L’invitation au mariage. Une approche des réseaux de sociabilité du couple
Florence Maillochon, Centre Maurice Halbwachs – ERIS (France)[1]
Resumen
Este artículo describe lo que está en juego en la elaboración de la lista de invitados a las ceremonias de matrimonio. Esta circunstancia ofrece al sociólogo una oportunidad excepcional para observar una “red de sociabilidad” objetivada por los actores mismos. Al poner en relación el contenido concreto de estas listas con los discursos de las parejas sobre las lógicas y las dudas que preceden a la selección, permite matizar el carácter subtancialista que se atribuye generalmente a las “redes”. Invitar a alguien al propio matrimonio no es una simple enumeracion/mirada de sus relaciones amicales, sino una acción performativa que permite construirlas y proyectarlas al futuro. La invitación al matrimonio parece también fuertemente condicionada por las posiciones sociales respectivas de las personas involucradas, de manera tal que el reconocimiento afectivo y el reconocimiento social resultan a menudo indisociables en la elaboración de esta relación. Los invitados al matrimonio no representan solamente un estado de hecho de la “red amical”, producto de la historia de la pareja e inscrito en el pasado de cada uno, sino también una promesa sobre la posible evolución de la proyección afectiva, y también social, de dicha pareja.
Palabras clave: Matrimonio, relaciones, amistad, reconocimiento.
Résumé
Cet article décrit les enjeux sociaux de l’élaboration de la liste d’invités aux cérémonies de mariage. Cette circonstance constitue une opportunité rare pour le sociologue d’observer un « réseau de sociabilité » objectivé par les acteurs eux-mêmes. La mise en regard du contenu effectif de ces listes avec les discours recueillis auprès des couples sur les logiques et les hésitations ayant présidé à leurs choix permet de nuancer le caractère substantialiste qui est souvent attribué aux « réseaux ». Inviter quelqu’un à son mariage n’est pas une simple opération de mise à plat de ses relations amicales, mais une action performatrice qui permet de les construire et de les projeter dans l’avenir. L’invitation au mariage semble aussi largement conditionnée par les positions sociales respectives des personnes concernées de sorte que reconnaissance affective et reconnaissance sociale apparaissent souvent indissociables dans l’élaboration de cette relation. Les invités au mariage ne représentent donc pas seulement un état de fait du réseau amical produit par l’histoire du couple et inscrit dans le passé de chacun, mais aussi une promesse sur l’évolution du rayonnement affectif, mais aussi social, de celui-ci.
Mots-clés: Mariage, liens, amitié, reconnaissance.
Abstract
This article describes the social factors involved in drawing up a list of wedding guests. This circumstance provides a rare opportunity for sociologists to observe a "social network" objectified by the actors themselves. Comparing the actual content of these lists with the couples' accounts of the reasons for their choices and for their hesitations provides a means to qualify the reputedly substantialist nature of social networks. A guest list is not a simple inventory of friendships; inviting someone to one's wedding is a performative action enabling the couple to construct relationships and project them into the future. Choices are also strongly conditioned by the respective social positions of the persons concerned, such that affective recognition and social recognition often become indissociable. Hence, the list of wedding guests is not simply a photograph of the couple's network of friends, but also a promise of future affective and social fulfilment.
Key words: Marriage, friendship, recognition.
Le moment où deux personnes s’unissent pour la vie est aussi un moment de réflexion sur les relations qu’ils ont nouées auparavant, ensemble ou séparément : celles qu’ils jugent importantes ou non de convier pour les entourer en ce jour particulier. Malgré l’importance de cette sélection, les invités au mariage n’ont jamais fait l’objet d’études spécifiques à deux exceptions près : la monographie du « double mariage de Jean Célesse » réalisée par Yvette Delsaut (1976) qui analyse avec finesse les problèmes de rencontre de deux mondes familiaux, socialement distincts, et la description des nouveaux rituels de mariage par Martine Segalen (1995, 1998) qui mentionne les transformations récentes du rôle des amis du couple au cours des festivités. Cet article propose donc de décrire les fêtes de mariage des jeunes en France, sous l’angle des enjeux relationnels qu’elles soulèvent. Les noces fournissent l’occasion rare pour un sociologue de pouvoir observer finement un « réseau de sociabilité ». En effet, la liste des invités - qui constitue un des enjeux majeurs des préparatifs du mariage indépendamment de l’intérêt que peut y prêter le chercheur[2] - peut être considérée comme un réseau partiel, mais aussi partial, des deux individus qui vont se marier. Il s’élabore en effet sous différentes conditions qui en limitent et en redéfinissent les contours : contraintes structurelles liées à la taille des familles initiales des époux et à leur appartenance à différents cercles sociaux ; contraintes formelles en raison de l’exigence d’un certain faste qui entoure presque systématiquement les festivités du mariage ; contraintes financières imposées par les budgets des mariés et de leur famille toujours limités par rapport à ce que les couples souhaiteraient réaliser. L’énoncé de ces différentes conditions permet de dessiner le contexte dans lequel la liste des invités s’élabore, mais ne permet pas de décrire finement le cercle des proches qui entourent finalement les époux le jour de leurs noces, ce qu’il représente pour eux, et ce qu’il représente socialement. Notre hypothèse est que la liste des invités n’est pas seulement un enregistrement d’un réseau affectif inscrit dans le passé mais aussi un gage de son évolution ultérieure et de la reconnaissance sociale qu’il assure.
Ce réseau ne peut se comprendre (ni dans ses limites, ni dans sa signification) sans explorer la relation « d’invitation » qui lui donne sens et consistance. A cette fin, deux types de données seront donc mobilisées et comparées pour tenter de retracer l’ensemble des arrangements, entre choix et contraintes, que les couples ont été amenés à faire : d’une part, le descriptif exhaustif de l’ensemble des invités[3] suivant leurs caractéristiques socio-démographiques et relationnelles ; d’autre part les récits de couple exposant leur procédure de choix, leurs hésitations et leurs doutes ainsi que leur perception de leur sélection effective (voire encart méthodologique). C’est en effet, dans ce va et vient permanent entre deux types d’éclairage de la liste des invités – et leurs éventuelles contradictions - qu’on perçoit le mieux le caractère socialement construit de l’invitation au mariage. Inviter une personne à son mariage n’est pas un acte anodin, même si la complexité réelle de la tâche est souvent atténuée dans le discours des couples. C’est en explorant aussi ce que représente son contraire « ne pas inviter quelqu’un » ou son symétrique « être invité » qu’on perçoit la mesure d’un tel acte et ses implications non seulement personnelles et relationnelles, mais aussi sociales.
Les données analysées dans cet article proviennent d’une recherche en cours sur les cérémonies de mariage des jeunes Français.
Vingt-cinq cas de « premier mariage » ont été étudiés. Afin de limiter les variations liées aux effets biographiques de cycles de vie, les couples concernés sont âgés de 24 à 33 ans. En revanche, l’échantillon a été constitué pour préserver une importante diversité sociale et géographique. Les individus interrogés occupent des positions professionnelles contrastées (ouvrier, avocat, employée de banque, professeur du secondaire, secrétaire, ingénieur, attaché commercial, etc.) et ils habitent soit à Paris et dans la région parisienne, soit en Normandie (Caen et les communes rurales avoisinantes). Plusieurs types de données ont été recueillies pour chaque couple : deux entretiens semi-directifs réalisés avant et après le mariage, des questionnaires biographiques synthétiques sur l’histoire individuelle et familiale, des tableaux reconstituant l’ensemble des invités (ainsi que des photos et vidéos des fêtes de mariage non mobilisés dans cet article).
Le tableau récapitulatif des invités permet de recueillir des informations sur leurs caractéristiques socio-démographiques (sexe, âge, profession, lieu de résidence), sur l’origine et l’ancienneté de leur lien avec chaque époux ainsi que la nature actuelle de cette relation, ses modes d’interactions et sa fréquence.Dans le souci de faire un mariage qui « leur ressemble » - une des exigences principales du mariage contemporain (Maillochon, 2008b) - les époux accordent beaucoup d’importance à la sélection de leurs convives et au fait que ce choix apparaisse comme un acte personnel et/ou conjugal. Cette revendication est à l’origine de nombreuses discussions avec les parents pour éviter de se voir imposer une liste trop familiale ou trop traditionnelle (Castren et Maillochon 2008). Elle se traduit aussi par le faible droit de regard des parents sur les invités des époux, considérés désormais comme des acteurs clés de la fête du mariage (Segalen, 1995).
Dans ce cadre, les époux présentent souvent leur liste d’invités comme un choix libre, dépourvu de contraintes familiales, et comme une évidence, celle de l’amitié. Ils vont inviter les « proches », les « incontournables » dont ils ne sauraient se passer. Le mariage fournit l’occasion de rassembler autour de soi tous les gens qu’on aime, tous les gens qui comptent. Comme l’expriment Christelle (employée de banque) et Sébastien (représentant de commerce), cette liste s’imposerait d’elle-même.
Christelle : Oui ça été très facile. Moi, j’ai fait ma liste à main levée, comme ça…
Sébastien : Très facile.
Comme l’amitié dont elle serait l’expression, l’invitation au mariage s’accommoderait mal du doute ou du calcul qui en serait en quelque sorte la négation. Noémie (avocate) expose ainsi :
«Noémie: Finalement, les gens qu’on a invités c’est vraiment des gens qui étaient évidents pour nous et que si on se posait des questions et on se disait : “ si on se pose la question c’est qu’on attache pas vraiment d’importance à ce qu’il soit là ou non”.
Le choix des invités, comme le choix des amis, se pare toujours de l’image de la certitude et du libre choix qui résiste en quelque sorte à toute explication, à toute justification. « Parce que c’étaient eux, parce que c’étaient nous », le principe générateur de la liste des invités semble ainsi faire écho à la formule de Montaigne « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » dont Claire Bidart (1991) montre l’étendue dans les représentations sociales de l’amitié. Elle décrit aussi combien celles-ci peuvent s’écarter des relations effectivement vécues et de la manière dont elles se sont formées.
Si comme les amis, les invités apparaissent comme une nécessité, c’est par négligence ou omission du processus souvent complexe qui a permis d’arriver à cet état de fait en éliminant notamment d’autres possibles. C’est pourtant sur toutes ces opérations sociales dont le produit - amis invités - est perçu comme une évidence, qu’il nous semble intéressant de porter un éclairage sociologique. L’invitation au mariage s’accommoderait mal des contraintes sociales qui pourrait mettre en doute l’intensité de la relation et pourtant, elle est bien soumise, comme l’amitié, à des contraintes et stratégies diverses, et ce d’autant qu’elle est aussi invitation à un événement social[4].
En effet, même si le mariage est de plus en plus conçu et revendiqué comme l’occasion de « faire la (grosse) fête », il en est une forme tout à fait spécifique qui emprunte peu au registre de l’informel ou de l’imprévu (Segalen 1997, Maillochon, 2008a). Fixé de longue date, préparé avec soin sur une longue période et avec une liste de convives finie (où les invités surprises ne sont pas toujours bienvenus et les invités d’invités impensables[5]), il se démarque ainsi d’autres types de fêtes qu’un jeune couple peut organiser pour réunir ses amis. Par sa nature même, le mariage n’est pas qu’une simple fête amicale quand bien même les époux insistent vivement sur cette dimension, pour échapper aussi au formalisme traditionnel et conventionnel des noces. La liste des invités ne témoigne pas seulement d’un lien qui unit chaque convive aux futurs mariés, mais aussi de la nature même de l’événement qu’ils souhaitent créer. Le couple présente le plus souvent le choix des invités et le choix du type de mariage comme deux événements indépendants, relayés en cela par la plupart des guides d’organisation du mariage et les sites internet d’aide à sa préparation[6].
Les récits des préparatifs du mariage, et des innombrables questionnements qu’il soulève, montrent bien l’impossibilité de penser indépendamment le choix du type de festivités et celui des invités, chacun conditionnant l’autre. Le seul choix de la salle de réception (petite ou grande, simple ou majestueuse) en fournit une bonne illustration. La liste des invités n’est pas seulement l’expression des « incontournables » au regard de l’amitié, mais celle d’une sélection en conformité avec un certain effet recherché dans la célébration d’un événement social. Ce n’est pas uniquement la nature du lien, mais aussi le contexte de la célébration qui sert de support à l’invitation au mariage.
Même si tous les couples déclarent qu’ils ne souhaitent réunir que les plus proches autour d’eux, les « incontournables », il leur est souvent difficile de définir plus précisément le sens de cette relation qui procède de l’évidence. Définir un lien n’est pas une tâche aisée, ni pour les couples cherchant à finaliser leur liste, ni pour les sociologues visant à objectiver cette description (Allan, 1979 ; Fischer, 1982 ; Bidart, 1997). Pour certains couples, chaque ami est invité pour une raison différente, c’est le cas notamment de Marianne (diplômée d’école d’ingénieur en thèse) et Cédric (commercial) qui, malgré un nombre important de convives, insistent sur la spécificité de chacun des liens. Pour d’autres, les amis forment un groupe indistinct où tout le monde compte également et dans lequel ils refusent toute tentative de différenciation, et plus encore de hiérarchisation.
L’intensité et/ou la familiarité de la relation de même que la fréquence de l’interaction sont les deux principaux critères d’élection énoncés par les couples. Marion (responsable logistique) et Cyrille (agent d’exploitation) en donnent l’exemple.
Marion: Non, non c’était clair qu’il y avait des gens qu’on voulait voir à notre mariage et d’autre qu’on estimait qu’ils n’avaient pas à être là. Les gens qu’on côtoie en général sont au vin d’honneur.
Cyrille: “On ne voulait pas inviter des gens qu’on voyait une fois dans l’année. Ca nous intéressait pas”.
Ces deux dimensions sont pourtant difficiles à objectiver et peuvent l’être de différentes manières. Dans le cadre de cette enquête, l’intensité du lien avec chacun des invités était qualifiée suivant une échelle graduée de 1 (le plus fort) à 4 (le moins fort)[7] choisie par les époux. La fréquence d’interaction était indexée sur la date de leur dernière rencontre[8].
Ainsi qualifiée, la proximité des amis invités aux mariages telle qu’elle émerge de l’analyse quantitative des listes de convives apparaît plus nuancée que dans les discours des époux, décalage témoignant vraisemblablement des stratégies qu’ils ont peut-être déployées pour composer avec les contraintes ou les contourner.
En effet, d’après le tableau 1, il apparaît que les invités au mariage ne sont pas tous des amis chers, en particulier pour les épouses qui sont, en moyenne, plus sévères dans leurs appréciations que les époux. Les relations les plus fortes (codées 1) ne représentent qu’une faible part des invités, moins d’un cinquième en moyenne (et, pour la moitié des couples[9], moins de 11% pour les femmes, moins de 17% pour leurs maris). D’une manière générale, la part des amis plutôt proches (codés 1 ou 2) est à peu près équivalente à celle qui ne sont pas très proches (codés 3 ou 4) et pour la moitié des couples, ils sont nettement moins nombreux (médiane de 41% pour les femmes, et de 47% pour les hommes). Mais surtout, le nombre d’invités que les époux ne considèrent pas du tout proches (codés 4) est loin d’être négligeable. Ce phénomène peut trouver de nombreuses explications structurelles liées notamment à la différence des liens que chaque époux peut entretenir avec la même personne[10]: le mari et la femme n’apprécient pas forcément leurs amis respectifs de la même façon : c’est le cas de Noémie (avocate) qui éprouve une certaine retenue à l’égard d’un ami de travail de Vincent (graphiste) quand celui-ci a «du mal» avec une ancienne copine de lycée de sa femme ; l’un d’entre eux peut convier des personnes que l’autre n’a encore jamais rencontrées, cas peu fréquent (tableau 2) mais néanmoins répertorié dans le cas de Fabien (ingénieur) par exemple, qui invite ses amis d’enfance ou de sport inconnus de Florence (secrétaire de direction) parce qu’il préfère les voir seul, ou celui de Benoît (administrateur informatique) qui rallie ses copains de jeux de rôle que Valérie (technicienne de laboratoire) a eu peu l’occasion de fréquenter.
Tableau 1. Indice de proximité accordé à chaque ami invité au mariage (%).
Tableau 2. Fréquentation de chaque ami invité au mariage.
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L’importance notoire de relations faibles suggère que les « incontournables » ne sont pas tous des élus du cœur. Malgré leur souhait de choisir personnellement et librement leurs invités, les époux n’évitent pas un certain nombre de contraintes liées aux conventions sociales ou à la structure des relations sociales. A côté des « incontournables » en raison de l’affection qui les lient aux époux, figurent aussi ceux qu’on ne pourrait socialement contourner : un certain nombre de personnes « obligées » parce qu’elles ont fait l’amitié au couple de les inviter précédemment à leur propre mariage par exemple, et qu’il faut rendre l’invitation. Dans la logique du don, contre-don maussien, l’invitation « oblige » au double sens du terme. Certaines personnes sont donc invitées non pas parce qu’elles s’imposent d’elles-mêmes, mais parce que leurs relations avec d’autres membres de l’entourage du couple les imposent quasiment de fait. Il en va ainsi de certaines personnes conviées, malgré tout, par ou pour les parents, ainsi que de personnes appartenant à un même groupe d’amis qu’il serait délicat de diviser même si le couple n’a pas de liens forts avec chacun d’entre eux. Noémie en donne l’exemple:
Noémie (…) il y a des gens qu’on a invités aussi parce qu’on n’avait pas le choix, entre guillemets, en fait des gens avec qui on n’a pas forcément des atomes crochus, mais on invite tous les gens qui les entourent, et qu’on ne peut pas les laisser de côté, parce qu’on sait que quand nous on nous laisse de côté, ça nous fait de la peine et ça serait dommage, quoi… Je crois que la règle c’était plus ça ; on n’a pas invité des gens dont on savait qu’ils seraient pas choqués, tristes…
Les amis invités sont donc loin de constituer un groupe affectif homogène et indifférencié comme le montre également la variété des fréquences d’interaction avec chacun d’entre eux. Même si la plupart des couples a des échanges réguliers[11] avec les amis qu’ils invitent, tous n’ont pas nécessairement été fréquentés au cours de l’année (tableau 2), voire depuis plusieurs années. C’est le cas en particulier des époux qui ont de gros réseaux d’amis dont certains membres résident parfois loin du couple.
Le caractère d’évidence sous lesquels les couples présentent leurs invités semble donc tout relatif dès lors qu’on cherche à en préciser la teneur. Rares sont les invités qui cumulent en effet tout indice de proximité relationnelle avec chacun des époux. Au contraire, le nombre non négligeable d’invités jugés finalement peu proches et peu fréquentés laisse penser que le choix des mariés est gouverné par d’autres principes que la simple volonté d’enregistrement affectif de leur environnement amical.
L’acte d’inviter au mariage ne permet pas seulement d’enregistrer une relation amicale comme telle, il contribue aussi à la créer et à l’enrichir en érigeant au rang des élus, présents pour un événement exceptionnel. Le partage de ce moment privilégié, réservé à un nombre limité, indique aussi aux invités l’attention et l’amitié que les époux éprouvent à leur égard.
L’acte d’inviter n’est donc pas qu’un acte passif d’enregistrement du nombre d’amis dans son réseau, il est aussi un acte actif de production ou de reproduction de son environnement amical.
De nombreux couples se saisissent de cette occasion pour reprendre contact avec des personnes qu’ils ont éventuellement perdues de vue, avec le temps et ses contraintes, ou l’éloignement géographique. L’invitation permet non seulement de rappeler l’amitié passée en exprimant l’importance accordée à ce lien même s’il est distendu (ce que matérialise le faire-part ou la mailing list) et de lui redonner ainsi un avenir possible. Le mariage réunit en effet des personnes connues de longue date comme l’indique le tableau 3. Presque tous les couples invitent des personnes qu’ils ont rencontrées pendant leur enfance, il y a une vingtaine d’années environ, et la moitié des convives est connue depuis plus de sept ans en moyenne. Il n’est donc pas étonnant, dans ces conditions, que tous les contacts ne soient pas restés extrêmement vifs comme Bruno en fournit un exemple parlant.
Charlotte (diplômée de Sciences Politiques de Paris) et Bruno (ingénieur) déclarent n’avoir eu aucun problème à établir la liste de leurs invités. Ils ont une claire vision de toutes les personnes indispensables à la célébration de leur mariage et préfèrent réduire le prix du menu par personne - qui demeure malgré tout d’un standing élevé - que de se priver de certains invités. Bien qu’évidente pour eux, la définition des proches qu’ils veulent réunir pour ce jour peut apparaître assez lâche si on essaie de l’objectiver à travers quelques indicateurs. Elle valorise des éléments différents suivant les personnes concernées. Une importante interaction ou des contacts réguliers, par exemple, ne semblent pas absolument nécessaires pour faire partie des élus. Les invités au mariage comptent ainsi des « amis » de Bruno avec qui ses liens sont pour le moins distendues[12] (H. En fait, moi c’est vrai que quand j’ai des amis, je m’amuse pas forcément à leur téléphoner une fois par semaine, ni même toutes les semaines. J’ai des amis que je ne vois pas pendant 4 ans, même là, les scouts, je ne l’ai pas vu depuis 9 ans…). Le mariage fournit l’occasion de relancer ces personnes, de leur rappeler une amitié qui, par cet acte, est projetée de nouveau dans un avenir possible, malgré les errements passés (Je l’ai vu un peu avant le mariage, et j’ai vu que je n’avais pas perdu la relation avec eux, c’est pour ça que je les ai invités, et j’ai renoué avec eux grâce à ça. Je suis revenu sur Paris au moment du mariage, j’avais quitté la région parisienne il y a une dizaine d’années, et j’ai renoué à ce moment-là. Voilà. Il y en a que j’ai vu et ils nous ont invité chez eux pendant un week-end, peut-être que ça a permis de renouer…Ça rallume une amitié, ça donne une valeur spéciale.).
Pour Christelle (employée de banque) qui a fait sa liste « à main levée » comme énoncé précédemment, l’évidence ne se mesure pas qu’à l’intensité des liens éprouvés à l’égard de chaque invité (2% jugés très proches et 55% plutôt proches, cf Tableau 1) ou à la fréquence de l’interaction (un quart n’a pas été fréquenté au cours de l’année, cf tableau 2). Ses hésitations ne portent que sur une seule personne qu’elle invite finalement faisant fi, cette fois-ci, des contraintes financières « Finalement, j’ai dit « Oh, on n’est pas à deux près » » et montrant ainsi, par défaut, la force performatrice de l’invitation. En effet, son choix semble moins guidé par le souhait de compter un ami dans son réseau proche que par le désagrément de ne pouvoir offrir à cette personne un gage de son amitié (au moins passée sinon actuelle).
Christelle : Oui, ça [la liste] a été vite fait. Sauf Laurent, j’hésitais un peu, un copain d’IUT que je ne voyais plus trop. Et puis, on s’est revu et tout et je culpabilisais de pas l’avoir invité.
Sébastien : Et puis finalement, elle l’a invité.
Gaëlle (assistante de communication) fait aussi part d’un cas de conscience qu’elle a eu à propos d’une très bonne copine de fac, qu’elle a perdue de vue et ne voit plus, depuis cinq ans, qu’à de rares occasions. Face à sa relative indifférence lors d’une fête de Saint-Sylvestre, Gaëlle décide de ne pas l’inviter, mais la prévient par un petit mot qui trouve un accueil chaleureux. Gaëlle : « Là je me suis dit, c’est bête tu aurais dû l’inviter. Et ma mère m’a dit, tu vois, il suffit juste que tu lui dises que tu te maries pour qu’elle retrouve un certain regain. Et là, ça a été tergiversions pendant des semaines et des semaines, parce qu’on se voit plus donc c’est un peu ridicule, mais elle a beaucoup compté à une époque.
L’invitation est bien un gage d’amitié qui peut aussi être vu comme un crédit pour sceller des liens et donner l’essor à des relations naissantes. Sans doute faut-il reconsidérer de cette façon le nombre important de personnes invitées au mariage, connues récemment (tableau 3). Une figure typique de cette tendance concerne les «amis d’amis» à qui l’invitation permet de signifier directement (et sans intermédiaire cette fois-ci) l’intérêt qu’on leur porte vraiment.
L’invitation au mariage permet aussi de faire évoluer de la cordialité à l’amitié des relations issues du monde professionnel. Les collègues sont extrêmement peu nombreux dans les mariages des jeunes gens interrogés qui, il est vrai, sont souvent intégrés depuis peu dans le monde du travail[13]. La plupart justifient ce choix par une claire scission entre un monde privé et un monde public, autre manière d’opposer un univers relationnel qu’ils auraient choisi par rapport à un environnement professionnel imposé. La figure de l’ami et celle du collègue ne recouvrent pas les mêmes caractéristiques, en particulier au moment de l’entrée dans la vie active (Bidart, Pellissier, 2002). Inviter des collègues à son mariage permet non seulement de rompre avec cette vision clivée des mondes, mais indique aussi clairement aux personnes choisies la marque de distinction qui leur est ainsi accordée et les démarque des simples collègues.
Tableau 3. Ancienneté des liens entretenus avec l’ensemble des amis invités au mariage.
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Ce genre de situation indique clairement combien il est difficile de séparer dans les relations d’amitié ce qui relève du passé ou du futur, de la cause ou de la conséquence, certains signes d’amitié étant à la fois l’expression de la relation et la condition de sa prolongation.
Figure 1. Amis du couple de la même profession.
Lecture: Chaque point représente un couple (nommé par les professions des époux) distribué suivant le % d’amis de la même CSP que l’épouse (abscisse) et la CSP même que l’époux (ordonnée).
Si l’invitation au mariage est un gage d’amitié passée ou à venir, encore faut-il - pour que cet acte fonctionne - qu’il soit perçu et reconnu comme tel, c’est-à-dire comme un signe distinctif du lien, rendu solennel par le cadre spécifique du mariage.
Pour Bruno (ingénieur), inviter des scouts qu’il n’a pas vus depuis 9 ans se légitime par l’intérêt qu’ils manifestent pour le mariage et la réponse positive qu’ils lui réservent. Il regrettera son acte pour une des personnes qui, tout au long du mariage, ne témoigne qu’un enthousiasme modéré pour l’institution du mariage en général, et l’union de Bruno et Charlotte en particulier. Et puis là, il avait l’air de dire “ ça y est mon pauvre, tu es casé, c’est fini, tu ne vas plus pouvoir profiter de la vie ”… Bruno s’avère ainsi « déçu par son comportement » et doute de la possibilité de donner suite à la relation.
Si l’invitation donne en quelque sorte le droit de faire partie des happy few, elle n’en implique pas moins certains devoirs, au premier rang desquels figure l’accueil positif réservé à celle-ci. De la même façon qu’inviter (ou non) est porteur de sens pour chacune des relations, accepter (ou non) l’invitation est aussi un signe que les époux vont décoder et interpréter à la lumière de la relation que chaque invité entretient avec eux.
La plupart des époux sont particulièrement sensibles à l’enthousiasme que peut susciter leur invitation et à ce que les gens se mobilisent pour eux. Nombreux sont ceux qui se soulignent la joie qu’ils ont à voir « tout ce monde venu pour nous ». Au-delà du plaisir bien compréhensible d’être nombreux pour faire la fête, en particulier lorsqu’elle a été préparée avec soin, c’est aussi la reconnaissance du couple et de chacun qui est en jeu.
Christelle et Sébastien montrent combien la proximité qu’ils entretiennent avec chaque invité est relative et réévaluée en fonction de l’importance que chacun accorde à l’amitié qui leur est faite dans cette invitation. Pour Christelle, l’invitation est clairement l’expression (enregistrement et rappel symbolique) d’une amitié forte (Christelle : Nos amis qu’on voit toutes les semaines ou tous les quinze jours ou presque, s’ils avaient pas été là, ça n’aurait pas été la même chose… ) qui fournit incidemment l’occasion de l’éprouver, de la tester. Christelle analyse aussi les réponses accordées à son invitation : Mais je crois que c’est là qu’on voit… Parce qu’on s’est quand même marié au moins d’août, on voit ceux qui ont décalé leurs vacances et ceux qui l’ont pas fait.
Accepter l’invitation, c’est se dire prêt à faire la fête, mais c’est aussi d’une certaine façon sceller une relation en montrant qu’on accepte de consacrer de l’attention, du temps, et le plus souvent, un budget important au couple et à l’organisation de son mariage. Dans certains cas, ces efforts fournissent en quelque sorte le nouvel étalon de l’intensité de la relation, même si celle-ci s’était un peu distendue auparavant. A propos de ses amies qu’elles voient moins souvent désormais, Christelle indique par exemple le plaisir qu’elle a eu à constater le soin qu’elles ont mis pour honorer l’invitation qui leur avait été faite.
Christelle : Oh oui, il fallait qu’ils soient là. Leur présence déjà… Nathalie, elle est de Marseille [le mariage de Christelle à Caen]. C’est des gens qui ont fait beaucoup de route, Isabelle tout ça… En plus, les filles étaient allées chez le coiffeur, elles s’étaient fait faire des chignons, c’était vachement sympa. Elles s’étaient préparées et tout. Non, c’était beau. On sentait que ça leur faisait plaisir d’être là aussi.
Le récit de Christelle est émaillé d’autres exemples de relations distendues ou peu importantes avec des personnes qui acceptent l’invitation avec plaisir. Il s’agit d’une part de la famille chez qui elle a été jeune fille au pair («Quand j’ai vu ma famille d’Angleterre, elle, elle arrivait de Gibraltar, elle avait pris l’avion. Quand je l’ai vue, ça m’a serré le cœur quand même. Quand je suis sortie de l’église, ils étaient à la fin de l’église, je les ai vus, ils m’ont fait un clin d’œil et… C’est des gens que j’apprécie beaucoup et qu’ils soient là, je ne pensais jamais qu’ils viendraient… ») (…) et d’autre part de voisins d’enfance (« Des voisins que j’avais invités… Mes parents ont habité dans un petit village et j’avais invité tous les petits voisins de B.ville et mes parents ont déménagé il y a cinq, six ans… C’est des gens avec qui j’ai passé mon enfance, j’ai été là-bas pendant une quinzaine d’années. Donc c’était des voisins que j’appréciais beaucoup, avec qui j’ai grandi et ils étaient tous là. J’en ai invité huit et les huit étaient là. Et ils ont tous été au vin d’honneur. C’était très émouvant. Ils étaient tous là. Y’en a une qui a même repoussé ses vacances pour pouvoir venir, juste au vin d’honneur et l’église »).
L’intérêt suscité auprès des convives, de même que leur engagement ou leurs efforts sont appréciés comme autant de signes d’attentions par les mariés, les confirmant dans le bon choix de leurs invitations. Au point que cet enthousiasme compense parfois la faible relation entretenue avec des personnes invitées par convenance par exemple, comme c’est le cas de connaissances et d’employés du commerce des parents de Christelle, qu’elle invite au dernier moment pour compléter une table où s’est produit un désistement de dernière minute, et dont elle se félicite, après coup, de la présence.
Christelle :Et puis, ça s’est super bien passé, c’était des gens adorables.
Sébastien : Ce qui était bien qu’ils soient là aussi pendant le repas, parce qu’ils ont chanté un peu pendant le repas etc… Et c’était pas plus mal.
Christelle : Ca s’est très, très bien passé. Ils ont pu nous faire deux, trois trucs sympas.
Accepter une invitation, c’est reconfirmer l’affirmation qui est faite, à travers l’invitation, de l’importance de la relation. L’enthousiasme manifesté pour cet événement assure le renforcement de la relation qui se crée ainsi.
Le caractère codifié et structuré du mariage avec sa liste d’invités fixée longuement à l’avance, ses faire-parts et cartons d’invitation, ses listes de mariage où est aussi objectivé « qui donne quoi », contribuent aussi à formaliser les relations entre invités et époux. Etre de la noce, c’est faire partie d’un des épisodes mémorables de l’histoire conjugale et familiale qui est en train de s’écrire. Contrairement aux autres fêtes (anniversaires, pendaisons de crémaillère, etc.) dont la liste des invités est moins contingentée et moins mémorisée, être du mariage constitue une sorte de label qui marque durablement la relation. En pénétrant dans le cadre institutionnalisé du mariage qui fournit une occasion festive de mêler familles et amis, les « relations » informelles amicales sont en quelque sorte promues au rang de quasi « liens » familiaux si l’on suit en l’élargissant à l’amitié, la définition que Claire Bidart et Anne Pellissier (2007) en proposent dans l’analyse des rapports familiaux. Elles distinguent en effet la dimension formelle, institutionnelle et structurelle du « lien », de son expression affective, variable suivant les situations, qu’elles appellent « relations »[14]. Il ne s’agit pas de confondre les genres familiaux et amicaux, mais bien de montrer que l’invitation au mariage en ce qu’elle offre une occasion rare d’expliciter et de formaliser une relation amicale lui confère une dimension intangible et inaliénable qui la rapproche du « lien ». C’est peut-être en ce sens qu’il faut interpréter l’idée que la participation à un mariage instaure en quelque sorte une forme d’appartenance à la famille. Il ne s’agit pas seulement d’élargir le cercle de l’alliance par le rapprochement de deux familles, mais aussi d’instaurer dans la relation amicale quelque chose de plus stable et de plus codifiée que les signes informels et à renouveler sans cesse sur lesquels se fondent généralement les relations amicales (Bidart, 1997) et dont elles tirent leur force de ce que rien justement ne les obligeraient.
Le mariage conduit incidemment au bilan. Il fournit l’occasion de compter ses amis et de leur rappeler combien ils comptent pour le couple aussi bien dans le passé que dans l’avenir. Dans cette opération de sélection, il semble en effet délicat de distinguer ce qui prouve l’intensité de la relation avec chacun des convives de ce qui la crée. L’invitation au mariage enregistre le passé de la « relation » et permet de dessiner son avenir en l’envisageant comme « lien » possible. Ce n’est pas seulement la temporalité des relations mais leur nature même qui semble ainsi concernée. Etablir la liste des amis invités est donc un acte de révélation mais aussi de projection qui, au-delà de l’avenir de la relation elle-même, a une signification et une portée sociales.
L’invitation (ou non) à un mariage n’est pas un acte neutre pour l’histoire de chacune des relations. «Etre invité» promeut dans le cercle des proches des mariés. « Ne pas être invité » exclut de fait de ce groupe. Même si la limite est relative (la valeur du rapport inclusion/exclusion diffère suivant le nombre d’invités total au mariage) et arbitraire comme tout clivage[15] (« à un moment, il faut couper » rappelle Bruno), cette limite ne peut pas ne pas être interprétée. Aussi les mariés font-ils généralement attention dans leur choix à ne pas blesser les personnes qui auraient pu se croire invitées en le justifiant par des raisons pratiques, i.e. en réaffirmant le caractère non affectif des raisons de leur sélection. Le plus souvent les raisons économiques viennent justifier de manière tangible et nécessaire, le caractère arbitraire, et éventuellement injuste ou douloureux, de la sélection. Il faut éviter de « faire de la peine » comme le suggère Charlotte, de « choquer ou de rendre triste » comme l’énonce Noémie qui utilisent ces arguments pour inclure des personnes qui ne sont pas dans le cercle des « proches » ...
De même que ne pas inviter, décliner l’invitation est un acte susceptible de mettre en danger la relation et sa signification. Pour conserver la face, Sébastien (représentant de commerce) doit trouver une justification à l’absence d’un collègue sur lequel il comptait. Il la trouve finalement dans la relative faiblesse de la relation qu’il expose ainsi « Mais c’est pas un ami très proche, c’est un ami collègue de travail ». Même si les invités ont, eux aussi, de bonnes raisons de ne pouvoir se rendre à un mariage, leur refus ne doit pas ne pas être interprété en terme relationnel. Comme les non-invitations, les refus d’invitation doivent toujours être sérieusement motivés pour ne pas susciter de doute sur l’intérêt porté au mariage, et par delà, à la relation avec la/les personne(s) qui invite(nt). Pour éviter tout malentendu relationnel, il faut donc justifier son absence. Généralement professionnelles, familiales ou médicales, les raisons personnelles sont souvent mal venues et les raisons économiques rarement évoquées (comme si elles donnaient un coût à l’amitié) alors qu’elles sont pourtant bien réelles et par ailleurs fréquemment évoquées par les mariés eux-mêmes pour limiter leurs invitations.
Beaucoup de mariés répugnent à le faire, mais le recours au principe de la liste oblige de fait à définir une limite, une frontière qui exclue du mariage un certain nombre de personnes. Même s’ils insistent plus sur les personnes qu’ils agrègent, la plupart des couples ont aussi des personnes à écarter. Ainsi Marion (responsable logistique) décrit-elle tous ceux qu’elle souhaite réunir avant d’évoquer une série de personnes qu’elle veut éviter à tout prix.
Marion :“ Y a des gens qu’on n’a pas envie d’inviter mais pour nous, c’est normal. C’était pas une décision “ Tiens eux on ne les invite pas ”. Ca été la décision “ Tiens, on invite ceux-là ”. Les autres, ça coule de source qu’on les invite pas. On n’a pas dit “ Eux qu’est-ce qu’on fait, est-ce qu’on les invite ? ” Non, non c’était clair qu’il y avait des gens qu’on voulait voir à notre mariage et d’autres qu’on estimait qu’ils n’avaient pas à être là.
Les cas d’exclusion d’amis sont plus rares que ceux de membres de la famille, peut-être parce qu’ils sont moins faciles à déceler pour le sociologue, l’absence d’un ami se remarquant moins aisément que celle d’un père ou d’une mère. Pourtant, la description des amis qui n’ont pas été invités, ou de façon plus large, des personnes « litigieuses » - dont les mariés ne savaient pas s’ils devaient ou non les inviter – permet de dévoiler un certain nombre des stratégies mises en œuvre dans le processus de sélection de l’invitation.
Très peu de récits font part de brouilles qui, soudainement, remettent en question l’invitation. Christelle, une employée de banque de la région de Caen, raconte cependant l’histoire de deux invitations « problématiques » qui échouent alors qu’elle avait été lancées en toute confiance. La première histoire douloureuse concerne une amie qu’elle destinait à être sa témoin (en hésitant toutefois avec une autre ami de Caen sur laquelle elle se replie finalement) et qu’elle renonce finalement à convier. Alors que Christelle était prête à lui payer le train Paris-Caen pour qu’elle vienne la conseiller sur sa robe de mariée, l’amie en question lui fait faux bond au dernier moment.
Christelle : Et la veille de partir, elle m’appelle et elle me dit « Oh, j’ai autre chose à faire ». Alors, je l’ai mal pris quoi. Je l’ai mal pris parce qu’on dit pas à tout le monde de venir choisir sa robe de mariée et puis, la veille de partir. Elle me dit « Je te rappelle ». Elle m’a jamais rappelée. Mais c’est quelqu’un de très personnel, qui pense qu’à elle aussi et quand elle m’a fait ça, ça me surprend pas plus que ça parce que c’est quelqu’un qui bon… Elle avait autre chose à faire que d’aller choisir la robe de mariée quoi. Mais bon, je l’ai mal pris. La brouille est irréparable: la copine ne rappelle pas le lendemain et Christelle ne lui envoie pas de carton d’invitation.
La deuxième histoire concerne un refus d’invitation que lui oppose une amie de longue date. Alors que l’amie en question fait l’effort, en tant que boulangère, de demander un jour de congé le samedi pour assister au mariage, elle prend soudain ombrage de la consigne sans appel qu’ont fixée les époux : « Pas d’enfant au repas du soir ».
Sébastien : Elle a pas rappelé. Elle nous a envoyé un fax en disant effectivement, exactement comme ça la phrase… «Il est hors de question de se débarrasser de nos enfants pour une cérémonie. Vous ferez la fête sans nous. Vous nous verrez au vin d’honneur». Voilà, de façon assez dure…
En dehors de ces cas, les exemples de brouilles affectives conduisant à éloigner du mariage sont rares. Les mariés invoquent plus souvent des motifs pratiques ou techniques que relationnels pour justifier leur choix d’éviction. L’anticipation des difficultés de déplacement de certains en est un. Elise (sage-femme) et Emmanuel (ingénieur) de Paris hésitent par exemple à propos d’un ami du mari, devenu militaire et l’excluent finalement en supposant qu’il est en Bosnie ; Delphine juriste en proche banlieue parisienne renonce à une amie d’enfance qui s’est installée avec son mari dans le Sud Ouest jugé également trop distant de Paris, etc. Christophe et Sidonie (documentalistes à Caen) évoquent aussi le même type de mise à l’écart.
Christophe : En fait, au départ, il y a quatre personnes qu’on a enlevées : Dominique, Karine. Pierre et Myriam de Strasbourg, on s’est posé la question mais très vite, ça a été réglé.
Sidonie : Ah oui. C’était des gens de loin. Ils seraient peut-être venus en se disant « On connaît pas la région, on va passer quelques jours ». Mais en même temps, ça faisait pour les uns, deux ans, pour les autres, quatre ans qu’on ne les avait pas vus. Donc, pour moi, ça ne se justifiait pas.
Si la distance géographique apparaît comme une contrainte, elle a parfois des aspects positifs dont les époux peuvent jouer. La célébration du mariage en des contrées éloignées (lieu de résidence des parents principalement) que les époux choisissent pour des raisons économiques ou esthétiques a pour incidence de pouvoir écarter de fait un certain nombre de personnes proches de leur résidence (Maillochon, 2002).
Si les époux évoquent fréquemment le motif de l’éloignement géographique pour rendre compte de la limite qu’ils doivent instaurer entre invités et non invités, la logique de l’argument mérite toutefois une plus ample analyse. Si l’éloignement peut justifier l’exclusion, l’inclusion ne procède pas toujours d’une certaine proximité physique, bien au contraire. Comme pour la sociabilité (Fischer, 1982 ; Wellman, 1997 ; Grossetti, 2005), des invités venant des quatre coins de la France, parfois même du monde entier, figurent dans presque tous les mariages, en particulier dans les plus importants. La distance géographique n’est pas nécessairement un obstacle à l’invitation et à son acceptation. Au contraire, Christelle de Caen peut s’enorgueillir de son amie qui vient de Marseille, de sa famille d’accueil londonienne qui vient de Gibraltar ; Elise et Emmanuel se réjouissent du passage d’un couple en provenance d’Allemagne ; Noémie et Vincent d’amis qui débarquent d’USA et d’Israël ; Camille et Matthieu d’amis qui arrivent du Canada, de Belgique, de Bali et malheureusement pas d’Australie, etc. De ce point de vue, l’éloignement géographique semble plus fonctionner pour les couples comme raison d’exclure a priori que pour les invités de s’exclure a posteriori.
En analysant plus avant les motifs d’exclusion géographique, d’autres arguments plus sociaux se font jour[16]. La distance géographique n’est un obstacle que si aucune autre proximité affective[17] ou sociale ne l’atténue. Il semble au contraire que la distance géographique serve de repoussoir lorsqu’elle est redoublée d’une distance affective, mais aussi sociale comme semblent l’indiquer les cas de refus après hésitations. Dans le cas de l’ami militaire d’Emmanuel (ingénieur), il y a le risque de voir arriver seule, sa femme qui est « très simple comme femme… qui ne travaille pas. Elle reste à la maison… C’est pas une tare, mais bon… ». L’ami de Pascal (ingénieur) est aussi une personne dont « les chemins ont pris des directions différentes ». Réciproquement ceux qui viennent malgré la distance font généralement partie du « même monde » : ingénieurs, commerciaux ou juristes qui occupent leur premier poste ou effectuent un stage diplômant à l’étranger parmi les amis de Noémie (avocate), de Camille et de Matthieu (commerciaux, diplômés de grande école) ainsi que de la plupart des époux ayant fait de longues études. Ce sont aussi les invités les mieux dotés économiquement du moins qui peuvent se permettre de tels déplacements et dont la présence affective et sociale est bienvenue. Valérie et Benoît de condition modeste parle avec beaucoup d’empressement d’un ami diplomate qui leur fait l’honneur de venir jusqu’en région parisienne, Bérangère (infirmière à l’APHP) et Fabien (cadre administratif) d’un acteur qui remonte du Sud jusqu’à Paris. Des figures sociales de ce type émaillent la plupart des mariages, renforçant l’importante homogénéité sociale qui figure dans la plupart des mariages des classes moyennes ou supérieures ou sa respectabilité sociale pour les plus modestes. En effet, l’analyse systématique des professions de tous les invités (graphique 1) montre une forte homophilie sociale, d’autant plus importante qu’on s’élève dans la hiérarchie sociale (et la taille du mariage[18]). Un tiers des amis invités en moyenne font partie de la même CSP que l’époux ou que l’épouse. Pour la moitié des mariages, cette proportion dépasse même les 40%. Une certaine inertie sociale semble bien s’observer dans le choix des amis conviés au mariage.
La question de la distance sociale semble pouvoir éclairer aussi les décisions prises dans les cas litigieux où l’avenir de la relation était en jeu. Dans le cas de brouille affective entre Christelle et son amie boulangère, se joue vraisemblablement quelque chose de l’ordre de la distinction sociale. La suite de l’entretien expose sur tous les tons, comment cette fille est « de la campagne ». « C’est pas comme nous qui sommes plus de la ville [banlieue caennaise] » ajoute Christelle qui conclut « c’est un autre monde ». Réciproquement, l’ami qu’elle a intégré au dernier moment est un garçon de La Ville : Paris (comme la témoin qu’elle avait choisie initialement), et un étudiant des Beaux-Arts, promis à un bel avenir. C’est en effet, la proximité sociale qui semble opérer dans les cas d’invitations qui, finalement, sont conclues alors qu’elles n’étaient pas spécialement prévues ou souhaitées. Dans les groupes que Bruno ne veut séparer (ses colocs[19] par exemple, et ses amis scouts) ou encore ceux que Noémie refuse de différencier, se retrouve toujours une forte homogénéité sociale. Malgré la faiblesse de leurs liens directs avec le couple, ces personnes sont néanmoins invitées parce que faisant néanmoins partie « du même monde».
Comme l’ont montré les exemples de cas litigieux, la distance sociale entre les époux et un convive est souvent fatale à une invitation, même si l’exclusion est généralement justifiée par d’autres distances, géographiques notamment. Au contraire, la proximité sociale permet de réintégrer parmi les invités des personnes qui souffrent pourtant d’une relative distance, qu’elle soit géographique ou affective avec le couple. La position sociale des époux par rapport à leurs convives aurait donc une double fonction dans l’établissement des invitations. D’une part la distance sociale distendrait les relations faibles, et d’autre part, la proximité sociale semblerait au contraire pouvoir compenser l’absence d’autres formes de proximité. L’homogénéité sociale permettrait donc de reconsidérer les «proches» dont les époux s’entourent. Les «incontournables» ne désignent pas qu’un espace affectif mais aussi un espace social, fondé sur une relative homogénéité et conformité avec le milieu professionnel des époux.
Les invitations lancées pour le mariage ne permettent pas seulement de dessiner une carte affective du réseau amical des époux, mais aussi une carte sociale du parcours des époux vu à travers l’étendue et la surface sociale de leurs relations. La manière dont les époux évoquent, dans leur témoignage, les différents groupes d’invités comme autant de strates de leur existence montre bien cet effet de composition autour d’une trajectoire sociale. Les jeunes de milieu populaire sont peu disserts sur leur parcours relationnel et social. Au contraire, les jeunes ayant fait de longues études énoncent souvent plusieurs cercles d’amis, liés notamment aux diverses activités scolaires (de l’école maternelle jusqu’à la grande école par exemple), mais aussi à leurs nombreuses activités associatives, sportives ou festives. Les « soirées » en particulier représentent une circonstance importante de rencontres. Charlotte et Bruno parlent ainsi des différents groupes de personnes qu’ils ont invités.
Bruno : Dans mes amis, il y a plusieurs groupes parce que j’ai changé de lieux très souvent ; j’étais dans la région parisienne il y a 10 ans, donc j’étais dans une troupe de scouts, quelques amis que j’ai retrouvé en arrivant à Paris cet été, et même après 10 ans je les ai retrouvés bien, sans avoir gardé le contact, donc je les ai invités, bien. Ça c’est un groupe d’amis. Donc il y a mes amis de l’école d’agronomie, on les mettra ensemble. Après des amis de prépa aussi, qui ont migré après aux quatre coins de la France, donc c’est difficile de garder les contacts… dont un est mon témoin et puis voilà. Et toi…
Charlotte : Moi c’est surtout les groupes des amis de prépa, parce que la prépa ça soude, hypokhagnes, khagnes, à Paris, littéraire et puis sinon des amis de la paroisse St Séverin que j’ai définis comme tels, mais enfin, on s’est connus par la paroisse, on a fait un nombre de choses incalculables ensemble donc on s’entend très bien et c’est une bonne bande d’amis. Oui, c’est surtout ces deux groupes-là.
Les amis invités sont sélectionnés en fonction de leur passé affectif et de leur position sociale. Leur présence retrace ainsi un historique socialement correct des différentes étapes de la vie affective des époux. Les invités ne décrivent que le passé social autorisé en fonction de la situation des époux au moment de leur mariage, ou de son avenir possible, comme en témoigne Vincent (graphiste d’origine provinciale) qui n’invite pas tous les groupes auxquels il souhaiterait se référer mais bien ceux qui sont compatibles avec le nouvel univers relationnel et social dans lequel il évolue désormais, sous l’influence de sa femme (avocate, fille de deux professions libérales exerçant à Paris). Vincent aurait bien aimé convier quelques amis «musicos» avec lesquels il a traîné de longues années jusqu’aux débuts de sa mise en couple, mais cette facette de sa vie sociale qu’il aimerait bien montrer à ceux qui ne la connaissent pas ne semble pas compatible avec les contraintes de réalité sociale qu’impose désormais son épouse. Il en est ainsi des copains de foot d’Alain (commercial) qui, bien que résidant dans les alentours de Caen, ne sont ni invités, ni même tenus au courant du mariage de leur copain, ou encore des ex copains de (grosse) fête de Marion qui ne sont plus d’actualité dans son optique de faire un mariage qui soit de « bon goût ».
Les amis invités témoignent à la fois d’un ancrage social lié aux origines et de ce que sont devenus, ou projettent de devenir les époux.
Comme pour la proximité affective, il est difficile de différencier l’enregistrement d’un passé social de la projection qui en est faite dans le futur.
En constituant un « entre-soi relationnel », les invitations délimitent également un « entre-soi social », même si sa construction échappe le plus souvent à la conscience de la majorité des époux. Cette sélection sociale n’est généralement pas recherchée en tant que telle, mais est le produit à la fois du caractère homophilique des relations des époux et de leur souhait d’adapter les convives, comme leur nombre, au type de fête qu’ils élaborent. L’organisation des festivités, le choix du menu, des décorations, etc. font l’objet d’attentions particulières, coûteuses en temps, en argent, en énergie dans le but de réussir une « belle fête » qui satisfasse les époux et ravissent les convives. Face à cette double exigence, il convient d’assurer une adéquation minimale entre les goûts des mariés et ceux de leurs convives qui pourront alors apprécier à sa juste valeur le soin particulier apporté aux détails de la fête et éventuellement leur prix. Le choix des invités intègre, comme l’attention qu’ils porteront à l’invitation, une anticipation de leur appréciation de la fête à laquelle ils sont conviés.
La relation d’invitation ne se laisse pas saisir facilement indépendamment de sa dynamique constitutive où passé et futur de la relation se conjuguent au présent. Elle ne peut se penser non plus de façon abstraite sans intégrer également les attributs des personnes qu’elle permet de relier.
Etablir la liste d’invités à son mariage n’est pas une opération neutre de simple mise à plat de ses relations, mais une action performatrice du réseau qu’elle permet ainsi d’établir. Si la liste des invités fournit une sorte de bilan ou de « fresque » relationnelle de la vie sociale des époux (que beaucoup objectivent ainsi pour la première fois de leur vie), elle contribue aussi à l’enrichir et à la modifier. A l’issue des noces, les relations du couple peuvent être modifiées en fonction de l’engagement des invités dans les festivités (que ce soit à un niveau symbolique par un partage intense d’émotions ou à un niveau pratique par leur aide logistique ou leur convivialité communicative). Certaines proximités peuvent être revues en fonction de ce qui s’est joué au cours de la fête, pour le meilleur et pour le pire ! Mais la dimension affective ne semble pas la seule importante dans le choix des invités, même si c’est celle qui est le plus couramment mise en avant : la dimension sociale est aussi considérable. Il semble en effet difficile de penser la sélection des invités en dehors de cette double dimension qui se conditionne et se reconfigure mutuellement : la proximité affective entre les époux et les convives ne se définit pas de la même façon et n’a pas les mêmes prérogatives suivant la proximité sociale qui les relie. Ouvrir la boîte noire que la relation « invitation » constitue, en décrivant la nature des liens qu’elle rassemble ainsi que les caractéristiques individuelles et sociales des personnes concernées, permet de dévoiler les effets de représentation et de distinction que chaque individu met en œuvre au moment de choisir ses invités. La relation que constitue « l’invitation » au mariage fournit un enregistrement mais aussi et surtout une projection du réseau d’un couple dans le temps et dans l’espace social. La liste des invités ne fournit pas seulement une description du rayonnement affectif du couple, mais aussi de son rayonnement social à travers l’étendue et la qualité de son réseau de proches qu’elle contribue à créer ainsi.
A travers l’étude de l’ensemble fini et objectivé des invités au mariage qui représente un cas très particulier de «réseaux sociaux», on peut néanmoins suggérer un certain nombre de recommandations pour leur analyse. Pour comprendre ce qui se joue dans un réseau de type ego-centré, il est nécessaire d’envisager les relations sur lesquelles il repose en terme de réciprocité. L’invitation au mariage ne se comprend qu’au regard de la réception qui en est faite. Ce changement de point de vue - d’ego à alter, et d’alter à ego - invite tout d’abord à adopter une vision plus dynamique, mais aussi plus phénoménologique des relations constitutives des réseaux et de leur dimension performative. La relation – comme celle d’invitation qui sert de modèle ici - mérite donc d’être envisagée dans une double perspective dialectique, comme signifié et signifiant d’une part, comme enregistrement d’un passé indissociable d’une création à venir d’autre part.
L’analyse de la réciprocité de la relation conduit également à porter attention aux deux individus qu’elle relie et suggère leur comparaison. L’invitation au mariage ne peut être analysée en dehors du contexte social dans lequel elle prend forme et qui la structure car elle intègre aussi les positions sociales respectives de ceux qu’elle associe. Le choix de l’invitation semble également conditionné par les statuts des personnes concernées. Ce cas semble donc suggérer l’impossibilité de penser la relation (forme et contenu) sans prendre en considération les attributs des personnes qu’elle associe. Face à l’ampleur de ces recommandations et la difficulté de les opérationnaliser, le croisement des sources sur un même objet d’analyse semble une possibilité prometteuse.
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[1] Enviar correspondencia a: florence.maillochon@ens.fr.
[2] Un des problèmes fondamentaux de l’analyse des réseaux de sociabilité est en effet la collecte d’informations et le choix du bon « générateur de noms » (Gribaudi, 1999 ; Bidart, Charbonneau, 2007) permettant d’en restituer une ou plusieurs dimensions intéressantes. Dans ce cas très particulier, la liste des invités est une source de données relationnelles et non le produit d’un dispositif d’enquête ad hoc. Seules les informations recueillies pour décrire ces invités et leurs relations au couple sont déterminées par le/a chercheur/e.
[3] Cet article ne porte que sur les invitations amicales et exclue le choix des relations familiales, étudié ailleurs (Maillochon, 2002, 2008a) qui se pose en des termes légèrement différents qui nécessitent en particulier de prendre en compte la structure et la taille très variées des familles des couples et les négociations avec les parents.
[4] Elle permet donc de former un réseau qui, comme dans la majorité des cas (Granovetter, 1982) n’est ni simplement affectif, ni instrumental.
[5] A une exception près : le/a conjoint/e encore inconnu/e d’amis des mariés. Il s’agit du seul cas d’invitation « par transitivité » envisageable dans la liste des convives amicaux.
[6] Deux exemples de la chronologie des tâches à accomplir dans la préparation du mariage suivant deux sites particulièrement fréquentés.
http://www.aufeminin.com
«Organisez la rencontre des parents.
Définissez le style et le budget du mariage.
Contactez la mairie (et peut-être le curé, le rabbin, l'imam...) pour choisir la date, l'heure et le lieu du mariage.
Trouvez vite le lieu de réception (Vite, les meilleurs endroits sont souvent réservés près d'un an à l'avance !).
Commencez à choisir la robe de mariée.
Etablissez la liste de vos invités.»
http://www.organisation-mariage.net/planning-du-mariage.htm
Parmi les 61 tâches à accomplir en 12 mois, l’établissement d’une liste d’invités provisoire arrive en 9ème place après le choix de la salle de réception (2ème), l’établissement d’un budget (7ème place)… et le choix de la voiture (8ème place). En suivant une logique cartésienne de décomposition d’un problème en sous-problèmes, les conseils négligent une difficulté importante de la réalisation de ce travail complexe : les interactions et rétroactions entre chacune de ces opérations.
[7] Un autre indicateur (non analysé dans cet article) était aussi consigné dans l’enquête : la nature du lien (laissée à la libre appréciation des époux) et qui, de fait, est peu descriptive. Les inscriptions font essentiellement référence à des appellations vagues : amical, connaissance, collègue.
[8] L’enquête intégrait d’autres indicateurs de fréquentation non analysés ici. Ils concernaient la nature des diverses activités effectuées ensemble dans l’année en cours : se voir au domicile d’ego, se voir au domicile d’alter, se voir dans un autre lieu.
[9] Etant donné le faible effectif de couples ayant répondu à ces questions, la moyenne est un indicateur peu robuste qui n’est employé que de manière illustrative. On peut lui préférer la médiane qui donne une mesure de dispersion et permet d’éviter la distorsion introduite dans la moyenne par les réponses de deux couples cat-ala et sop-vin qui n’ont invité que deux amis.
[10] Cette enquête se fonde en effet sur le recueil différencié des avis des époux et des épouses sur chaque invité, afin de ne pas considérer d’emblée le couple comme un espace de décision collective, mais montrer au contraire les ajustements sur lequel il repose (Maillochon 2008c).
[11] On ne considère ici que les échanges en face à face qui ne sont évidemment qu’un des moyens d’entretenir et de faire vivre le lien. Ce choix est fait dans le but de contrôler les effets de la fracture numérique sur l’exercice de la sociabilité au sein de l’échantillon très divers socialement.
[12] Le couple Cha-Bru ne figure pas dans les tableaux statistiques présentés dans cet article comme la plupart des « grands » mariages où les époux n’ont pas souhaité décliné leurs 300 invités à la réception suivant la grille imposée par la méthodologie de cette enquête.
[13] D’après le mode de sélection de la population étudiée, les couples interrogés sont peu ou prou dans une phase du cycle de vie similaire afin de rendre leurs expériences comparables. Leur jeunesse permet de limiter le nombre de strates de leur sociabilité, notamment liées à d’éventuels changements professionnels.
[14] On peut distinguer « deux modalités du rapport intergénérationnel : le lien, qui désigne la place et le rôle symboliques, anthropologiques et structurels des parents et de leurs enfants, et la relation, c’est-à-dire la manière conjoncturelle de vivre la parenté et d’interagir avec ses parents, ses enfants » (Bidart, Pellissier, 2007).
[15] Comme pour la liste des lauréats des concours analysés par Bourdieu (1982), les différences entre dernier intégré et premier exclu est toujours ténue, mais elle instaure une barrière symbolique incontournable et irréversible.
[16] Les nombreux travaux cherchant à trouver de quelle « proximité » essentielle procède la relation d’amitié indiquent surtout la difficulté de séparer chacune des dimensions sur lesquelles on peut l’évaluer (Maillochon, 1999).
[17] C’est ainsi que peuvent être interprétés également des travaux montrant la « surface sociale » variable du réseau suivant son contenu affectif (Bidart, Fribourg, 2004).
[18] Il n’y a pas une proportionnalité stricte entre revenus du couple (et familles) et nombre d’invités. Néanmoins les plus grands mariages observés dans l’échantillon sont plutôt le fait des mieux nantis (Maillochon, 2008a).
[19] H. A inviter ? Oui, en fait, parce que comme ce sont des groupes constitués , ben il y a des amis d’amis, après inviter un ami d’ami, ou ne pas inviter….Parce que quand on invite une bande, on tire toute la bande, et à un moment il faut couper !
Mais on n’a pas tellement hésité. Moi j’ai choisi ceux avec qui je m’entendais bien… bon, les colocs, je les ai pas brisés quoi, mais… les colocations, il y avait des colocations à Toulouse, alors comme j’ai invité deux personnes de la colocation parce que je les appréciais bien… j’ai invité la troisième. Je voulais éviter…
F. Moi c'est juste deux personnes, ou trois personnes que j’ai invitées parce que elles faisaient partie du groupe, même si je n’ai pas trop d’atomes crochus, c’est quand même l’occasion de faire de la peine aux gens aussi…