une relation « clandestine » ne fera pas irruption dans une situation où il se trouve avec sa petite amie officielle est anticipée et déléguée[29] au dispositif, qui, si tant est que Nick a pensé à activer le mode approprié, l’assure que les risques sont maîtrisés.

« Dans mon portable, j’ai créé plusieurs groupes d’appel: toutes les nanas que je fréquente plus ou moins sont enregistrées sous le groupe d’appel “GURLZ”, qui a une sonnerie spécifique (la musique DIM: ben oui, ça m’évoque tout de suite petite culotte, donc c’est cohérent et mémotechnique!).

J’ai créée aussi un groupe d’appel “G-LOVE”, dans lequel je place ma chérie du moment, ma “régulière”, avec une sonnerie spécifique. Bien entendu, ce groupe ne peut comporter qu’un nom. C’est déjà assez compliqué comme ça!

Enfin, j’ai crée un dernier groupe d’appel, “G-NOW” que j’utilise temporairement pour filtrer toutes les nanas, y compris ma “régulière”, sauf celle avec laquelle je vais passer la soirée, et que j’inscris temporairement sous ce groupe.

Maintenant, tous les numéros de nanas sont classés dans un groupe d'appel, et pourront donc être filtrés avec des MODES.

J’ai paramétré plusieurs modes dans mon portable, qui définissent quels appels peuvent entrer, et ce qui se passe de façon générale (sonnerie, messages, etc..)

En combinant tout ça, je suis sur de ne jamais etre dérangé par une personne “inappropriée” au mauvais moment.

Quand je suis avec ma chérie, je mets le mode “G-OFF”, qui bloque tous les appels entrants de nanas du groupe “GURLZ”, et les envoie directement sur la messagerie. La messagerie est paramétrée pour ne pas me rappeler, et pour ne pas bipper quand je reçois un message. Maxi discrétion si on m’envoie un texto un peu chaud.

Comme ça, je ne risque pas d’être dérangé par un appel ou un texto d’une autre, alors que je suis avec elle. Tous les autres appels passent: les amis, le biz, la famille..mais aucune nana inscrite dans le groupe “GURLZ”.

Quand j’ai un rencart imminent avec une nana qui doit pouvoir me joindre, je la passe temporairement du groupe “GURLZ” au groupe “G-NOW”: cela bloque tous les appels “GURLZ” (donc toutes les autres nanas), ainsi que ma chérie du groupe “G-LOVE”, mais laisse passer ses appels, histoire qu’elle seule puisse me joindre (par exemple pour me demander le digicode, ou me dire où la rejoindre).» (Nick)

Nous avons vu combien le fait de sortir de la « zone Internet » peut revêtir un véritable enjeu relationnel dans la formation du lien. Il en est également un en ce qui concerne son entretien. Les acteurs sont sensibles et attentifs aux « petits signes » que les outils multiples leur permettent de s’adresser l’un l’autre, dans différents contextes et à différents moments de la journée. Entretenir le lien, peut être encore davantage lorsqu’il a initialement été mis en place via les outils de la communication à distance, passe par l’usage conjoint et croisé de ces supports. L’extrait qui suit nous montre également comment cette modalité « connectée »[30] d’entretien du lien peut revêtir une dimension stratégique, du fait du sens qu’une telle démarche revêt pour les acteurs. Nick a ici bien compris que celles auprès desquelles il prend soin de se manifester par l’entremise des multiples outils à sa disposition interpréteront de tels signes comme un désir de sa part d’entretenir le lien et de s’engager dans la relation. Il met directement à profit sa connaissance des qualifications inférées des usages d’autrui. Ce faisant il tente stratégiquement de maîtriser les impressions qu’il produit et les jugements opérés à son encontre.

« J'ai entendu un jour une expression que j’ai adoré à propos de la drague et des nanas: “Pour choper des langoustes, il faut poser des paniers”. Et comme c’est vrai.

Les paniers, ce sont des petites attentions. Et la technologie moderne est idéale pour ça. Par exemple: un SMS de temps en temps pour faire de la présence à l’esprit, un petit coup de fil “désintéressé” (du moins à court terme) pour prendre des nouvelles, un mail court mais amical pour refaire signe de temps en temps.

Il est beaucoup plus facile de rebaiser avec une nana qui a l’impression qu’on n’a pas coupé le fil depuis la dernière fois, par quelques petits contacts anodins. Au moins, elle ne peut pas te sortir le redoutable “tout ce que tu veux c’est me sauter”. Même si c’est souvent exact. Garder des contacts épisodiques mais réguliers gomme considérablement ce risque et parvient presque à te faire passer pour quelqu’un de sincèrement concerné par sa vie hors du périmètre d'un lit. » (Nick)

Nous voudrions, pour terminer notre analyse, nous arrêter quelques instants sur un paradoxe que présente l’analyse de ces usages. En effet, les utilisateurs semblent d’une certaine façon se transformer en expert de la qualification et de la sélection. Les NTIC accentuent la réflexivité d’un acteur qui se transforme en professionnel de la qualification. Elles contribuent ainsi, entre autres, à visibiliser ses préférences, augmentant par la même la réflexivité et la rationalisation des usages. Cependant, nous remarquons que cette rationalisation du choix conduit souvent à des situations de désenchantement certain d’utilisateurs blasés et cyniques. Alors que les modes raisonnés d’appariement devraient permettre aux utilisateurs de ces sites de trouver plus facilement la « bonne personne », il semble qu’une telle entreprise génère plus que fréquemment des effets pervers en obligeant les utilisateurs à endosser des rôles dont ils ne savent se défaire et qui contribuent pourtant à leur insatisfaction. Le « rôle » particulier que les utilisateurs des sites de rencontre endossent dans le but d’initier ou d’entretenir ces relations spécifiques s’éloignent en effet plus ou moins largement de ceux qu’ils sont dans des univers déconnectés d’interaction. De tels rôles présentent pourtant une relative irréversibilité. Il est de fait souvent difficile de faire machine arrière pour initier, par exemple, une relation à long terme alors qu’elle n’avait initialement été envisagée que de manière ludique et distractive. La réflexivité des usages que nous posons ici semble donc discutable. L’acteur rationnel dont nous dressons le portrait devrait savoir poser les limites d’usages qui, fréquemment, ne savent combler ses attentes.

Nos observations nous montrent que les outils sont mobilisés activement pour réduire une part de l’incertitude liée à la mise en relation avec des inconnus. Se faisant, le risque se trouve en partie maitrisé. Pourtant, le risque a ici droit de cité. Il est un sentiment accepté par les acteurs puisqu’ils sont des inconnus les uns pour les autres et que la relation est totalement à construire. Dès lors, cette modalité relationnelle autorise la mobilisation d’informations générées par des dispositifs qui légitiment, par la même occasion, leur utilisation. Calcul et rationalisation du rapport à l’Autre apparaissent donc comme des éléments raisonnables de la « découverte équipée ». Cette découverte progressive mobilise, elle aussi, les dispositifs et leur chainage en vue de constituer des processus d’engagement et de réduction du risque graduels. Nous avons vu cependant qu’à mesure que la relation progresse, la prudence laisse peu à peu la place à la confiance. Ce processus passe par l’abandon ou le détachement progressif des médiateurs permettant la prudence au profit du rapprochement des corps, conséquence et signe de la confiance que les acteurs se portent. Le niveau d’implication, effectif mais aussi et surtout potentiel et souhaité, conditionne alors en partie la longueur des parcours. S’impliquant dans les relations qu’ils construisent ensemble les acteurs en viennent progressivement à instaurer un jeu conjoint qui mobilise, pour se poursuivre, se répéter et, éventuellement, se pérenniser, des formes typiques d’investissement dont ces relations se rapprochent à mesure qu’elles quittent les territoires où elles ont vu le jour, en colonisent de nouveaux et finissent éventuellement par devenir des relations « comme les autres » qui méritent alors, puisque la confiance a pu être mise en place, que des efforts soient réalisés pour qu’elles puissent continuer d’exister.

« C’est quelqu'un en qui j'ai une totale confiance. Donc, c'est vraiment, la relation que je ressors, c'est celle que... celle que je protège et celle que je voudrais garder indéfiniment. Et, je crois que c'est le plus gros apport que j’ai… que je retire de mon inscription sur Meetic. » (Marie, 22 ans, étudiante, utilisatrice de Meetic)

L’étude des usages de ces sites nous a permis d’identifier quelques uns des éléments en tension dans les processus de mise en relation et de construction de ces « parcours de confiance ». Nous avons ainsi pu étudier les multiples équipements de cette construction progressive de confiance mise en place notamment via le « test » des dispositifs en eux-mêmes et la mise en place de relations procédurisées, grâce aux outils et à l’engagement progressif qu’ils permettent. Si nous élargissons un instant notre réflexion aux sites de mises en relation en règle générale, il semble qu’une fois encore, les notions de risque et d’incertitude[31] semblent centrales et ce d’autant plus que ces mises en relation impliquent des inconnus, l’anonymat de l’internet pouvant être de nature à provoquer ces sentiments de danger liés à la confiance[32]. Il semble que les mises en relations dont nous parlons ici relèvent de ces deux processus. Si la situation implique un risque, si les acteurs peuvent anticiper les conséquences négatives de la situation ou de leurs actions, il est possible – pour eux, autant que pour le médiateur – de mettre en place des systèmes d’assurance les protégeant contre ces risques éventuels[33]. Ainsi, l’échange marchand par exemple offre à observer une situation ou de tels systèmes peuvent être mis en place. Et, de fait, ils le sont : système de réputation, remboursement en cas d’abus de la part de l’un ou l’autre des partenaires, sont autant de systèmes, institutionnalisés du fait de la possibilité de définir les buts autant que les moyens de leur accomplissement. Lorsque la situation implique de l’incertitude, comme cela est le cas pour les sites de rencontre amoureuse, les acteurs ne peuvent définir avec précision ce sur quoi portent les possibilités de déception et les conséquences négatives éventuelles de leurs actes ou de ceux de leurs partenaires. Dès lors l’institutionnalisation des moyens de protection est impossible. Nous avons constaté quels peuvent alors être les moyens de se protéger malgré cette absence de cadre préconstruit d’assurance. Les acteurs « bricolent » des moyens de réduire progressivement l’incertitude en obtenant, concernant leur partenaire, de plus en plus d’informations leur permettant de s’engager, effectuant pour cela des jugements adaptés aux besoins de connaissance qui sont les leurs. Les processus de protection différent donc d’une modalité relationnelle et d’un objectif à l’autre, tout comme différent les formes de confiance mises en place et, par voie de conséquences, la longueur des parcours de confiance. Quoi qu’il en soit, de telles modalités relationnelles illustrent une nouvelle fois la volonté de réduction du risque. Volonté fortement équipée par les dispositifs qui permettent la mise en place de stratégies de gestion des engagements et des risques qu’ils impliquent. Ainsi, une telle entreprise valorise la rationalisation des processus d’attachement. En effet, « une réduction des risques, alliée à l'évitement de la clôture des options, est tout ce qui reste du choix rationnel dans un monde aux occasions fluides, aux valeurs changeantes et aux règles éminemment instables ; les cyber-rencontres, contrairement à la délicate négociation des engagements mutuels, satisfont à la perfection (ou presque) ces nouveaux critères de choix rationnel. »[34]

Si le risque et l’incertitude sont donc, dans de nombreux cas, évités autant que possible, il semble pourtant qu’accepter de s’engager malgré ce qui ne peut que rester dans l’ombre soit la condition sine qua non pour que les objectifs relationnels soient atteints. La figure de la confiance gagne alors peut-être à être remplacée par celle de la prudence[35], qui correspond au problème pratique que les utilisateurs de tels sites ont à résoudre. Ces derniers souhaitent atteindre un objectif, plus ou moins précis. Ils entrent pour cela en contact avec des inconnus, par l’intermédiaire d’un dispositif qui leur fournit un certain nombre de garanties mais ne peut, en aucun cas, réduire totalement le risque. Ils doivent donc s’engager en acceptant ce risque et/ou cette incertitude restants. A la manière des négociateurs dont traite Bourque, « le principal dilemme auquel est confronté [l’utilisateur] est un dosage habile de confiance et de prudence, car la confiance inconditionnelle peut lui faire renoncer à des avantages pour maintenir la relation de coopération, et le manque de confiance peut empêcher la mise en œuvre de solutions procurant des bénéfices mutuels »[36]. La notion de « sérendipité » nous permet de concevoir cette prise de risque assumée par les acteurs et de mettre en avant le caractère émergeant des objectifs et des parcours relationnels. Comme le note Catelin, « la sérendipité est effective à partir du moment où, cherchant quelque chose et ayant trouvé autre chose, on reconnaît que ce qu’on a trouvé est plus intéressant ou a plus d’importance que ce qu’on cherchait. »[37] Savoir se laisser surprendre et s’engager dans des relations qui n’étaient pas forcement attendues ou prévues semble être une nouvelle capacité à détenir dans le cadre de tels dispositifs de mise en relation. La prise de risque est encadrée – plus ou moins fortement, en fonction de l’institutionnalisation possible des objectifs et de leur moyen d’accomplissement – et c’est justement cette prise de risque qui est rationnalisée, au moins en partie, par et grâce au médiateur. La prudence, l’attention aux signes qui permettent de construire les jugements, est une solution pratique aux problèmes que le contexte de mise en relation introduit. Oscar résume, en effet, sa démarche en nous disant : « j’avais pas envie de… de m’embarquer dans un truc pour lequel je prends des risques. » Cette phrase résume relativement bien l’attitude générale envers de tels dispositifs. Cependant, cette prudence est alors amenée à évoluer – du fait des mécanismes détaillés précédemment – pour se transformer progressivement en une confiance qui se rapproche d’une confiance routinière[38], beaucoup moins réflexive et constamment interrogée. Cette évolution peut alors être considérée comme le signe de la « réussite » de la mise en relation qui a su s’ « extraire » de son contexte d’origine pour s’autonomiser et devenir une relation ordinaire. Les outils, médiateurs, doivent, à terme, disparaitre pour que la relation mise en place grâce à ces cadres puisse être considérée comme un succès, quand bien même ils deviennent alors des éléments ordinaires d’entretien du lien. Cependant, le fait qu’ils aient pour vocation de disparaitre n’empêche pas les acteurs de les mobiliser pour construire un parcours raisonné et prudent ou la confiance s’accorde et s’obtient pas à pas.

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[1] Enviar correspondencia a: chaulet@univ-tlse2.fr.

[2] Möllering, 2005, p.289 (traduction personnelle)

[3] Fernandez, 2003 ; Gomez, Korrine & Masclef, 2003 ; Nooteboom, 2006

[4] Simmel, 1999, p.348

[5] Sztompka, 1999, p.82

[6] Nous pouvons citer, à titre d’exemple : Gomez, Korrine & Masclef, 2003 ; Lorenz 1996 ; Nooteboom, 2006 ; Trompette, 2003

[7] Allan, 1979

[8] Blau, 1964

[9] Nooteboom, 2006, p.84

[10] Trompette, 2003, p.104

[11] Ibid., p.107

[12] Feng, Lazar & Preece, 2004

[13] Luhmann, 2006, p.45

[14] Ibid., p.46

[15] Cardon, Smoreda & Beaudouin, 2005, p.112

[16] Illouz, 2006, p. 258

[17] Donath, 2003

[18] Guillaume & Uhalde, 2003, p.51

[19] White, 1992, 2002 ; Grossetti, 2004, 2005, Grossetti & Godart, 2007

[20] Grossetti, 2004, p.132

[21] Ferrand, 2007, p.106

[22] Blau, 1964 ; Ferrand, 2007

[23] Grossetti, 2004, p.132

[24] Donath, 2003, p.44

[25] Cardon, Smoreda & Beaudouin, 2005, p.110

[26] Miller & Rempel, 2004, p.696

[27] Ling, 2002, p.288

[28] Norman, 1993

[29] Latour, 2006

[30] Licoppe, 2002

[31] Knight, 1940

[32] Henderson & Gilding, 2004

[33] Licoppe, Pharabod & Assadi, 2003

[34] Bauman, 2004, p.84

[35] Trompette (2003) utilise d’ailleurs ce terme pour désigner l’attitude de partenaires initialement inconnus qui doivent progressivement construire une relation de confiance.

[36] Bourque, 1999, p.284

[37] Catelin, 2001, p.365

[38] Luhmann, 2006, p.26