REDES- Revista hispana para el análisis de redes sociales
Vol.18,#4, Junio 2010
http://revista-redes.rediris.es

Dynamiques relationnelles des transitions à la vie adulte. Complémentarité entre réseaux, soutiens et supports

Martin Goyette – Université du Québec[1]

Résumé

Quelles ressources peuvent tirer les jeunes des personnes qui composent leur réseau (structure, composition, etc.)? Quels soutiens sont effectivement dirigés à l’endroit des jeunes par leur entourage (réseaux primaire et secondaire)? Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un soutien devienne un support réel aux transitions vers la vie adulte? Notre choix a été d’utiliser plusieurs cadres d’analyse complémentaires de l’analyse des réseaux sociaux, pour envisager de manière complexe les transitions à la vie adulte. S’il ressort de l’analyse que les jeunes doivent être entourés, il faut également que cet entourage soit de qualité. Par ailleurs, au-delà du soutien en lui-même, il faut que le jeune accepte ce dernier pour qu’il puisse favoriser les transitions.  

Palabras clave: réseaux sociaux – transitions.

Abstract

What are the resources that can emerge from the actors evolving within the youth’s social networks? What are the characteristics of the supports actually directed towards the youth? In which conditions can a support really help the transition from adolescence to adulthood? We have chosen to use complementary analysis frameworks in order to apprehend youth’s transitions from a more complex point of view. We can conclude from our analysis that if youth need to be surrounded, the good quality of their social network is essential. Clearly, it goes without saying that youth have to show some opening towards their supports in order for them to have a positive effect on their transition process

Key words: social Networks – transitions.

La modification des conditions d’entrée dans la vie adulte, observée depuis quelques décennies, est associée à l’allongement général de la jeunesse et à une désynchronisation des seuils des transitions à la vie adulte (Bidart, 2006). L’insertion des jeunes ne se réalise plus selon un modèle social quasi unifié, mais laisse place à une certaine individualisation des parcours, faits de pas en avant et de reculs dans les diverses transitions (Gauthier, 2000). Cet allongement conduit cette jeunesse à être moins indépendante ou autosuffisante que la jeunesse des générations antérieures, puisqu’elle habite plus longtemps chez les parents et que ceux-ci contribuent à sa subsistance plus longtemps, notamment lorsque les jeunes font des études (Maunaye et Molgat, 2003). Par ailleurs, ce contexte de mutations sociales des dernières décennies induit une dynamique où la construction du rapport à soi et aux autres est brouillée puisque les repères, sans être inexistants, bougent sans cesse. Cette situation est d’autant plus difficile pour les jeunes sous scolarisés comme le sont de nombreux jeunes en difficulté placés par les services sociaux, puisqu’ils sont confrontés à des modèles sociaux qui sont parfois hors de leur portée, parce que « réservés » à la réalisation par la scolarisation avancée.

Ainsi, si l’insertion des jeunes en général s’est complexifiée à plusieurs égards, cette dynamique ou ces impératifs, associés à la transition à la vie adulte, constituent un enjeu majeur pour les jeunes qui ont connu des difficultés, notamment ceux qui entrent dans la vie adulte après un passage plus ou moins prolongé dans un milieu de placement (Goyette, 2007).

L'insertion sociale et professionnelle des jeunes quittant un milieu substitut paraît plus difficile en raison de leurs difficultés psychosociales et de santé, de leur manque de préparation à la vie autonome et de l’absence de soutien à leur sortie du milieu substitut (Goyette et Turcotte, 2004). Dépassant une vision fataliste de l’insertion des jeunes en difficulté, ce texte envisage les enjeux de l’insertion vécus par trente et un jeunes quittant un milieu de placement, en s’intéressant au rôle des relations sociales de manière rétrospective.

L’insertion étant également une affaire de significations et de réflexivité, il est important de ne pas simplement s’attarder aux dimensions objectives dans l’analyse, mais de prendre en compte à la fois le regard qui relève de l’analyse de la composition des réseaux et celui qui prend appui sur une sociologie relationnelle, mettant également l’accent sur le rapport du jeune aux autres.

Notre choix a été d’utiliser plusieurs cadres d’analyse complémentaires de l’analyse des réseaux sociaux, pour envisager de manière complexe les transitions à la vie adulte (Goyette, 2006). Quelles ressources peuvent tirer les jeunes des personnes qui composent leur réseau (structure, composition, etc.)? Quels soutiens sont effectivement dirigés à l’endroit des jeunes par leur entourage (réseaux primaire et secondaire)? Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’un soutien devienne un support réel aux transitions vers la vie adulte?

Les réseaux sociaux et les transitions à la vie adulte

L’enjeu de compréhension des supports de l’individu est particulièrement prégnant dans le cas des jeunes. Le passage de l’adolescence à la vie adulte correspond ainsi à des « mutations biographiques souvent conjuguées » qui ne se répètent pas plus tard dans la vie (Bidart, 2006). De plus, pour certains jeunes en milieu substitut, quitter définitivement le centre jeunesse[2] veut également dire, quitter les seules familles et maisons qu’on a eues (Goyette, 2003). La jeunesse est ainsi un moment particulièrement critique de la construction identitaire, puisque au cœur des négociations entre les héritages familiaux, capital accumulé à l’école, acquis de l’enfance (Bidart, 1999) et les nouvelles voies permettant la réalisation des projets personnels. Dans cette perspective, les différentes relations sociales d’un individu peuvent contribuer à « l’orienter », à le construire.  En effet, «les personnes qui l’entourent et la configuration relationnelle qu’elles dessinent forment un système de référence, un « univers des possibles » au regard duquel le jeune va se situer» (Bidart, 1999 : 7).  Plus encore, chaque personne rencontrée ouvre à l’individu des petits mondes (Bidart et Le Gall, 1996) donnant accès aux informations, connaissances et expériences et ce tout au long de sa vie[3]. Les réseaux sociaux nous permettent donc de lire l’étendue des cercles sociaux qui peuvent influencer l’insertion sociale d’un jeune, dans l’interface entre l’individu et la société. Ces relations sociales étant porteuses d’ouverture sur le monde.  Ceci étant, la place du sens que donnent les acteurs à leur construction de liens, comment ils ouvrent et ferment certains accès à des mondes sociaux et à des ressources qui y sont attachées, est importante. Les ressources sont donc reliées aux représentations des acteurs. En plus d’un cadre conceptuel portant sur les réseaux, une des perspectives théoriques dont nous nous inspirons veut donc analytiquement appréhender l’insertion des jeunes au travers du cycle de vie des individus, les transitions devenant l’élément central, à l’instar des analyses de Galland (1991) et de Coles (1995). En s’intéressant aux transitions à la vie adulte de jeunes, l’analyse s’ancre dans une lecture de la réussite et de la réversibilité des situations en faisant ressortir la qualité d’acteur des personnes socialement vulnérables plutôt que de renforcer les images victimisantes ou incapacitantes généralement utilisées pour décrire leur situation. Dans cette optique, la jeunesse n’est donc pas seulement une étape entre l’enfance et « le manque d’état adulte », les jeunes sont acteurs, sujets qui se construisent. C’est pourquoi le terme « transition » sera préféré aux notions de seuils et de passage trop catégoriques et « adultocentriques » (Bidart, 2006). Pour Coles (1995), il y a trois transitions qui marquent le passage de la vie d’adolescent à celle d’adulte autonome : la transition de l’école vers le travail, celle de la famille d’origine vers une nouvelle famille et la transition du logement des parents vers un logement indépendant. Il cherche à montrer que ces transitions sont importantes et jouent de manière interdépendante. Or, à partir de ces transitions, il nous sera possible d’envisager comment les relations sociales les facilitent, même si, pour les jeunes quittant un milieu substitut, ces transitions, notamment celle de la rupture avec le milieu familial, se sont opérées différemment par rapport à la jeunesse en général.

Dans ce cadre, cet article vise à appréhender comment les réseaux sociaux contribuent à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté à partir des transitions à la vie adulte. Cette compréhension dépassent le strict niveau individuel de la résilience, pour appréhender les conditions sociales de cette dernière. Si, la structure et la composition des réseaux sont importantes dans la compréhension du rôle des relations sociales dans les transitions à la vie adulte, parce qu’elles délimitent les possibles supports, soit le capital social réticulaire, nous proposons que pour avoir une retombée favorisant les transitions à la vie adulte, le jeune doit concevoir ses relations sociales comme supportantes, c’est-à-dire être dans un rapport aux autres qui rende le soutien actif dans le processus d’insertion.  En définitive, on tente donc de replacer l’individu au cœur de ses relations en appréhendant le sens que ces dernières ont pour lui dans une continuité d’une sociologie relationnelle et du support (Martuccelli, 2002). La question relationnelle devient ainsi la manière contemporaine et moderne de devenir un individu, les supports étant une condition nécessaire pour qu’un individu s’insère socialement (Martuccelli, 2002, De Singly, 2000).

En cela, notre problématisation théorique répond au cadre moderne de la construction de l’individu, qui envisage cette construction comme un processus « par lequel l’individu, par la gestion relationnelle de soi, (re)construit sans cesse son identité personnelle, en vue participer à la vie sociale (Bajoit et al., 2000 : 19).

Pour Martuccelli (2002 : 43), « être individu c’est être défini par le double sceau incompressible de la souveraineté sur soi et de la séparation d’avec les autres ». Ainsi, le détachement dont l’individu moderne lui-même est issu, le contraint à trouver dans les objets, dans les soutiens externes, dans les relations sociales, cette « solidité qu’il ne sent plus en lui-même. En même temps, la modernité lui ouvre un espace de liberté, dans la mesure où les dépendances se manifestent sous des formes plus médiates et moins personnelles » (Martuccelli, 2002 : 43-45).  Pour être un individu social moderne, il faut produire de l’autonomie, de l’indépendance et de l’interdépendance dans une logique d’individuation. « La question sociologique initiale de l’individu dans la condition moderne renvoie [donc] avant tout à la manière dont l’individu se tient, est tenu, et le cas échéant aux manières dont il parvient à se tenir lui-même face aux situations dans lesquelles il est placé » (Martuccelli, 2002 : 50).

Nous faisons donc une distinction entre réseau social, soutien et support que nous suivra tout au long de notre analyse. Nous analyserons les ressources potentielles ou dormantes disponibles dans le réseau des jeunes. Le réseau est constitué des personnes dont le jeune nous dit être entouré à partir des réponses aux générateurs de noms qui lui sont posés.  Il s’agit d’une lecture en terme de capital social réticulaire, s’inscrivant dans la continuité des analyses structurales de réseaux sociaux.

Mais une ressource d’un réseau devient soutien lorsque qu’elle est activée, lorsqu’elle perd son statut de ressource dormante. C’est pourquoi, il faut également envisager l’analyse relationnelle. Un membre du réseau devient soutien dès lors qu’il y a activation ou mobilisation de ses ressources à l’endroit du jeune.  Il s’agit d’un niveau d’analyse très différent : si un individu n’a personne dans son réseau, il est en effet difficile de croire qu’elle pourra mobiliser des ressources. Par contre, il ne suffit pas d’avoir un réseau garni pour qu’il y ait mobilisation de la ressource et qu’un soutien soit fourni. Et un soutien exprimé n’a pas les mêmes retombées selon la nature du rapport entre le jeune et les acteurs soutenants. Ainsi, nous voulons comprendre quelles sont les conditions qui permettent aux soutiens de devenir des supports dans les différents rapports du jeune à son réseau dans les transitions à la vie adulte.

Avant de présenter les résultats, il s’agit de décrire la démarche méthodologique.

La démarche méthodologique

La stratégie méthodologique, ancrée dans un cadre compréhensif, est double dans la mesure où elle allie à une analyse de la composition des réseaux et une analyse des significations des relations sociales pour le jeune. Dans ce contexte, il s’agit autant de recueillir des données objectivées constituées par la description des relations sociales du jeune que des données subjectives portant sur les expériences et le sens attribué par le jeune.

L’ensemble des données sur les jeunes ont été colligées lors d’une rencontre au cours de laquelle calendrier biographique, entrevue récit de vie et questionnaire réseau sont successivement abordés. 

Le calendrier biographique est un outil qui permet de colliger des informations sur la trajectoire familiale, la trajectoire résidentielle (lieux de résidence, type de résidence, membres du ménage, raison du changement de lieux de résidence), l’histoire de placement, la trajectoire scolaire (nature de la formation, durée de la formation, etc) et la trajectoire professionnelle (moyens par lequel l’emploi a été trouvé, occupation, taux horaire, heures travaillées/semaine, durée et raison du départ) depuis la naissance du jeune (Charbonneau, 2003, Goyette et al., 2006a, Goyette, 2006).

Les entrevues de type récit de vie permettent de prendre un temps de recul avec le jeune, pour qu’il se raconte.  La procédure d’enquête lors de ces entrevues vise à documenter l’évolution de la situation du jeune au travers de plusieurs sphères de vie (insertion à l’école, travail et revenu, situation financière, insertion résidentielle, temps libre, insertion dans l’espace local, relations avec les parents, vie amoureuse, habiletés et relations sociales), les relations sociales qu’il entretient ainsi que le sens qu’il attribue à ses relations sociales dans le cadre des transitions qu’il vit ou a vécu.

Le questionnaire sur les réseaux sociaux permet la reconstitution des réseaux sociaux et des réseaux de soutien à partir de générateurs de noms (Charbonneau et Turcotte, 2005 ; Francke, 2005). Le questionnaire sur les réseaux sociaux a été légèrement adapté de Bourdon et Charbonneau (2004). Ce questionnaire s’inspire de la démarche originale de Bidart (2002) qui s’intéresse à la construction de l’insertion socioprofessionnelle et à l’évolution des réseaux sociaux de jeunes français.  La reconstitution des réseaux sociaux et des réseaux de soutien s’appuie sur une stratégie méthodologique, organisée à partir de l’utilisation de différents types de générateurs de noms, permettant de retracer l’ensemble des personnes (les « alters ») avec qui un « ego » est en contact, dans divers contextes de vie. Ainsi, notre questionnaire distingue le réseau des personnes significatives, soit les personnes proches et intimes qui sont une source potentielle de soutien psychologique, de l’ensemble des autres relations que les personnes ont développées dans divers contextes présents et passés de leur vie, (Charbonneau et Turcotte, 2005 :11-14; Francke, 2005). Toutes les personnes dont les noms sont recueillis font alors l’objet d’un questionnement complémentaire visant à connaître leurs caractéristiques personnelles et l’histoire de leur lien avec « ego » (âge, sexe, occupation, situation familiale, statut d’emploi, niveau d’études, lieu de résidence, temps requis à l’alter pour se rendre au domicile de ego, statut par rapport à ego[4], ancienneté de la relation, contexte de la rencontre, distance résidentielle actuelle, fréquence des rencontres, activités réalisées ensemble actuellement, activités déjà réalisées ensemble, etc).

Dès lors, cette approche nous conduira à une analyse mixte des données qui fera une part égale à l’objectif et au subjectif (Huberman et Miles, 1991, Laperrière, 1997). Le traitement des données est constitué, dans un premier temps par croisement vertical pour chacun des jeunes, et dans un deuxième temps, par un traitement des relations et des configurations sociales des jeunes.

La population à l’étude

Nous avons rencontré des jeunes qui ont été placés par les services sociaux au Québec et dont la prise en charge est terminée parce qu’ils ont atteint la majorité légale. Tous ces jeunes ont participé à une intervention intensive visant à développer leur autonomie et faciliter leur insertion[5] (Goyette et al., 2007). Les jeunes correspondent à l’ensemble des jeunes ayant participé à ce projet pilote et ayant atteint la majorité légale. Ils ont connu, au cours de leur vie, une histoire de placement importante (au moins deux ans). A l’instar de Barth (1990), nous avons envisagé l’expérience de jeunes ayant une histoire de placement importante, puisque le placement peut impliquer des fractures relationnelles importantes. Les analyses portent sur 31 jeunes, 14 filles et 17 garçons. Au moment de l’entrevue, les jeunes sont âgés entre 18 et 20 ans: 68% des jeunes ont 18 ans et 29% ont 19 ans.

Les ressources réticulaires des jeunes

Dans la perspective où nous appréhendons les relations sociales comme des réservoirs potentiels de ressources relationnelles, nous ferons ressortir certains résultats du portrait descriptif des réseaux relationnels des jeunes rencontrés.  D’abord, il faut mentionner que les jeunes que nous avons rencontrés, contrairement à l’image médiatique et populaire, ne sont pas isolés, c’est-à-dire sans entourage (moyenne de 14,9 alters  par ego, avec une médiane de 14 et écart type de 5,12, aucune différence entre les sexes). Ils disent tous avoir des personnes qu’ils considèrent importantes dans leur vie et des connaissances.  Par contre, les jeunes hommes et les jeunes femmes ont généralement des réseaux sociaux différents, qui offrent des ressources potentielles également différentes.

Sur certaines variables, nos analyses confirment la tendance à l’homophilie dans les réseaux des jeunes rencontrés (pour le genre pour les garçons, quant à l’occupation pour ceux qui sont inactifs et pour ceux à l’école). Néanmoins, il est nécessaire d’apporter des nuances concernant la relation entre l’âge et le sexe. Les données indiquent que les filles fréquentent des alters  masculins plus âgés qu’elles, alors que les garçons sont en lien avec des alters  féminins plus jeunes qu’eux. L’homophilie par âge est donc plus forte avec les alters  de même sexe. Les filles fréquenteraient donc des filles de leur âge et des garçons plus vieux, tandis qu’au contraire, les garçons sont en lien avec des garçons du même âge et des filles plus jeunes.

Cette tendance homophile est par ailleurs moins importante que celle observée dans d’autres études sur les réseaux sociaux. Une tendance à l’homophilie des réseaux quant au genre, à l’origine sociale, l’âge combiné avec l’étape du cycle de vie, a ainsi été montré dans plusieurs recherches sur les réseaux sociaux (Grossetti, 2002; Forsé, 1999). Néanmoins, ces données permettent de montrer un profil de sociabilité différencié selon le sexe des jeunes. Dans un premier temps, les garçons semblent se lier plus avec des alters de même sexe qu’eux. Dans un second temps, les filles adhèrent davantage à une forme de sociabilité où les garçons occupent une place plus importante dans leur réseau.

Par ailleurs, le portrait type des réseaux des garçons rencontrés serait plus propice à l’insertion et au soutien. Ils peuvent compter sur certaines ressources de leur réseau. Les jeunes hommes ont en effet un nombre important d’amis du même sexe, leurs mères sont davantage présentes et les membres de leur famille cités peuvent potentiellement leur procurer davantage de soutien. Le réseau des garçons est enfin caractérisé par l’ancienneté des relations : ils ont davantage de relations anciennes et de liens familiaux. Cette ancienneté constitue, selon Lavenu (2001), un marqueur puissant de l’activation des soutiens : on ne place pas dans notre réseau des personnes pour qu’elles nous soutiennent, l’électivité étant associée à une sociabilité davantage de loisirs. Ainsi, comme les analyses de Lévesque (2000) l’ont montré, on peut croire que les réseaux plus anciens ont de plus grandes chances d’offrir des soutiens instrumentaux (logement, emploi) que ceux qui sont plus récents. Est-ce que la figure parentale est importante en termes de soutien offert? Nous y reviendrons dans la prochaine partie. Mais il faut souligner que les parents peuvent constituer une très importantes sources potentielles de soutien expressif et instrumental (Maunaye, 2004; Maunaye et Molgat, 2003). Or, dans les cas où les parents ne sont pas cités par les jeunes comme faisant partie du réseau, on peut croire que le soutien des parents est absent ou peu significatif. Dans cet esprit, les garçons semblent favorisés dans la mesure où la famille, qui peut jouer un rôle central, est plus présente.

Pour sa part, le portrait type des réseaux de filles recèle moins de ressources de soutien. Les analyses réalisées à ce sujet ont ainsi montré que plus les filles ont de garçons dans leur réseau, plus leurs transitions vers la vie adulte est bloquée (Goyette et al., 2006b). De plus, la majorité (57%) des filles n’a pas de parent dans son réseau, il y a une présence accrue de garçons dans son réseau et elles entretiennent en général des relations plus récentes. Celles-ci rencontrent également plus souvent des gens par l’entremise d’une troisième personne. Les filles sont davantage impliquées avec une personne « au sens amoureux » et elles représentent 89% des jeunes rencontrés qui habitent avec leur conjoint. Elles rencontrent plus souvent de nouvelles personnes par l’entremise de leur conjoint qui occupent une place centrale dans leur réseau.  

Le réseau de ces jeunes filles semble donc avoir moins de ressources réticulaires. En somme, les jeunes filles apparaissent plus captives de leur réseau, dominé par une seule personne. Ce manque de diversification a un impact négatif sur le potentiel du réseau social à fournir des ressources multiples (Grossetti, 2005, 2002; Bidart, 1999). Est-ce que les ressources moindres dans le réseau des filles se traduiront par des dynamiques relationnelles différentes de celles des jeunes hommes? Nous y reviendrons dans une prochaine partie.

Par ailleurs, le rôle que peuvent jouer les amis dans le réseau des jeunes en général semble moins défini et ce tant pour les jeunes filles que les jeunes hommes. En effet, les réseaux des jeunes en général sont composés à 57% d’amis. Les données portant sur l’analyse des activités partagées par les jeunes et les membres considérés comme importants de leur réseau montrent que la sociabilité permet peu de s’inscrire dans les espaces institutionnels porteurs de nouveaux « petits mondes ». En fait, cette sociabilité, au cœur des relations avec les amis, est peu susceptible au point de vue du capital relationnel de soutenir la construction identitaire et les transitions à la vie adulte.

De même, la sociabilité des jeunes rencontrés semble peu propice à la construction de projets à partir des activités extra-professionnelles, ni même de susciter cette capacité réflexive sur leur parcours, notamment parce que les alters  avec qui ils partagent cette sociabilité sont en général du même environnement social immédiat qu’eux. Autrement dit, cette sociabilité est bien davantage inscrite dans une forme relationnelle liée à l’adolescence. Sans pour autant évoquer l’absence de rôle dans les transitions permettant le passage à la vie adulte, il semble que cette sociabilité ne soit pas structurante, les « petits mondes » auxquels elle donne accès n’étant pas associés par exemple, à des compétences transférables par un processus de « socialisation transitionnelle » tel que Roulleau-Berger (1997) l’a formalisé. D’ailleurs, des expériences de sociabilité des jeunes, par exemple au travers d’un projet ou d’une activité culturelle, permettent d’inscrire le jeune en processus d’insertion. Cette sociabilité peut devenir un préalable appuyant parfois les transitions permettant le passage à la vie adulte (Le Gall, 1999). De la même manière, si dans la littérature sur la jeunesse, les exemples du Hip Hop et des cultures alternatives sont souvent analysés comme emblématiques de cette acquisition de compétences transférables dans une forme d’insertion au travail ensuite (Vulbeau, 2003), ce n’est pas le cas pour les jeunes que nous avons rencontrés. Finalement, pour les jeunes rencontrés,  leur sociabilité ne paraît pas non plus permettre une meilleure emprise des jeunes sur leur vie (connaissance de l’actualité, attitude moins passive, recherche d’information et démarches administratives autonomes, parfois même par téléphone, capacité d’anticipation, etc) tel que Le Gall (1999) le remarquait pour les jeunes qu’il a rencontrés.

Si ces jeunes ne sont pas stricto sensu isolés, il semble que l’enjeu de cette forme particulière de sociabilité soit important pour les jeunes en difficulté, puisqu’elle ne permet pas de préciser un processus identitaire. Les pratiques de sociabilité observées relèvent ainsi pour nous d’un processus exploratoire et diffus, non inscrit dans le passage à la vie adulte. Ce résultat contraste avec l’idée que pour les jeunes en général « les cercles les plus stables sont les plus anciens, ceux qui remontrent aux amitiés d’enfance, alors que les cercles fondés sur des contextes plus immédiats, plus institutionnels aussi, sont davantage abandonnés avec le temps » (Lavenu, 1999 : 66; Bidart, 1999).

Par ailleurs, l’enjeu est également important dans la mesure où pour la plupart des jeunes, cette sociabilité déclinera dès lors que les transitions vers la vie adulte progressent. Plus les jeunes rencontrés avanceront dans l’âge, plus les « petits mondes » risquent de se restreindre. Il ne s’agira pas ici d’isolement, mais de confinement à un groupe social qui inscrit le jeune dans une sociabilité en fonction d’un milieu social, d’où l’importance de cet enjeu de compréhension de l’évolution de cette dynamique de la sociabilité.

Si le réseau est homogène et très dense, l’individu sera fortement inséré, mais dans ce seul milieu social (Granovetter, 1973), « s’il en sort, il risque de manquer de ressource. Si, inversement, le réseau est hétérogène et dispersé, que ses membres se connaissent peu entre eux, l’individu sera moins intégré dans un milieu, mais moins dépendant aussi, il pourra plus facilement se déplacer, s’adapter à des situations diversifiées, voire jouer sur des facettes identitaires variées » (Bidart, 1999 : 9). Ainsi donc, comme le rappelle Lecoutre (2003 : 62) il est possible « d’obtenir des bénéfices des structures sociales ayant des formes opposées », mais les réseaux fermés permettent davantage de soutien social expressif, tandis que les réseaux ouverts et diversifiés permettent davantage une action instrumentale : obtenir un emploi, se trouver un logement, etc. (Degene et Forsé, 1994 : 62-65).

Dans la continuité, nous avons appréhendé la multiplexité des liens entretenus avec les jeunes et les membres importants de leur réseau. La multiplexité renvoie à l’idée qu’une relation donnée possède des contenus multiples, sert à plus d’un type d’échange à la fois et relie deux acteurs ayant plus d’un rôle.  Dans notre recherche, la multiplexité est analysée à partir des données sur les activités partagées entre ego et ses alters importants. Plus on fait des choses avec les mêmes personnes, plus la relation correspondante est multiplexe. Associée à une lecture des réseaux sociaux davantage clos,  nous avons observé une multiplexité forte, surtout propice au soutien expressif. En effet, si nous considérons qu’un lien est multiplexe dès lors que trois activités sont partagées entre l’ego et son alter, la plupart des relations sont multiplexes. Ainsi 31 % des alters  partagent deux activités ou moins pendant que 69% des alters  partagent trois activités ou plus. En outre, plus la multiplexité est grande, moins il y a de spécialisation de la relation. Ainsi, « si l’on se place du point de vue de l’interaction et de la construction d’habitudes de comportement ensemble, une forte multiplexité est signe d’une pauvreté des négociations et du recours aux liens les plus disponibles, une faible multiplexité est un signe vraisemblable d’un  travail sur le réseau » .  (Degene et al., 2006: 112).

Si, l’analyse de la composition des réseaux jusqu’ici oriente jusqu’à un certain point les possibles accès à des ressources réticuliaires, nous ne pouvons nous passer d’un regard sur les situations concrètes où ces possibles se mettent en scène. Ainsi, les prochaines parties analyseront dans une perspective complémentaire, quels sont les soutiens apportés réellement au jeune et comment ceux-ci contribuent, vraiment ou non, aux transitions permettant les transitions à la vie adulte. Il sera donc nécessaire de comprendre de quelle manière s’active ce capital relationnel pour favoriser l’insertion du jeune.

Les acteurs et la nature des soutiens dans les transitions

Se questionner sur la nature, les contextes et les acteurs qui déploient des soutiens dans les trois transitions vers la vie adulte des jeunes à l’étude permet de mieux comprendre le rôle des relations sociales dans ces transitions vers la vie adulte. Pour ce faire, nous avons retraduit le récit subjectif du rapport du jeune à son expérience sociale de soutien en catégories d’expérience plus formalisées. Ces données ne nous sont pas données comme telles à priori. C’est donc à partir d’un travail de formalisation à posteriori du rapport des jeunes à leur expérience sociale de soutien que nous avons élaboré notre analyse de ceux-ci. L’objectif de cette démarche n’est pas de prétendre à un relevé exhaustif des soutiens reçus par les jeunes participants, mais plutôt de porter une attention à ceux qui se sont imposés comme importants pour ceux-ci, qui ont pris sens dans leur expérience sociale de soutien et dont ils ont choisi de nous faire part. Nous avons choisi de rendre intelligible au lecteur la représentation par les jeunes de leur expérience sociale de soutien, à travers la présentation hiérarchisée des catégories d’acteurs et de soutiens importants. De cette manière, nous tentons de rendre intelligible la complexité des processus sociaux à l’étude.

Sans conteste, l’intervenant au cœur du projet pilote dans lequel les jeunes en difficulté rencontrés sont inscrits est de loin l’acteur le plus soutenant du réseau des jeunes. En excluant cet intervenant des analyses des soutiens fournis par l’ensemble des acteurs, la famille immédiate est la catégorie d’acteurs la plus soutenante pour les jeunes, suivie par les services sociaux de réadaptation puis les autres institutions.  Les amis et la famille des amis, la famille élargie puis le conjoint et la famille du conjoint reviennent comme figures du soutien en proportions équivalentes. Les soutiens reçus recensés restants proviennent des autres acteurs présents dans la vie du jeune (collègues de travail, patron, groupes communautaires et autres ressources alternatives du milieu). Que doit-on retenir quant à la nature et aux acteurs du soutien dans les trois transitions à la vie adulte. Certains acteurs sont davantage présents dans certaines transitions, par exemple, les parents (lorsque présents dans le réseau) sont très soutenants en général dans la sphère du logement en offrant un soutien matériel, mais sont beaucoup moins présents dans le soutien à la transition professionnelle et familiale. De plus, le soutien d’un acteur s’active parfois selon les événements. En outre, si la plupart des acteurs ne soutiennent pas la transition vers une nouvelle famille, nous avons constaté comment le fait pour une jeune femme de devenir enceinte mobilisait les soutiens de son entourage pour soutenir cette transition, au détriment d’ailleurs des soutiens à la transition professionnelle. Ici encore, la mobilisation d’un soutien matériel et parfois émotif de la part de la mère est un bon exemple. Si les situations varient d’un jeune à l’autre, l’intervenant du projet pilote est toujours un acteur de premier plan, agissant en complémentarité avec les autres acteurs du réseau pour soutenir le jeune.

Mais, tous les soutiens fournis aux jeunes ne jouent pas le même rôle dans les transitions permettant leurs transitions à la vie adulte.  Nous nous sommes donc intéressés aux actions qui permettent aux soutiens de devenir des supports en partant de la singularité des situations, pour dégager enfin quels étaient les retombées de ces soutiens sur les transitions à la vie adulte.

Les différentes actions du soutien

Considérer les différentes actions du soutien, en regard des transitions à la vie adulte, constitue une occasion de distinguer les soutiens qui renforcent les transitions de ceux qui les bloquent.  En effet, l’existence d’un soutien ne signifie pas nécessairement qu’il a un effet positif sur les transitions des jeunes vers la vie d’adulte.  En d’autres termes, il s’agit de montrer dans quelle situation, le soutien est bel et bien soutenant.  Dans cette perspective, pour parvenir à qualifier ces différentes formes d’action, nous avons élaboré un cadre distinctif de ces actions, en considérant que les soutiens peuvent être inhibiteurs, vecteurs ou passeurs. Ainsi, les divers soutiens sont illustrés par ces trois figures qui agrègent les différents acteurs autour des attributs de participation de l’action. Parmi les figures de l’action, celle de l’inhibiteur est inscrite dans un rapport à l’autre où la considération pour la transition est absente: l’acteur du soutien garde le contrôle et ne permet pas la transition puisque la situation  du jeune dépend de ce soutien et qu’aucun autre soutien ne contrebalance cette dynamique. La figure du vecteur est l’action qui tend à soutenir le jeune en le propulsant ou en le véhiculant dans ses démarches lorsqu’il vise une transition. L’action est réalisée pour le jeune, ce dernier étant toujours objet du soutien. On montre la voie à prendre dans un processus de concertation avec le jeune en tant que soutien. Finalement, la figure du passeur qualifie l’action qui tend à prendre en compte le jeune, plutôt que de le prendre en charge, dans une perspective accompagnatrice de concrétisation du projet de soutien.

Des soutiens aux supports : le rapport du jeune aux soutiens

Pour comprendre comment ces actions soutenantes parviennent à devenir support, il faut encore préciser comment le jeune accueille les soutiens qui lui sont offerts ou résiste aux obstacles que lui créent ces mêmes soutiens. En effet, chacune de ces figures de l’action s’inscrit dans une dynamique relationnelle particulière du rapport du jeune aux différents acteurs de son réseau. Ainsi, un soutien exprimé n’a pas les mêmes retombées selon la nature du rapport entre le jeune et les acteurs soutenants, il importe donc de voir comment le jeune accueille les soutiens qui lui sont offerts, ou résiste aux obstacles que lui créent ces mêmes soutiens. Ainsi, nous voulons analyser quelles sont les conditions qui permettent aux soutiens de devenir des supports dans les différents rapports du jeune à son réseau pour les transitions à la vie adulte, pour montrer, l’importance du travail collectif des acteurs du réseau des jeunes. L’analyse des différents types de rapports qu’entretiennent les jeunes avec leurs soutiens, en regard des différentes transitions qu’ils vivent, nous a permis de dégager trois figures du rapport du jeune à son réseau, dans lesquels se déploient une dynamique soit de dépendance, d’indépendance ou d’interdépendance. Lorsque le jeune incarne à l’égard de son réseau et des soutiens, une figure de dépendance, il s’agit de montrer que le rapport du jeune avec son réseau est non réciproque.  Si le réseau l’aide, le jeune n’utilise pas cette aide pour s’inscrire dans un mouvement vers l’autonomie, mais prend seulement l’aide. Il s’en suit un rapport relationnel dissymétrique, entre un aidant et un aidé, dans lequel le jeune est infériorisé le plus souvent.

Une dynamique d’indépendance du jeune dans son rapport à ses soutiens contribue à le placer dans un cadre où il ignore les soutiens qu’il a, pour organiser de lui-même et dans une logique d’autonomie naturelle, son émancipation. Intériorisant ainsi une figure mythique de l’autonomie sans lien, le projet du jeune est de devenir adulte seul, sans le soutien des autres.

Enfin, une dynamique d’interdépendance consacre la réciprocité des échanges entre le jeune et ses soutiens. Le jeune pense son projet en lien avec son réseau et non seul, car il a développé par sa capacité réflexive, un souci pour soi au travers des autres et des autres au travers de soi. Sans perdre leur identité propre, les acteurs, dans une dynamique d’interdépendance, seront en quelque sorte contaminés par l’autre. Cette dynamique permet une prise en compte consciente, de ses atouts comme de ses faiblesses. C’est dans cette dynamique que les soutiens deviennent véritablement des supports.

Il ne suffit pas qu’un ou des soutiens soient fournis à un jeune pour que cette action soutenante favorise les transitions à la vie adulte. Ainsi, un soutien devient support, dès lors que le rapport du jeune au soutien permet une adéquation. Il s’agit de parvenir à une certaine réciprocité entre acteur/action soutenant et la cible du soutien.  En fait, il faut noter aussi que le jeu du support dépend tout autant de l’acteur supportant que de celui vers qui il est dirigé.  Cette analyse dynamique permet notamment de montrer que l’aide en soi n’apporte rien ou peu dans l’insertion des jeunes, si elle ne se traduit pas et ne véhicule pas une véritable dynamique et rapport social d’intégration. Sachant que l’intégration signifie ici réaliser un projet, donc entreprendre une démarche qui fait sens, tant pour le supportant que pour le supporté, la nécessité d’inscrire l’aide dans une dynamique de complémentarité et de réciprocité ne fait que montrer à quel point l’aide doit, avant tout autre chose, produire du lien social.

Il s’agit donc ultimement de situer l’ensemble des jeunes rencontrés, pour révéler l’action du soutien et le rapport du jeune à ce soutien, en regard des différentes transitions qu’ils vivent.  Nous avons donc, pour chaque jeune, compilé les différents soutiens, pour voir quels étaient ceux qui dominaient, en regard des différentes transitions du jeune et nous les avons associés au rapport dominant que le jeune entretenait avec ses soutiens. Nous constatons que la plupart des soutiens que reçoivent les jeunes demeurent inhibiteurs ou vecteurs et ne permettent donc pas le développement de relations de réciprocité. En outre, il demeure paradoxal de constater que les jeunes entretiennent le plus souvent un rapport d’indépendance à l’égard de leurs soutiens. Or, ces jeunes en difficulté semblent ne pas vouloir faire confiance aux autres, mais se construire à partir d’eux-mêmes dans une logique d’autonomisation qu’il leur sera difficile d’assumer pleinement.

Il n’est pas très surprenant que les jeunes rencontrés s’inscrivent dans un rapport d’indépendance et non davantage dans des rapports interdépendants. En fait, la réciprocité qui est le socle de l’interdépendance s’appuie sur des habiletés relationnelles qui se développent avec le temps, par exemple dans le cadre de rapports familiaux ou d’échanges sur des générations entières. Considérant la position sociale des jeunes rencontrés et les bifurcations importantes qu’ils ont connu et connaissent, c’est sûrement beaucoup leur demander que la société s’attende à ce qu’ils s’inscrivent en interdépendance.

Discussion des résultats

Si nous avons constaté que les réseaux sociaux sont au cœur des transitions à la vie adulte des jeunes et de la construction de leur intégration sociale, l’analyse a montré que certaines conditions favorisaient l’émergence de certains types de lien social. En effet, pour favoriser l’insertion sociale et la construction d’un individu autonome, il faut à la fois dégager des conditions dans le rapport à soi et aux autres des jeunes, comme dans celui des actions soutenantes envers ce jeune. Ces conditions sont ainsi associées à la vulnérabilisation des transitions à la vie adulte, ou au contraire, à l’inscription dans une perspective constructive.

Comme les jeunes ne sont pas pourvus du même capital relationnel et des mêmes capacités d’entrer en relation. Il faut aussi souligner que certains événements importants vécus par plusieurs jeunes femmes et certains jeunes hommes paraissaient influencer leur rapport au relationnel.  Leurs sentiments de confiance et de sécurité laissent place à la peur et à l’anxiété face à la transition à la vie adulte. Les difficultés émotionnelles et les déficits au plan des compétences sociales de ces jeunes sont particulièrement importants lorsqu’ils sont placés depuis longtemps et qu’ils ont été déplacés à de multiples reprises, bien que les nombreux déplacements aient des impacts différents selon le moment où ils surviennent dans la trajectoire d’un jeune. En effet, il faut comprendre que les fractures relationnelles subies, durant la période précédant leur prise en charge par les services sociaux, surtout lorsqu’elles s’inscrivaient dans un rapport de violence physique ou sexuelle, contribuent parfois à inscrire le jeune dans une souffrance relationnelle qui l’enferme, dans un rapport à soi qui va orienter le rapport aux autres, le plus souvent, dans une dynamique de dépendance à l’égard de son entourage.

Cette dépendance est davantage le fait des jeunes femmes en interaction avec les différents soutiens et incarne un processus de vulnérabilisation des transitions à la vie adulte, dans la mesure où ce dernier est conçu exclusivement autour de la transition familiale. De la même manière, les jeunes hommes qui inscrivent leur rapport au soutien du réseau dans une perspective de dépendance incarnent une vulnérabilisation de leurs transitions à la vie adulte, dans la mesure où, le jeune n’utilise pas cette aide pour s’inscrire dans un mouvement vers l’autonomise, mais prend cette aide sans considérer les autres soutiens qui pourraient favoriser une transition. Il s’en suit un rapport de pouvoir dissymétrique entre un aidant et un aidé, dans lequel le jeune est infériorisé le plus souvent.  Si le rapport aux autres dans une dynamique de dépendance contribue à inscrire le soutien dans une perspective vulnérabilisante des transitions à la vie adulte, c’est la construction de l’individu autonome qui est menacée.

Au contraire, un jeune qui s’inscrit en indépendance à l’égard de ces soutiens, contribue à construire un projet de vie pour lui et sans les autres. Directement inscrit dans un courant dominant dans l’imaginaire collectif qui voit l’individu moderne autosuffisant, c’est bien souvent la mise au travail qui est au cœur du projet de ces jeunes. Mais voilà, s’ils profitent des soutiens en s’inscrivant dans une transition professionnelle, ils n’apprennent pas nécessairement ce rapport aux autres.  Ce mode relationnel de l’indépendance est même parfois encouragé par les structures sociales, afin de réduire la dépendance à l’égard des services étatiques.

Dans cette perspective, la conception habituelle de la transition à la vie adulte repose sur une vision normative du développement d’un individu, dans lequel l’autonomie financière occupe une place prépondérante comme résultat à atteindre (Goyette et Turcotte, 2004). 

On le constate ici, la question des relations sociales est intriquée à celle de l’insertion parce que les relations sociales doivent préexister à une insertion. Ainsi pour Castel (2003b : 46) « outre les différences de capacités propres aux individus sur le plan psychologique, dont on peut faire l’hypothèse qu’elles se répartissent d’une manière aléatoire, [la réussite dans un contexte d’individualisation des trajectoires et d’incertitude] dépend fondamentalement des ressources objectives que ces individus peuvent mobiliser et des supports sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour assumer les situations nouvelles ».

Dans cet esprit, s’il est nécessaire de prendre en compte les ressources réticulaires que possède le jeune dans son réseau relationnel, il est indispensable de considérer aussi le rapport du jeune à son réseau.

Par ailleurs, dans la majorité des programmes visant à soutenir les jeunes en difficultés à leur sortie d’un milieu substitut, on prône cette image d’un jeune autosuffisant. Mallucio et al., (1990), Collins (2001) et Propp et al. (2003) soulignent avec pertinence qu’il y a un non sens à parler d’indépendance absolue et complète, cette situation relevant du mythe, qui rend d’ailleurs impossible la remise en question du problème de la dépendance (Smith, 2001). Castel (2003b : 13) croit avec justesse qu’une société composée d’individus parfaitement indépendants ne serait pas une société, mais un « état sans loi, sans droit, sans constitution politique et sans institutions sociales ». Le lien social étant une composante inextricable du rapport humain, le jeune en transition est toujours en quelque sorte dépendant de son entourage (Godbout et Charbonneau, 1996)- comme l’entourage à son endroit- ce qui ne signifie pas pour autant l’absence d’autonomie (Singly, 2000 : 15).

Maluccio et al. (1990) prônent de passer du registre de l’indépendance à celui de l’interdépendance. Le concept d’interdependant living est basé sur l’affirmation que les êtres humains sont sociaux et interdépendants, c’est-à-dire capables de se relier et de fonctionner avec les autres, d’utiliser l’influence et les ressources communautaires. Être interdépendant signifie pouvoir gérer les tâches de la vie quotidienne et avoir une qualité de vie productive, au travers d’interactions positives et appropriées avec des individus, des groupes, des organisations et des systèmes sociaux.  Ceci signifie reconnaître les valeurs de la mutualité et de l’autodétermination et pouvoir assumer la responsabilité de ses choix individuels et leurs conséquences (Maluccio et al., 1990).  Ce concept permet de mettre l’accent sur le but premier de la pratique du système de protection de l’enfance, qui est d’aider les jeunes en milieu substitut à développer et maintenir les relations essentielles pour rencontrer leurs besoins. Enfin, cette conception conduit à déplacer la responsabilité qui était sur le jeune vers la communauté, et à privilégier une vision multidimensionnelle de l’intervention (Maluccio et al., 1990). Ce concept permet également de restituer un certain pouvoir d’acteur au jeune, pour qu’il passe d’un statut d’objet d’intervention à un statut de sujet compétent et capable d’utiliser les opportunités, les marges de manœuvre et les ressources de son environnement (Collins, 2001; Malucio et al., 1990). Pour Maluccio (1990) c’est l’atteinte de l’interdépendance qui mène à l’autonomie. L’insertion réelle est dans cet esprit liée au relationnel, au lien social de qualité.

Dans cette perspective, pour favoriser l’intégration pleine et entière des jeunes en difficulté, il faut qu’ils soient inscrits en relation et que cette relation soit de qualité. Et à l’instar de Martuccelli (2002), comme nous le mentionnions plus haut, la question relationnelle dans cette perspective d’interdépendance devient cette manière contemporaine et moderne de devenir un individu, les supports étant une condition nécessaire pour qu’un individu s’insère socialement. En cela, le cadre moderne de la construction de l’individu envisage cette construction comme un processus « par lequel l’individu, par la gestion relationnelle de soi, (re)construit sans cesse son identité personnelle, en vue participer à la vie sociale (Bajoit et al., 2000 : 19). Dans cette optique d’interdépendance seulement, le jeune peut construire des projets de vie forts, en lien avec les autres, dans une perspective de réciprocité.

Ainsi, insister sur l’importance du développement d’un rapport aux autres des jeunes inscrits dans une dynamique d’interdépendance renvoie nécessairement à la nécessité que le jeune soit entouré, et que dans son réseau, il y ait des ressources disponibles pouvant faciliter l’insertion et enfin, que ces ressources puissent être activées en soutien.

Plus encore, il est nécessaire pour supporter le jeune que l’action soutenante contribue à la mise en mouvement du jeune. Ainsi, nous avons observé comment un soutien peut contribuer à bloquer la transition, dans la mesure où il agit en inhibiteur, sur la mise en transition du jeune.

Dans ce contexte, les conditions de production du lien social à l’origine d’une intégration réelle doivent tenir à la fois du rapport du jeune à son réseau dans une perspective d’interdépendance et d’une action soutenante passeur.

Conclusion

Cet article s’est donné comme objectif général de comprendre le rôle des relations sociales dans la transition à la vie adulte de jeunes qui ont connu un placement. L’enjeu des transitions à la vie adulte pour ces jeunes est inscrit dans un rapport à soi et aux autres qui témoigne de difficultés personnelles et familiales et d’un manque de préparation à la vie adulte. L’image populaire de ces jeunes est une image de désaffiliation et de dénuement, entre victime et délinquant. Dès lors, s’est posé pour nous l’enjeu des réseaux sociaux. Si ces jeunes ont des difficultés, comment leur entourage, au seuil de changements importants, va-t-il les soutenir dans ce processus, qu’on sait déjà de plus en plus complexe et long pour l’ensemble des jeunes.  Notre choix a été d’utiliser plusieurs cadres d’analyse complémentaires de l’analyse des réseaux sociaux, pour envisager de manière complexe les transitions à la vie adulte. D’un côté, un regard quantitatif sur les ressources potentielles, de l’autre un regard sur les soutiens réellement mobilisés par les acteurs du réseau et enfin, une lecture du rôle de ces soutiens dans les transitions à la vie adulte.  S’intéresser aux cadres et aux acteurs qui favorisent les transitions vers le passage à la vie adulte exigeait d’abord d’envisager quels sont les réseaux sociaux de ces jeunes et surtout, comment les réseaux de ces jeunes pouvaient être une source de capital social relationnel?  Ce regard est essentiel parce que de la structure et la composition des réseaux dépendent les types de ressources qui peuvent être mobilisés.

Après avoir analysé de manière intégrée les réseaux, nous avons ensuite envisagé quels sont les soutiens mobilisés à l’endroit de ces jeunes.  Entre réseau et soutien, il y a nécessairement un décalage puisque les ressources réticulaires ne s’activent pas toujours pour devenir soutien. Ainsi, les membres de leurs réseaux ne paraissaient pas toujours faciliter les transitions à la vie adulte. 

Insister sur ces deux aspects du rapport jeune/support et action soutenante replace le jeune dans une position d’acteur dans laquelle il ne se contente pas de subir les soutiens, mais il en négocie l’accès comme il en refuse parfois d’autres. De cette manière également, dans un contexte de mutations sociales et économiques, nos analyses consacrent l’échec relatif de l’homme indépendant, dans la mesure où il sera perméable plus ou moins face aux soutiens dont il est l’objet, mais aussi dont il pourrait être le sujet. Nous avons ainsi constaté que plusieurs jeunes hommes et quelques jeunes femmes s’inscrivent dans cette dynamique : inscrits le plus souvent dans une transition professionnelle, ils sont tout de même dans une situation de précarité et ne conçoivent pas le rapport aux autres dans une perspective de soutien. Bien souvent, leur entourage, qu’ils soient de leur réseau primaire ou de leur réseau secondaire, encourage implicitement au moins ce rapport aux autres du jeune : le parent, la société en général et parfois les programmes spécialisés. Il en va aussi de quelques jeunes mères pour qui, la débrouille est le maître mot. Devenir mère toute seule ne construit pas de l’autonomie, parce que autonomie signifie interdépendance, bien plus « qu’autosuffisance chimérique ». Dans cette perspective, il faut nécessairement sortir d’une notion de quantité, mais penser les supports aux jeunes en transition en termes de qualité. Nous l’avons constaté, il ne suffit pas de vouloir mettre des ressources dans le réseau des jeunes, il faut mettre des ressources de qualité. De plus, il faut que le jeune soit dans un rapport aux autres qui permettent de tisser des liens interdépendants. Par exemple, nous avons montré comment la sociabilité des jeunes, au lieu de constituer un espace de socialisation transitionnelle ouvrant l’accès à l’acquisition de compétences, transférables éventuellement dans une transition professionnelle, relevait davantage du récréatif : une sociabilité adolescente. En effet, construire avec les jeunes des projets en groupe qui ont du sens et leur donnent une place pourrait permettre à la fois de contribuer à briser l’univers « clos » des entourages des jeunes en leur faisant découvrir d’autres « petits mondes » et ainsi les inscrire dans un mouvement constructif vers les transitions à la vie adulte. Il s’agit de constituer les conditions structurelles et relationnelles qui créent les opportunités d’insertion, afin qu’ensuite les conditions individuelles puissent permettre la transition à la vie adulte qui témoigne d’une logique d’intégration.

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[1] École nationale d’administration publique [martin.goyette@enap.ca].

[2]  Les centres jeunesse sont des établissements qui offrent des services spécialisés à la jeunesse sur un même territoire. Ils ont été créés grâce à un regroupement des services à l'enfance (les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse issus quelques années auparavant des centres de services sociaux) et des services de réadaptation pour les jeunes en difficulté (les centres de réadaptation). Il s’agit donc de la création sous une même organisation, d’un continuum en protection de la jeunesse, en délinquance des mineurs et en réadaptation psychosociale. Les centres jeunesse ont pour mandat prioritaire l’application de la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Les seize (16) centres jeunesse du Québec donnent des services à quelque 100 000 enfants, jeunes et familles en difficulté à chaque année.

[3] Comme le dit Lahire (1998 : 233) les acteurs ont traversé dans le passé et traversent en permanence de multiples contextes sociaux; ils sont les fruits (et les porteurs) de toutes les expériences (pas toujours compatibles, pas toujours cumulables, et parfois hautement contradictoires) qu’ils ont vécues dans de multiples contextes.

[4] Avec le contexte de la rencontre, le statut de l’alter par rapport à ego vient distinguer le réseau primaire du réseau secondaire.

[5] Le Projet qualification des jeunes (PQJ), implanté en 2001 par l’Association des centres jeunesse du Québec, est un programme d’intervention intensive qui vise à faciliter le passage à la vie autonome des jeunes pris en charge par les centres jeunesse. Le projet pilote impliquait huit intervenants, issus de quatre régions différentes, qui assuraient chacun le suivi de 10 jeunes pendant une période de trois ans, soit de 16 à 19 ans, couvrant ainsi la première année suivant la fin de la prise en charge par les centres jeunesse. Les jeunes sont sélectionnés parmi les jeunes au profil les plus sombres des centres jeunesse. Le projet vise trois objectifs spécifiques : 1) Préparer et encadrer le passage à la vie autonome ; 2) Intégrer les jeunes dans le marché de l’emploi ou dans une formation qualifiante; 3) Développer des réseaux de soutien et d’aide autour des jeunes.