REDES- Revista hispana para el análisis de redes sociales
Vol. 21, #5, Diciembre 2011
http://revista-redes.rediris.es
Abstract
This paper intends to show how the use of methods, concepts and analysis pertaining to social networks may be relevant to the study of early Middle Ages. In order to retrace a “personal network” for this period, the study first points out several difficulties: the lack of sources, the selection and use of proper documents, the sole identification of aristocratic networks, and the long-term considerations of the networks’ construction. The paper then uses sociological theories and methods in a case study, that of the personal network of Odo of Cluny, an important member of the aristocracy who was also abbot of the French monastery of Cluny, between 926 and 942. This case serves as a perfect example of how social networks worked in the early medieval society.
Key words: early middle age, aristocracy, Odo of Cluny, networks, 10th Century.
Resumée
Cette contribution entend montrer comment l'utilisation de méthodes, de concepts et d'analyses se rapportant aux réseaux sociaux peut être utile dans l'étude du début du Moyen Âge. A fin de reconstituer un “Réseau personnel" pour cette période, cet article met d'abord en avant plusieurs difficultés: le manque de sources, la sélection et l'utilisation de documents appropriés, l'identification claire de réseaux aristocratiques ainsi que des considérations sur la construction des réseaux qui évoluent dans le temps. Nous proposons donc l'utilisation de théories et de méthodes empruntées à la sociologie et nous nous concentrons sur une étude de cas: celle du réseau personnel d’Odon de Cluny, un membre important de l'aristocratie qui était aussi abbé du monastère français de Cluny, entre 926 et 942. Ce cas sert d'exemple significatif pour illustrer comment fonctionnaient les réseaux sociaux dans la société du Haut Moyen Âge.
Mots-clé : Haut Moyen Âge, aristocratie, Odon de Cluny, réseaux, Xe siècle.
Depuis les années 1970, la notion de « réseau » est au centre de nombreux travaux en sciences sociales. Le concept de « réseau social » (social Network) a été développé pour la première fois par un ethnologue britannique, John Barnes (1954) et désigne « des ensembles de relations entre personnes ou entre groupes sociaux ». Pour les sociologues, la réflexion sur les réseaux, comme l’analyse informatique et la représentation graphique de ces derniers, doivent permettre de cerner comment un comportement individuel est modelé par l’appartenance à différents ensembles réticulaires et de voir, en retour, comment ces comportements contribuent à modeler les structures sociales (Degenne et Forsé 2004).
Influencés par l’évolution globale des sciences sociales, les historiens se sont également emparés de cette notion, employée très souvent sur le mode métaphorique (Lemercier 2005a). Depuis les années 1990, notamment dans le champ des études anglo-saxonnes, plusieurs chercheurs se sont toutefois attelés à adapter les techniques informatiques et les grilles d’analyse sociologiques des réseaux aux sociétés du passé (Lemercier et Zalc 2008)[3]. Comme l’a souligné Claire Lemercier (2005a), les travaux historiques sur les réseaux ont adopté globalement deux types d’approches, qui se distinguent par l’objet qu’elles étudient : certaines, majoritairement en histoire contemporaine, se concentrent sur la structure même du réseau mis en évidence (on parle alors d’« analyse structurale de réseaux ») ; d’autres, pour la plupart en histoire moderne, se focalisent sur un individu dont elles reconstituent l’ensemble des relations sociales, en en analysant la nature (il s’agit dans ce cas d’« analyses égocentrées de réseaux ») (Lemercier 2005a: 91-94).
Ces initiatives sont très majoritairement le fait de spécialistes d’histoire moderne et surtout contemporaine (pour une bibliographie exhaustive, Lemercier 2003, 2005b, 2005c et 2006). L’adoption, par les chercheurs de ces périodes, de méthodes propres aux enquêtes sociologiques pourrait s’expliquer, à première vue, par le caractère relativement exhaustif et homogène de leur documentation, notamment par rapport à celle des époques “hautes” – ancienne et médiévales –, dépourvues de séries continues et de sources utilisées classiquement en histoire sérielle, comme les registres notariés (Guyotjeannin, Pycke et Tock 2006: 242-245; Fossier 2006) ou paroissiaux (au moins jusqu’au XIIe siècle). Plus largement, cet engouement semble découler avant tout d’une tradition historiographique fortement marquée par le recours aux méthodes quantitatives et par l’impact de la Nouvelle histoire dont le renouveau, en histoire moderne et contemporaine, reposait sur l’emprunt de cadres d’analyse aux sociologues[4].
Demeurée globalement étrangères aux techniques quantitatives – en raison d’une moindre abondance documentaire –, la médiévistique est restée relativement à l’écart de l’intérêt partagé des sciences sociales pour les réseaux. La notion fait bien partie du vocabulaire des médiévistes, mais elle est souvent utilisée soit par emprunt aux modèles géographiques de « réseau urbain », « commercial » ou « routier »[5], soit pour désigner un ensemble de maisons monastiques dépendants d’une même institution (Bouter 1991; Burgtorf et Nicholson 2006; Cartron 2010; Deflou-Leca 2010), soit enfin comme un concept “mou” et métaphorique, permettant de décrire des groupes informels qui n’ont souvent pas d’assise territoriale et qui trouvent une certaine cohésion grâce à des liens éphémères. C’est cette dernière acception qui a envahi le champ des études médiévales où l’on évoque facilement désormais – mais sans jamais véritablement les reconstituer – des réseaux d’influence, de pouvoir ou de patronage[6], des réseaux de marchands et de clientèle (Jamroziak 2005; Rollo-Koster 2000; Kusman 1999; Prevenier 1998), des réseaux intellectuels et/ou religieux[7], des réseaux d’amitié (Artifoni 2006; Haseldine 2001) ou des réseaux de migrants (Laughton et Dyer 2001; McCray 1999; Castaño González 1997). Paré de cette signification, le concept de réseau a ainsi touché plus particulièrement certains acteurs de la recherche, majoritairement des bas-médiévistes, spécialistes de l’Europe du Nord (Flandre, Angleterre et plus partiellement les régions scandinaves), de Byzance et d’Italie septentrionale. Au-delà de ces usages métaphoriques, quelques études ont essayé de s’inscrire dans le sillage ouvert par les modernistes et contemporanéistes, en tentant des approches plus systématiques et plus sociologiques des réseaux médiévaux. Ces initiatives demeurent peu nombreuses – notamment dans le champ des études francophones – et sont toujours postérieures au XIIe siècle[8].
Les spécialistes du haut Moyen Âge ont suivi ces tendances globales, c’est-à-dire qu’ils utilisent la notion de « réseau » pour appréhender l’exercice du pouvoir, dans le cadre d’un « État qui repose sur des groupes de personnes » (Personenverbandstaat) (Melville 2002; Althoff 1990). Plus précisément, le concept vient décrire les pratiques sociales de l’aristocratie mérovingienne et carolingienne, dont les membres sont liés par des relations de parenté charnelle ou spirituelle, d’alliance, d’amicitia et de fidélité. Certains travaux ont ainsi montré que la participation au pouvoir était fonction de réseaux, mais permettait aussi de les étoffer davantage[9]. Pour autant, l’existence, la genèse ou le fonctionnement de tels réseaux – et notamment le type de relations qui les animent – font rarement l’objet de démonstrations, mais relèvent plutôt d’une série de postulats qui assimilent toutes les traces de liens sociaux identifiés dans les sources à la preuve de l’existence d’un réseau constitué, facteur de reconnaissance sociale et de pouvoir : quelqu’un de puissant a nécessairement des relations, c’est-à-dire un « réseau » important ; une personne qui écrit de nombreuses lettres dispose forcément d’un « réseau de correspondants ». Ces partis pris méthodologiques s’expliquent par le fait que l’utilisation du terme par les haut-médiévistes ne découle pas de l’adoption de grilles d’analyses sociologiques (quasiment jamais évoquées dans les publications des spécialistes), mais – comme en histoire ancienne – d’une tradition d’études prosopographiques dont l’objectif principal réside dans la constitution de bases de données de personnes participant à un même groupe et où sont souvent identifiés des liens familiaux ou amicaux. La réflexion sur les réseaux y apparaît donc comme secondaire dans le meilleur des cas, cantonnée au statut de facteur d’explication de la puissance d’un individu ou d’une parentèle, mais pas comme un objet d’étude en soi. L’absence d’analyses réticulaires systématiques dans les études sur le haut Moyen Âge ne découle par conséquent pas seulement du caractère lacunaire des sources, mais d’une double tradition historiographique. Cette dernière privilégie les approches anthropologiques face à celles des sociologues[10]. Elle s’est également concentrée, non sur l’étude de « réseaux » – qui doivent être explorés autant du point de vue des personnes qui y participent que des liens que ces dernières entretiennent entre elles –, mais sur la restitution de « milieux », « cercles », « groupes » ou « entourages », c’est-à-dire de groupements d’hommes réunis par un intérêt commun (la proximité royale, des liens de parenté, la participation à une cour ou à un cercle de savoir, etc) et qui sont perçus à travers certains de leurs représentants.
Je propose ici de réfléchir à l’adaptation des grilles de lecture sociologiques et des méthodes d’analyse informatiques des réseaux aux problèmes propres aux sociétés du haut Moyen Âge occidental, à partir du cas d’un grand aristocrate du Xe siècle, Odon (né vers 879 et mort en 942), deuxième abbé de Cluny et réformateur monastique aguerri, auquel j’ai consacré ma thèse de doctorat (Rosé 2008). Inscrit dans une perspective biographique, l’un des aspects de mon travail consistait à réinsérer cet homme au sein des réseaux aristocratiques de la fin du IXe siècle et de la première moitié du Xe siècle. Plus précisément, il s’agissait de comprendre comment Odon parvenait à mettre en place une forme de pouvoir originale, le multi-abbatiat (c’est-à-dire la direction simultanée d’une quinzaine d’établissements monastiques pris en charge à la suite de réformes), à une très large échelle géographique, entre la Loire et la région de Rome, et d’analyser les ressorts -notamment relationnels- de cette domination d’un nouveau type. Il fallait ensuite s’attacher à cerner, à partir de ce parcours individuel, les recompositions de la société aristocratique à une époque de transition entre l’âge carolingien et la période féodale, marquée par une redistribution du pouvoir au sein des réseaux nobiliaires. Plus globalement, il s’agissait enfin d’évaluer les continuités et les changements dans l’exercice du pouvoir, à un moment d’effacement de l’autorité royale et de montée en puissance des figures princières dans le royaume de l’Ouest.
L’adoption de grilles d’analyses égocentrées, ainsi que la représentation graphique des réseaux personnels, sont apparues comme une approche méthodologique pertinente pour appréhender les réalités sociales du Xe siècle. Plus encore, elles permettent de renouveler l’approche biographique, notamment en répondant aux critiques de Pierre Bourdieu à son encontre (Bourdieu 1994). Évoquant « l’illusion biographique », ce dernier avait dénoncé, en 1986, le postulat de la linéarité et de la succession événementielle qu’implique ce type de démarche en tant que récit, dans la mesure où il vise à restituer une cohérence et à attribuer un sens « artificiel » à la vie d’un individu. Il soulignait également le manque de pertinence méthodologique qu’implique l’étude du sujet comme une entité autonome, alors que les « événements biographiques se définissent comme autant de placements et de déplacements » dans un champ social en perpétuelle recomposition (Bourdieu 1994:88). En d’autres termes, chaque événement de la vie d’un individu ne devrait être analysé qu’en fonction de l’insertion de celui-ci au sein d’un certain champ social. Or, c’est exactement ce que permet l’approche réticulaire, à condition de ne pas considérer la vie d’une individu comme un tout cohérent, mais comme un itinéraire biographique, c’est-à-dire comme une succession d’événements biographiques, ces brefs instants « figés » par la documentation qui ouvrent la possibilité d’une appréhension ponctuelle de la complexité du champ social dans lequel s’insère un homme[11].
Ma réflexion s’articulera en trois temps. Je m’attarderai tout d’abord sur les théories de l’analyse de réseaux, en réfléchissant aux problèmes qu’elles posent pour le haut Moyen Âge. Je proposerai ensuite des pistes méthodologiques pour reconstituer les réseaux sociaux à ces périodes hautes. En dernier lieu, j’exposerai l’itinéraire biographique de l’abbé de Cluny, en adoptant une grille de lecture réticulaire.
Le renouveau de l’approche biographique, l’intérêt pour les manifestations de la singularité porté par la micro-storia, ainsi que l’affirmation de la nécessité d’un « retour de l’événement » expliquent – avec un décalage de quelques années – les initiatives de traitement informatique et de représentation graphique des réseaux personnels par certains historiens, inspirés par la sociologie, dans les années 1990[12]. Ces démarches relèvent d’« analyses égocentrées », parce qu’elles partent d’un individu pour déterminer les relations qu’il entretient avec d’autres personnes (Lemercier 2005: 91-92). L’initiative en revient à certains historiens modernistes, spécialistes de la « République des Lettres », qui ont créé un logiciel nommé Arcane, conçu au départ pour éditer des correspondances, des entretiens, des mémoires et des journaux intimes ou de voyage, sources qualifiées d’ « ego-documents », c’est-à-dire des « écrits personnels qui éclairent les trajectoires individuelles »[13]. Ce logiciel est également une base de données, à la fois prosopographique et relationnelle, où plusieurs informations peuvent être renseignées dans des champs distincts, à partir de journaux intimes ou de correspondances entretenus par un individu précis[14]. Il permet ainsi de saisir l’identité des personnes rencontrées, le lieu et la date de l’interaction et le type de liens entretenus. À partir de cette saisie, le programme construit automatiquement le réseau personnel de l’individu et débouche sur une visualisation de toutes ses relations sociales en un temps et un lieu donnés, tout au moins telles qu’elles peuvent être représentées graphiquement à partir des sources traitées. Le logiciel représente aussi la nature, la réciprocité et l’intensité de ces liens sociaux par l’épaisseur et le sens des traits de flèche (Figure 1).
Figure 1. Exemple de construction automatique de réseau grâce à Arcane : les rencontres du chevalier de Corberon à Paris en janvier 1775[15]
Mener une analyse de ce type, en termes de réseaux, suppose tout d’abord de confronter certains postulats sociologiques aux problèmes propres aux médiévistes. Je proposerai ensuite des pistes méthodologiques pour reconstituer les réseaux pour le haut Moyen Âge.
Le fonctionnement général des réseaux a été éclairé par plusieurs études sociologiques que je résumerai ici pour la clarté de l’exposé[16]. On entend par « réseau » l’ensemble formé par des unités sociales (individus ou groupes) et par les liens que ces unités entretiennent les unes avec les autres, directement ou indirectement : c’est le résultat de ces liens sociaux que l’on nomme « réseau ». Le cœur de l’analyse réside ainsi dans les liens entre les unités sociales, dont il faut tenter d’apprécier, voire de quantifier la nature, la qualité et l’intensité. Par définition, un réseau est en recomposition constante, parce qu’il est construit à la fois par ce que j’appellerai désormais des « relations » qui sont souvent durables, par exemple lorsqu’elles résultent de la parenté ou d’une amitié, et par des « interactions », qui sont par définition des rencontres ponctuelle et éphémères. Un réseau apparaît donc comme la somme de liens de toutes sortes, dynamiques et mouvants, entre plusieurs personnes.
Dans les analyses structurales, le but est de déterminer en particulier, à partir de calculs, quelles sont les personnes « centrales » au sein du réseau, celles qui se retrouvent en position de pouvoir selon divers critères. On peut retenir trois types de « centralité » qui permettent de déterminer quelle est l’influence ou le prestige de quelqu’un au sein d’un ensemble de liens sociaux. La centralité de « degré » (degree) correspond au nombre de voisins immédiats d’une unité sociale, c’est-à-dire le nombre de personnes avec lesquelles un individu est directement en relation : plus un individu a de liens directs, plus il est « central ». La centralité de « proximité » (closeness) est un calcul fondé sur la « distance géodésique », c’est-à-dire sur le “chemin” qu’il faut parcourir en suivant les liens pour relier deux unités sociales : à la suite des calculs de proximité, un individu apparaît comme « central » lorsque cette distance géodésique est faible (parce qu’on n’a pas besoin de beaucoup d’intermédiaires pour l’atteindre). Enfin, la centralité d’« intermédiarité » (betweeness) repose elle aussi sur la notion de distance géodésique et confère un fort caractère « central » à une unité sociale qui se trouve fréquemment sur le “chemin” permettant de relier les individus d’un réseau (puisque l’on a besoin de passer par elle pour pouvoir atteindre d’autres unités sociales).
L’approche biographique invite à se pencher plus précisément sur la notion de réseau personnel (Degenne et Forsé 2004: 35-74 et 123-154). Je propose d’y voir l’ensemble formé par trois éléments : tout d’abord, un individu au centre de l’étude (« ego ») ; ensuite, plusieurs individus qui sont en liens directs avec lui (les « alter ») ; enfin, et surtout, les liens que ces individus entretiennent les uns avec les autres, y compris les interactions et relations qui ne dépendent pas de la personne centrale. Une telle définition du réseau personnel se démarque des démarches ego-centrées au sens strict, comme celles qui ont été réalisées grâce à Arcane, car l’analyse est construite à partir du centre qu’est « ego », mais elle vise une certaine exhaustivité dans la reconstitution des liens sociaux, en recherchant systématiquement ceux qui existent entre les « alter », et pas seulement ce qu’en dit un « ego-document »[17]. La démarche proposée ici invite donc à élargir la notion classique de « réseau personnel » pour se rapprocher davantage de la perspective du réseau complet.
Dans ce type d’analyse, l’attention peut être portée précisément sur trois éléments et faire l’objet de calculs. Le premier est la « densité » du réseau, « la proportion de liens existants par rapport aux liens possibles » (forte si les alter sont fortement reliées entre eux, indépendamment d’ego) ; le second est la « multiplexité » (multiplixity), c’est-à-dire la prise en compte de la diversité de nature des liens entre les personnes ; le dernier est la « connexité » qui qualifie un graphe où les personnes sont toutes reliées entre elles, sans laisser d’îlots isolés (Lemercier 2005a: 91-92). Comme l’a souligné Claire Lemercier, l’analyse égocentrée débouche sur la mise en évidence d’un « capital relationnel », qui peut faire l’objet d’analyses distinctes : d’une part, la comparaison du capital relationnel de plusieurs individus et, d’autre part – ce qui m’intéresse ici avec Odon –, celle du même individu à des moments différents de sa vie (Lemercier 2005a: 92).
Cette notion de capital relationnel rejoint ainsi celle de « capital social » (Ponthieux 2006), telle qu’elle a été développée par les sociologues des réseaux. Le capital social est une « ressource qui peut être accumulée et utilisée », « lorsque la réalisation d’un objectif nécessite une interaction entre individus » (Degenne et Forsé 2004: 123 et plus globalement 123-154). Ce capital social est à la fois hérité et construit, selon des stratégies d’accroissement du pouvoir (par exemple, au haut Moyen Âge, le choix d’un parrain socialement plus élevé est gage de réussite sociale pour un enfant).
L’importation, en histoire du haut Moyen Âge, de ces réflexions et techniques d’analyse sur les réseaux pose d’emblée une série de problèmes, sur différents plans. Le premier est d’ordre technique et réside dans l’imprécision des données médiévales par rapport à celles d’époques plus tardives. Les sources du Moyen Âge font en effet rarement l’objet de datations précises, en particulier pour tous les documents qui relèvent du genre narratif (pour lesquels on dispose de fourchettes chronologiques dans le meilleur des cas), mais ce problème concerne aussi les actes de la pratique (diplômes, chartes ou notices qui sont souvent datés uniquement par un règne, un épiscopat ou un abbatiat). Une telle imprécision rend difficile la reconstitution des réseaux à une date donnée et invite à réfléchir plutôt en termes de phases. Il n’y a par ailleurs pas de système anthroponymique à deux éléments avant le XIIe siècle, dans les régions les plus précoces (Bourin et Chareille 1988-95). Pour le haut Moyen Âge, l’historien est donc nécessairement confronté à des noms uniques pour lesquels le seul indice d’identification réside, pour la très haute noblesse seulement, dans la mention de titres (dux, marchio, comes, episcopus, abbas), renvoyant aux honores détenus dans une région, une cité ou un monastère. La tâche est d’autant plus ardue qu’il existe de nombreux homonymes (qui reflètent les stratégies onomastiques propres au monde nobiliaire) et que la variabilité des titres qualifiant une même personne devient courante à partir de la fin du IXe siècle (Le Jan 1995; Guyotjeannin 2002: 125 et 136-138). Bien souvent, on ne parvient donc à identifier quelqu’un que grâce à son entourage immédiat, tel que ce dernier apparaît dans les sources de la pratique, à l’issue de recoupements et de conjectures[18]. Comme pour la datation des documents, l’historien médiéviste doit par conséquent se contenter d’approximations et d’hypothèses, peu compatibles avec la rigueur qu’exigent théoriquement les analyses réticulaires. Au-delà de ces difficultés techniques, qui rendent plus complexe que pour d’autres périodes la reconstitution des réseaux, le spécialiste se heurte enfin à un problème de fond : la question de l’accès à l’individu, qui n’est véritablement possible qu’à partir du XIIIe siècle (Iogna-Prat 2005). Or, les analyses égocentrées reposent sur le postulat de la trajectoire individuelle qui, au haut Moyen Âge, n’est compréhensible qu’à travers l’insertion d’une personne au sein de milieux aristocratiques qui reposent en grande partie sur une très large parenté et que j’appellerai ici des « espaces relationnels » intermédiaires (Le Jan 1995). Il convient alors de prendre garde aux anachronismes et de considérer l’approche réticulaire, même lorsqu’elle est centrée sur « ego », comme un moyen d’appréhender – à travers une personne précise – les modalités plus globales d’insertion dans des groupements de pouvoir.
La difficulté la plus importante pour le haut médiéviste est toutefois d’ordre documentaire. De manière générale, les sources alti-médiévales n’ont pas le caractère homogène et relativement exhaustif des séries modernes ou a fortiori contemporaines. Les problèmes liés à leur transmission, volontaire (le tri opéré par les institutions elles-mêmes) et involontaire (les destructions dues aux aléas historiques), ont déjà fait l’objet de plusieurs réflexions (Esch 1985a et 1985b; Morsel 2004). Je me bornerai donc ici à mettre en évidence les conséquences de cette rareté documentaire sur les analyses de réseaux pour le haut Moyen Âge. Elle empêche tout d’abord de suivre une personne régulièrement dans les sources. Elle biaise ensuite l’approche, dans la mesure où la documentation inexistante ou perdue efface la trace des interactions sociales. Enfin, le champ d’analyse est nécessairement restreint au monde aristocratique, pratiquement le seul accessible dans la documentation. Lorsque l’on tente de reconstituer un réseau personnel pour le haut Moyen Âge, on n’entend pas restituer l’ensemble des liens sociaux d’un individu, mais l’étendue d’un système d’interconnaissance aristocratique, une donnée structurelle de la participation au pouvoir, qui se joue au sein du groupe nobiliaire.
À l’issue de cette présentation générale, quelles sont les sources susceptibles d’être exploitées pour l’analyse des réseaux sociaux au haut Moyen Âge ? Si l’on se place dans la perspective des analyses égocentrées, on ne dispose pas de véritable équivalent aux ego-documents, dans la mesure où l’individu n’a de sens que par son insertion dans la collectivité (familiale ou chrétienne). L’autobiographie chrétienne pourrait en relever, mais le genre, initié par les Confessions d’Augustin, n’est pas véritablement représenté avant le De Vita sua de Guibert de Nogent, écrit au début du XIIe siècle (L’autobiografia nel Medioevo 1998). Comme le souligne Pascale Bourgain (2002:112-113), cette longue éclipse n’exclut pas l’enchâssement de récits autobiographiques dans d’autres types documentaires (histoires, chroniques ou Vies de saints), mais ces derniers ne répondent pas à la définition moderne du genre : la mise en scène introspective de l’auteur n’y a de sens que parce qu’elle est reconnaissance de son statut de pécheur. En d’autres termes, le poids de la pensée chrétienne sur ce type de texte exclut la mention d’informations suffisamment exploitables en soi dans le cadre de l’analyse égocentrée. En revanche, le genre épistolaire est, à première vue, celui qui se rapproche le plus des ego-documents, à quelques nuances et spécificités près. Extrêmement divers, tant dans sa forme de transmission (lettres isolées, épîtres dédicatoires, recueils appelés epistolaria) que dans son contenu (conseils spirituels, mentions/commentaires d’événements, traités doctrinaux), il a connu une première vogue aux VIe-VIIe siècles, puis un regain d’intérêt à l’époque carolingienne, avant de parvenir à « un âge d’or » à la fin du Xe et tout au long du XIe siècle (Giordanengo 2002: 489). Les epistolæ du haut Moyen Âge n’exposent toutefois que rarement, aux yeux du lecteur, la sociabilité de leur auteur – contrairement aux correspondances modernes –, mais relèvent le plus souvent de l’exposé moral, destiné à être lu devant un public large, comme dans l’Antiquité. Dans ce cas, les possibilités de reconstitution de réseaux s’assèchent considérablement, puisque la seule relation identifiable est souvent celle de l’auteur et du (ou des) destinataire(s) de la lettre, à supposer que l’on connaisse le nom de ce(s) dernier(s), souvent passé à la postérité par sa seule initiale. Malgré leur pauvreté relative, les lettres médiévales constituent le type de source le plus fréquemment utilisée par les hauts médiévistes qui entendent reconstituer des réseaux, sans doute parce qu’elles permettent de postuler un lien évident et très visible entre deux personnes[19]. Il est cependant difficile de réaliser, pour le Moyen Âge, des analyses égocentrées au sens strict à partir de telles sources, parce que l’impact de la pensée chrétienne et des topoi littéraires sur la documentation rendent quasiment impossible la restitution de ce que les historiens d’époques plus tardives appréhendent comme le point de vue d’ego.
L’absence de véritables ego-documents invite alors à se tourner vers plusieurs types de sources, qu’il s’agit de croiser, en se fondant sur les méthodes éprouvées dans le champ des études prosopographiques, mais en se focalisant, dans la restitution de la biographie des personnes, sur les relations sociales de ces dernières. Pour le haut Moyen Âge, la reconstitution des réseaux dépend en fait avant tout de documents diplomatiques qui fournissent des indications extrêmement précieuses en termes réticulaires, en divers endroits de leur formulaire. L’adresse et la suscription permettent tout d’abord d’identifier l’auteur de l’acte et son destinataire (notamment grâce aux titulatures et parfois aux références à leur parenté) qui sont mis en interaction par l’existence même du document. Dans les diplômes et les bulles, intervient souvent aussi un petitor, qui demande le privilège au nom du destinataire, et qui se pose donc en intermédiaire entre les deux protagonistes principaux du document[20]. Si le préambule contient parfois des informations ponctuelles permettant la reconstitution de certains liens, le dispositif est fondamental pour spécifier le type d’interaction entre l’auteur et le destinataire du document, au moment précis de sa rédaction. En dernier lieu, la fin de l’acte est une mine d’informations précieuses, grâce à la souscription d’un ou des auteur(s), suivie de celle des membres de son entourage – parents, vassaux et amis –, c’est-à-dire de son réseau, tel qu’il se cristallise à un moment donné, généralement à l’occasion de la cérémonie publique qui accompagnait quasi-systématiquement les dons aux institutions monastiques et auxquelles assistaient l’ensemble des souscripteurs. En définitive, les documents diplomatiques permettent de distinguer deux catégories de liens dont la portée diffère : d’une part, ceux qui sont révélés par les sources (les mentions des liens de parenté, de vassalité ou d’amitié) ; d’autre part, ceux qui sont créés par l’événement qui donne naissance aux sources, en tant que traces (les interactions donateur-bénéficiaires, entre les témoins de l’acte ou avec le scribe). Pour l’époque qui nous occupe, le problème est que beaucoup d’actes nous sont parvenus grâce à des copies effectuées par des érudits de l’époque moderne qui ne se sont parfois intéressés qu’au cœur de l’acte, n’en reproduisant que la suscription et le dispositif et coupant largement le préambule et les souscriptions[21]. En raison des modalités de transmission diverses des documents, les corpus diplomatiques susceptibles d’être constitués pour l’analyse réticulaire sont donc – presque nécessairement – non homogènes, et par conséquent susceptibles de biaiser les résultats. On pourrait par exemple déduire de manière erronée l’existence de réseaux plus denses autour de certains grands aristocrates, en les comparant à d’autres qui ne sont documentés que par des sources tronquées au niveau des souscriptions.
La documentation diplomatique, fondamentale pour une approche des réseaux au haut Moyen Âge, peut être également croisée avec des textes narratifs, notamment ceux qui relèvent du genre historique (annales, chroniques, Historia ou Gesta). Leur rédaction s’explique toutefois par des enjeux mémoriels qui transforment la réalité historique, parfois plusieurs siècles après les faits relatés. Amy Remensnyder a ainsi montré la dimension à la fois inauthentique et légitimante des mentions de protection de certains monastères par les souverains carolingiens, qui ne peuvent donc être exploitées dans une perspective de reconstitution des réseaux sociaux à haute époque (Remensnyder 1996; Chastang 2001:137-139). La difficulté se pose avec une acuité plus grande encore dans le cadre de l’exploitation des sources hagiographiques dont Michel de Certeau a souligné, dans les années 1970, les difficultés d’utilisation dans une perspective historique (de Certeau 2002). Outre le fait que la rédaction de ce type de sources s’explique bien souvent par la même perspective mémorielle que celle qui sous-tend beaucoup de textes historiques, elle obéit également aux lois de son genre, notamment à une topique forte qui coule la vie d’une personne jugée exceptionnelle dans une succession de passages obligés, reprise de grands modèles hagiographiques. Arsenio Frugoni et Jacques Le Goff ont d’ailleurs bien montré le caractère partial et partiel des données biographiques contenues dans les récits historiques médiévaux et les Vies de saints et ont plaidé en faveur de leur étude à travers une analyse de leur milieu de rédaction (Frugoni 1993; Le Goff 1996: 311-522). Si cette approche critique a bien été menée, les données des textes hagiographiques peuvent être utiles, voire indispensables, à la reconstitution des réseaux de pouvoir au haut Moyen Âge, notamment pour identifier le milieu d’origine ou la parenté d’une personne. Il en est de même des préfaces ou lettres dédicatoires de certaines œuvres, notamment théologiques, qui permettent souvent de restituer des liens, parfois bien datés, entre un auteur et le commanditaire de l’ouvrage.
En raison de la rareté, de la valeur et de la transmission aléatoire des sources, toute approche réticulaire au haut Moyen Âge repose donc nécessairement sur le croisement de documents de nature diverse. Le médiéviste est alors contraint d’emprunter aux techniques prosopographiques, puisqu’il est quasiment impossible de s’appuyer sur des séries documentaires.
Le réseau personnel d’Odon de Cluny a pu être reconstitué grâce à un très riche dossier documentaire pour le Xe siècle, composé de trois types de sources : de nombreux actes diplomatiques qui émanent de différentes institutions ; la production littéraire d’Odon, qui est elle-même inscrite dans les réseaux de pouvoir, grâce à l’identification des destinataires de ses œuvres ; enfin, des textes narratifs, écrits entre le Xe siècle et l’époque moderne, qui évoquent Odon, sa biographie et ses activités réformatrices et qui ont été analysés au préalable pour en critiquer la dimension mémorielle. L’une de ces sources narratives occupe une place de premier plan dans l’analyse : la Vita Odonis, un texte hagiographique consacré à Odon qui a été rédigé peu de temps après sa mort, sans doute vers 943, par l’un de ses disciples, Jean de Salerne[22].
À partir de ce corpus, il a fallu mettre au point une base de données des liens d’Odon avec l’aristocratie de son époque. Chaque attestation de relation ou d’interaction entre deux personnes fait l’objet d’une entrée dans un tableau réalisé au format Excel (Table 1). La base de données fonctionne ainsi comme un répertoire de liens entre deux personnes précises (« Nom 1 » et « Nom 2 »). Ces liens sont datés précisément (« Date de début » et « Date de fin »), caractérisés par leur nature (« Type de lien ») et leur source est indiquée. La constitution de la base s’est déroulée en deux phases, en partant d’abord des documents où Odon apparaît. La saisie a ensuite été élargie aux sources où l’abbé de Cluny est absent, mais où sont attestées des personnes qui sont en contact direct avec lui, dans le but d’identifier des milieux où se trouvent des intermédiaires potentiels qui lui permettent d’avoir accès à de nouveaux espaces relationnels.
Table 1. Aperçu de la base de données relationnelle d'Odon de Cluny au format Excel
Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser certains postulats méthodologiques concernant les différentes rubriques. Une attention particulière a tout d’abord été accordée à la différenciation des types de liens que peuvent entretenir deux personnes, afin de souligner la multiplexité du réseau d’Odon. Certains d’entre eux sont des « relations » qui relèvent de la parenté, une notion très englobante au haut Moyen Âge et qui prend essentiellement deux formes, elles-mêmes plurielles[23]. Elle recouvre d’abord la parenté charnelle, c’est-à-dire la filiation par le sang (consanguinitas), élargie à l’affinité qui découle des alliances matrimoniales[24]. Elle correspond ensuite à la parenté spirituelle, dans laquelle ont été regroupées quatre relations distinctes : la proximité découlant des pratiques de fosterage (l’apprentissage guerrier des jeunes nobles auprès d’un aristocrate plus âgé, le nutritor) ; la fraternitas tissée au sein des communautés spirituelles (moines et chanoines) ou entre elles (la confraternité) ; la paternitas entre un supérieur ecclésiastique (évêque ou abbé) et ses ouailles, entre un maître et son disciple, dans le cadre d’un enseignement, ou entre un supérieur monastique et son auxiliaire, le co-abbé ; enfin, l’amicitia, relation horizontale qui est parfois clairement affirmée dans les sources. D’autres liens, correspondant également à des relations, relèvent de la fidélité qui unit un suzerain à son vassal. Dans la première moitié du Xe siècle, cette dernière fait l’objet d’âpres négociations au sein du groupe aristocratique[25]. Une troisième catégorie de liens correspond à l’opposition de deux personnes, que celle-ci prenne la forme d’une véritable guerre ou d’un conflit de propriété (comme cela arrive souvent autour des monastères). Ces relations conflictuelles constituent des facteurs d’explication des reconfigurations brutales du réseau d’Odon, parfois contraint de “couper les ponts” avec certains milieux – notamment celui des papes ou des rois –, entraînés dans des logiques d’affrontements aristocratiques. De manière peut-être paradoxale, ces liens d’opposition peuvent expliquer aussi, à plus ou moins long terme, un renforcement des relations entre les protagonistes, puisque, à cette époque, le conflit vaut surtout parce que sa résolution permet une renégociation des liens entre les personnes, ainsi qu’une réaffirmation de la place respective de chacun dans la hiérarchie sociale[26]. Un dernier ensemble de liens regroupe toutes les actions ponctuelles, ce que j’ai qualifié plus haut d’« interaction », qui donnent lieu à la rédaction d’un document, souvent diplomatique, dont on peut évoquer les formes les plus fréquentes : souscription d’une même charte, donation, réforme monastique, concession/réception d’un privilège, alliance[27]. En dépit de sa dimension floue et plurielle, ce type de lien est fondamental, dans la mesure où, étant clairement majoritaire dans la base de données, il permet de cerner au plus près, notamment sur le plan chronologique, les recompositions réticulaires.
Cette différenciation des liens va de pair avec leur datation, donnée fondamentale pour parvenir à comprendre comment se recompose dans le temps le réseau d’Odon. La question de leur durée (avec un « début » et une « fin ») pose plus largement le problème de la pérennité des relations sociales et a entraîné des choix qui pourront peut-être sembler arbitraires. J’ai considéré que les interactions découlant d’actions ponctuelles étaient éphémères, en leur attribuant une durée d’un an, la plus petite unité dans les analyses de réseaux. Les relations de fidélité ont également été datées, avec des durées extrêmement variables : elles se situent entre le moment où un vassal accepte ou est contraint de prêter hommage à son suzerain et la mort ou (plus rarement) le parjure de l’un des protagonistes ; le même raisonnement a été suivi pour les conflits. Enfin, les relations de parenté charnelle ont été considérées comme les plus pérennes, de la naissance d’une personne à la mort, de lui-même ou de son parent ; du côté de la parenté spirituelle et du mariage, si la fin du lien est identique à celle de la parenté charnelle, le début est instauré par l’une des pratiques évoquées plus haut (amicitia, fraternitas, fosterage, paternitas et union conjugale). Au total, la durée attribuée à ces liens met en évidence le fait qu’ils n’ont pas tous la même portée sociale. C’est la parenté qui constitue la donnée la plus structurante, mais elle n’est pas forcément permanente. Elle est en effet construite au gré des alliances, mais peut aussi déboucher sur des conflits qui rompent, temporairement ou définitivement, les interactions éventuelles entre les personnes. Elle n’est en outre pas nécessairement matérialisée par des interactions concrètes. Elle joue ainsi le rôle d’une sorte de matrice du réseau, c’est-à-dire qu’elle offre un panel de relations et d’interactions potentielles entre différentes personnes, mais qui ne sont pas forcément activées.
Enfin, les liens sont orientés, de « Nom 1 » vers « Nom 2 ». Certaines relations ou interactions sont en effet dissymétriques, en instaurant de fait une hiérarchie entre les deux protagonistes (vassalité) ou en différenciant la personne qui octroie ou envoie (donation, réforme, privilège, rôle de petitor, consentement, dédicace, ambassade) de celle qui reçoit (bénéficiaire d’un/une privilège/donation/réforme, destinataire d’une ambassade ou d’une œuvre littéraire, exécuteur testamentaire). Pour ces liens orientés, le « nom 1 » a été considéré comme la personne hiérarchiquement plus élevée ou à l’origine de l’interaction ponctuelle, tandis que le « nom 2 » désigne celui qui est socialement moins élevé ou le destinataire d’un acte précis. Cette orientation des liens peut sembler problématique, dans la mesure où, au haut Moyen Âge, la société fonctionne grosso modo selon le principe du don-échange : un serment de fidélité prêté par un vassal à son suzerain n’a de sens que parce qu’il entraîne la remise d’une terre au premier par le second ; de même, octroyer un bien à une communauté cénobitique doit se concrétiser en retour par des prières monastiques en faveur de l’âme des donateurs[28]. Il me semble toutefois que l’orientation des liens peut être riche d’enseignements pour certaines configurations réticulaires, même s’il convient sans doute de garder à l’esprit que tout lien orienté engendre systématiquement – mais sans qu’on en conserve la trace documentaire – un lien en retour.
Par voie de conséquence, tous les liens qui restent ne sont pas orientés, ou plus exactement ils ont été doublés dans la base de données, avec une inversion des protagonistes, pour créer une relation symétrique[29]. J’ai ainsi considéré comme tels tous les liens relevant d’une large parenté, à l’exception de l’enseignement et du co-abbatiat qui créent de fait une relation hiérarchique. De même, ont été définies comme symétriques les interactions résultant d’une alliance, de la conclusion d’une paix, d’un conflit, d’assistance simultanée à une assemblée, de présidence d’une assemblée de justice, de deux petitores ensemble ou de souscription conjointe d’un document (charte ou notice de plaid).
À l’issue de ce travail d’inventaire, on aboutit à une somme d’interactions entre des personnes, qu’il s’agit de coder afin de l’exploiter sous la forme de graphes et de la soumettre à des calculs simples, grâce au logiciel Netdraw. Le codage des données a été fait au préalable sous format Excel, en commençant par une feuille concernant les personnes (les « nœuds », en anglais nodes) et leurs attributs (Table 2): pour chaque nœud, identifié par son nom, on a distingué d’une part la fonction sociale exercée (moine, laïc, roi, évêque, chanoine, pape) et d’autre part le groupe (ou milieu) aristocratique élargi auquel appartient la personne (Robertiens, Guilhemides, Bosonides, Théophylactes, Rodolphiens, Richardides et autre)[30].
Table 2. Codage des nœuds
Donner de tels attributs peut sembler problématique, parce qu’ils figent l’identité des personnes et ne tiennent pas compte des changements de statut ou du passage dans un autre groupe aristocratique, à l’occasion d’un mariage par exemple. Bien qu’il soit possible, sur le plan technique, d’intégrer ces évolutions, elles n’ont pas été prises en compte ici parce que, du fait des homonymies fréquentes, elles rendent plus complexe encore la lisibilité et l’interprétation des graphes[31]. Du point de vue du statut, j’ai ainsi considéré la situation finale de chaque individu, même s’ils sont presque tous passés par au moins deux états différents – et plus, dans le cas des carrières ecclésiastiques –, tandis que j’ai saisi le groupe aristocratique initial, c’est-à-dire le milieu d’origine. Ces deux types d’attributs ont pu être codés sous Netdraw pour apparaître visuellement dans les graphes. Les statuts ont été représentés par des formes : losange pour les moines, cercle pour les chanoines, carré pour les laïcs, cercle dans un carré pour les rois, triangle pour les évêques et triangle inversé pour les papes. Les groupes familiaux ont été représentés par des couleurs : Robertiens en rouge, Guilhemides en vert, Bosonides en jaune, Théophylactes en orange, Rodolphiens en bleu clair, Richardides en mauve, autres (c’est-à-dire inconnus) en noir.
Les liens (links en anglais) entre les nœuds ont été codés dans une deuxième feuille, toujours au format Excel, à partir des quatre catégories de relations et interactions évoquées plus haut (figure Table 3. )[32]. Il convient de souligner qu’une catégorie « parenté+autre » a été ajoutée pour quelques rares cas où une relation familiale et une interaction se superposent la même année. En définitive, les liens redondants sont très rares lorsque l’on tient compte à la fois de leur durée et de leur type : le total des liens par année (indiqué par la colonne « total intensité » qui résulte de l’addition des différents types d’interactions et relations par an) est ainsi presque toujours de valeur 1. Cette valuation des liens, c’est-à-dire le fait d’attribuer une valeur numérique à chaque lien entre deux personnes, est fondamentale pour la représentation graphique du réseau, afin de cerner la proximité relationnelle entre les nœuds.
Table 3. Codage des liens
Comme pour les nœuds, l’orientation, la multiplexité et la valuation des liens apparaissent visuellement dans les graphes construits grâce à Netdraw. Les interactions et relations sont représentées sous la forme de flèches, à sens unique si les liens sont strictement orientés ou à double sens s’il s’agit d’une relation réciproque. La nature du lien est indiquée par la couleur des traits : en vert, les relations de parenté (charnelle ou spirituelle) ; en rouge, les relations de fidélité ; en bleu, les guerres ou conflits ; en noir, les liens ponctuels résultant d’une interaction. Dans certains cas, des traits de différentes couleurs se superposent, indiquant la multiplexité des liens qu’une personne entretient avec une autre. Enfin la valuation des liens, en termes d’intensité des relations et des interactions entre deux nœuds, est représentée par l’épaisseur du trait[33]. Les données peuvent à présent être utilisées sous Netdraw, après avoir procédé à l’enregistrement des différents attributs de liens et de nœuds évoqués précédemment[34].
Le graphe général a été construit à partir de toutes les relations et interactions d’Odon et celles de ses alter, entre 879, année de sa naissance, et 942, moment de sa mort (figure 2)[35]. Il tient compte de la valuation, de la multiplexité et de l’orientation des liens, avec un placement des nœuds fondé sur l’algorithme spring embedding, qui les situe en fonction de leur position dans le réseau et non de leur statut ou de leur groupe aristocratique[36].
Figure 2. Graphe général du réseau d’Odon de Cluny (879-942)
Ce premier graphe est difficilement lisible, mais on peut tout de même souligner que les ensembles aristocratiques (distingués par des couleurs) semblent fortement reliés entre eux par des liens ponctuels, quelle que soit la fonction des personnes interconnectées (distinguée par les formes). Cela signifie que les réseaux se concrétisent d’abord entre personnes appartenant à un même entourage nobiliaire, composé indifféremment de laïcs et de clercs. On remarque aussi que le réseau d’Odon est beaucoup moins dense sur la droite, que les quelques liens que l’on y repère relèvent essentiellement de la parenté et que les nœuds appartiennent aux milieux rodolphien, bosonide et théophylacte. Cette faible densité s’explique de trois manières. Sur le plan documentaire tout d’abord, on ne dispose d’aucune charte, ou presque, pour les Théophylactes, tandis que les corpus sont restreints pour les premiers Rodolphiens. Ces neuf nœuds périphériques représentent en outre, pour quatre d’entre eux, des femmes (« Nièce d’Hugues d’Arles », Berthe, Alda et Marozia). Cela ne signifie pas que le rôle des femmes dans les réseaux n’est pas important (bien au contraire, ce sont elles qui permettent en particulier d’étendre les parentèles par les mariages), mais elles apparaissent beaucoup plus rarement que les hommes dans les actes de la pratique. Cette donnée structurelle n’empêche pas certaines femmes de jouer un rôle important dans le réseau d’Odon, notamment lorsqu’elles sont reines ou comtesses et qu’elles sont étroitement associées au pouvoir et aux décisions de leur mari (la robertienne Emma, épouse de Raoul de Bourgogne, la bosonide Ingilberge, épouse du duc d’Aquitaine Guillaume) et quand elles sont veuves, notamment dans les cas de régence (la bosonide Ermengarde, veuve de Boson et mère du futur roi de Provence Louis l’Aveugle, la rodolphienne Adélaïde, veuve de Richard le Justicier)[37]. En dernier lieu, ces nœuds ont été actifs principalement dans les périphéries géographiques de l’itinéraire biographique d’Odon, qui a mené la majeure partie de son existence dans le royaume des Francs de l’Ouest : l’Italie[38], où l’abbé de Cluny se rend ponctuellement à partir de 927 et, surtout, le royaume de Bourgogne jurane dans lequel il ne semble avoir été qu’une fois.
Les différents types de liens dessinent des structures réticulaires différentes. Ainsi, les relations de parenté (Figure 3) forment sept cercles de nœuds non reliés entre eux. En écartant les ensembles formés par moins de quatre personnes, on aboutit à deux graphes isolés. Le premier (à droite) est composé essentiellement de laïcs appartenant à des parentèles distinctes, mais qui ont contracté des mariages pour étendre leur groupe familial d’origine. Le deuxième graphe (à gauche), au centre duquel se trouve Odon de Cluny, est beaucoup plus éclectique. Ses membres viennent en effet de tous les milieux aristocratiques (à l’exception des Théophylactes), ce qui indique qu’Odon a tissé, au cours de son existence, des liens privilégiés, qui l’engagent particulièrement et réciproquement avec les représentants des principales familles nobiliaires de la première moitié du Xe siècle. En outre, les personnes qui y participent sont majoritairement des hommes d’Église, moines (losanges) ou évêques (triangle). Enfin, ce cercle est uni avant tout par des liens de parenté spirituelle, notamment entre Odon et d’autres moines ou clercs, ce qui explique sa forme étoilée.
Figure 3. Les liens familiaux structurant le réseau « odonien »
Si l’on tient compte à présent des liens de parenté et de fidélité, on aboutit à un tout autre graphe (Figure 4). Ce dernier compte davantage de nœuds (même si tous n’y sont pas présents), il est connexe, puisqu’il se compose désormais d’un seul ensemble[39]. En d’autres termes, ce sont les liens de vassalité qui permettent l’articulation entre différents groupes de parents et l’agrégation de quelques nœuds supplémentaires. Certaines personnes jouent ainsi le rôle de « points d’articulation » (Cutpoints), c’est-à-dire que, sans leur existence, le réseau perdrait de sa connexité. Il s’agit plus précisément d’Odon, Guillaume le Pieux, son épouse Ingilberge, l’abbé Bernon, Hugues le Grand, Guillaume Tête d’Étoupe, Raoul de Bourgogne, Hugues d’Arles et du comte Thibert. À l’exception de ce dernier, nous allons voir que tous jouent un rôle majeur en tant qu’auxiliaires d’Odon de Cluny.
Figure 4. Les liens de parenté et de fidélité structurant le réseau « odonien »
Même s’ils permettent de mettre en évidence certains traits structurels du fonctionnement de la société aristocratique au Xe siècle, ces graphes globaux sont toutefois inexacts car ils ne tiennent pas compte de la diachronie. Ils “gomment” le caractère mouvant des alliances et surtout la construction et la déconstruction progressive de la toile de relations. Il convient donc d’analyser l’itinéraire biographique d’Odon dans une perspective réticulaire, en le décomposant dans le temps. La datation précise des liens, prise en compte dans le codage des données, permet de cerner au plus près comment évolue le réseau égocentré d’Odon année après année, en mettant en évidence la transformation des graphes au fil du temps.
Chaque année a fait l’objet d’une « relation » (c’est-à-dire, en langage Netdraw, d’une configuration réticulaire spécifique), puis d’un graphe particulier, sans que le positionnement des nœuds ne soit modifié, ce qui compromettrait la lisibilité de l’évolution dynamique des liens[40]. Précisons que les différents nœuds ont été situés de manière relativement arbitraire, mais ils reflètent, grosso modo, l’implantation géographique des grandes familles aristocratiques, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre : les Robertiens qui contrôlent l’Ouest du royaume de France (placés en haut à gauche), les Guilhemides situés en Aquitaine (en bas à gauche), les Bosonides en Provence (en bas, en position centrale), les Théophylactes dans la région de Rome (en bas à droite), les Rodolphiens dans le royaume de Bourgogne, en Suisse actuelle (au centre, à droite), enfin, les Richardides, dans le duché de Bourgogne qui correspond à la région Bourgogne actuelle (en haut à droite). Sur le plan géographique, le réseau d’Odon s’étend donc globalement de la Loire à la région romaine. J’ai tenté en vain de trouver un moyen de représenter les lieux où sont contractées les interactions, tout au moins celles qui ont un caractère ponctuel. Dans ce cas-là, le problème réside dans la mobilité constante des hommes qui nuirait à la lisibilité des graphes et à la prise en compte de leur évolution. Pour des recherches ultérieures, il conviendra de réfléchir plus clairement à cette question et à la nécessité de représenter graphiquement le déplacement géographique comme composante à part entière de l’interaction, dans la mesure où un lien entre voisins n’a pas le même sens social que celui qui nécessite, pour sa mise en œuvre, un long voyage[41].
À
l’issue de ce travail, on dispose donc de 63 graphes annuels, de 879 à 942.
Pour chaque graphe, les nœuds qui n’étaient pas reliés aux autres ont été
supprimés de la représentation, grâce à la fonction « Pen »,
pour ne pas nuire à sa lisibilité. Le but a été ensuite de mettre ces graphes
les uns à la suite des autres et de les animer, pour parvenir à cerner des
évolutions réticulaires. La solution la plus simple a été de passer par le
logiciel Powerpoint, en consacrant une diapositive à chaque année de la
vie d’Odon[42].
Le résultat est une sorte de petit “film”, animé grâce à la fonction
« Transition » du logiciel qui fait se succéder automatiquement les
diapositives les unes après les autres[43].
On a ainsi un aperçu de la reconfiguration, année après année, des réseaux
aristocratiques au centre desquels se trouve Odon de Cluny.
Au-delà de sa dimension expérimentale, ce “film” a, pour les analyses de réseaux, un intérêt immédiat : il permet de mettre en évidence des phases dans la vie d’Odon. Ces dernières correspondent à de fortes reconfigurations de ses pratiques relationnelles qui s’expliquent essentiellement par trois facteurs. Les liens de l’abbé de Cluny avec l’aristocratie se modifient avant tout lors des grandes ruptures qui ponctuent sa vie, notamment en termes de changement de statut. Par exemple, passer de la situation de chanoine cathédral à celle de moine dans les années 908-910 se traduit pour Odon par une nette réorchestration de ses pratiques relationnelles, des milieux aristocratiques robertiens vers ceux des Guilhemides. Ce type de reconfiguration est en outre accentué par le fait que ces changements statutaires s’accompagnent très souvent de déplacements géographiques à une large échelle : lorsque Odon abandonne sa profession canoniale pour devenir moine, il quitte à cette occasion la Touraine pour la Bourgogne. Un troisième facteur de reconfiguration est extérieur à la biographie d’Odon, puisqu’il s’agit du décès d’un ou de plusieurs membres majeurs de son réseau personnel, disparition qui coïncide avec ou déclenche parfois un changement de son statut. C’est le cas en 926-927, au moment de la mort du prédécesseur d’Odon à Cluny, l’abbé Bernon, qui lui permet de devenir le supérieur unique de l’abbaye. En revanche, en 936, la forte reconfiguration des relations et interactions sociales semble essentiellement due aux décès quasi simultanés de plusieurs “piliers” du réseau de l’abbé de Cluny.
Au total, quatre phases ont été identifiées. Tout d’abord, le moment de l’héritage et de la première mise en œuvre du capital social, de la naissance d’Odon, vers 879, à son arrivée en Bourgogne comme moine, vers 908-910. Ensuite, la poursuite de la construction des liens sociaux, dans un nouvel environnement cénobitique, de 909 à 926. En troisième lieu, l’accès aux fonctions de pouvoir abbatial, qui reste marqué par l’héritage familial, entre 927 et 936. Enfin, l’extension maximale du capital social initial, de 936 à 942.
Lors de la première phase de sa vie, le réseau personnel d’Odon, est peu étoffé, mais on constate qu’il est assez rapidement relié à divers groupes aristocratiques, représentés par les différentes couleurs (Figure 5). Avant d’entrer dans le détail de la genèse de ce réseau au cours de cette première période, on peut en souligner certaines caractéristiques, grâce aux fonctions et calculs que permet le logiciel Netdraw.
Figure 5. Réseau d’Odon de Cluny de 879 à 908
On constate d’emblée, qu’à l’exception des Théophylactes, le réseau d’Odon est connexe dans cette première phase, c’est-à-dire que les personnes qui y participent sont toutes reliées entre elles (Figure 5). Cette connexité résulte avant tout de liens structurant des espaces relationnels, que l’on nomme des « cliques » (c’est-à-dire des groupes qui présentent une connectivité forte entre leurs membres) et qui recoupent grosso modo ici l’appartenance aux milieux aristocratiques. Netdraw a permis de repérer trois personnes qui, dans cette première phase, permettent la connexité du réseau et jouent le rôle de passerelle entre des milieux nobiliaires fortement reliés entre eux : le duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux, le roi des Francs Robert et enfin Odon. Sans ces Cutpoints, les groupes aristocratiques seraient beaucoup plus isolés les uns des autres.
Netdraw permet par ailleurs de cerner quelles sont les personnes « centrales » au cours de cette première phase de genèse du réseau « odonien ». Même si ce type de démarche doit plutôt être réservé aux analyses structurales de réseaux, les calculs donnent un ordre de grandeur du pouvoir relationnel de certaines personnes avec lesquelles le futur abbé de Cluny tisse des liens, comme une idée de la physionomie générale des relations aristocratiques[44]. La personne la plus « centrale » au cours de cette période – dans cette première strate du réseau “odonien” élargi – est très clairement le duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux qui, quel que soit le calcul, se trouve toujours devant les autres unités sociales. Ensuite, les positions de centralité varient davantage, mais on peut noter trois constantes. De manière très générale d’abord, on note la forte centralité des grands laïcs, beaucoup plus importante que celle des moines et a fortiori des clercs, ce qui signifie que les interactions et les relations sociales sont orchestrées par eux et autour de leur personne. On remarque par ailleurs que ces aristocrates qui polarisent les liens cumulent généralement les trois facteurs de centralité, c’est-à-dire qu’ils apparaissent à la fois comme les personnes qui ont le plus grand nombre de voisins directs, comme ceux qui ont le moins besoin d’intermédiaires pour atteindre d’autres unités sociales et comme ceux qui se posent comme intermédiaires obligatoires pour les autres membres du réseau. Au cours de cette première phase, on observe enfin une nette surreprésentation du groupe robertien parmi les individus centraux du réseau d’Odon.
Netdraw permet en dernier lieu d’analyser la structuration du réseau personnel d’Odon, en mettant en évidence des cercles de personnes, plus ou moins proches de lui : le premier correspond aux hommes avec lesquels il est directement relié, le second à ceux pour lesquels il a besoin d’un intermédiaire, le troisième à ceux pour lesquels les intermédiaires ont besoin d’un intermédiaire, etc[45]. C’est l’analyse du premier cercle, les voisins directs, qui permet de cerner les fondements de la puissance relationnelle d’Odon (Figure 6). Au cours de cette phase, le futur abbé de Cluny n’a que six voisins directs, avec lesquels il entretient en priorité des liens de parenté, au sens large : son père, Abbon ; les deux aristocrates auquel il est confié successivement, Foulque le Roux puis Guillaume le Pieux ; son maître intellectuel, Remi d’Auxerre; Théotolon, chanoine en même temps que lui à Tours ; enfin, Bernon, son abbé en Bourgogne. Ce sont ces personnes qui permettent ensuite à Odon d’accéder à d’autres aristocrates. Examinons à présent comment s’est formé ce premier cercle relationnel.
Figure 6. Premier cercle du réseau «odonien» en 879-908/910
La première phase dans la construction du capital social d’Odon est un héritage familial, puisque son père, un juriste tourangeau nommé Abbon, participe directement à deux groupes aristocratiques.
Figure 7. Le capital social : Réseaux d’Odon de 879 à 897
Le premier est robertien, exerce son autorité en Neustrie et Abbon y participe directement comme le montre le graphe Figure 7. Ce milieu est fortement polarisé autour de deux personnes, dont la centralité est forte : Eudes, roi des Francs (888-898), puis son frère, le duc Robert, futur souverain (922-923). Il est en outre plus ou moins spatialisé en Touraine et réunit des fidèles des Robertiens autour du centre symbolique de la Neustrie : Saint-Martin de Tours.
L’insertion d’Odon dans ce milieu est marquée par le nom même du futur abbé de Cluny, qui fait partie du patrimoine onomastique de la famille robertienne (Le Jan 2001e: 228). Son ancrage y est ensuite renforcé, à la fin des années 880, par des liens plus directs et personnels. Selon la Vita Odonis, Odon est en effet confié, en tant que nutritus, au futur comte d’Angers, Foulque le Roux (cf. Werner 2004 et 1997; Settipani 1997), un fidèle des Robertiens, pour recevoir une première éducation laïque[46]. Or, ce type d’apprentissage créait des liens proches de la parenté spirituelle entre le nutritus et son nutritor (Le Jan1993: 222-223 et surtout Guerreau-Jalabert 1999). Foulques le Roux apparaît d’ailleurs comme l’un des pôles de l’espace relationnel robertien, situation qui se perpétue jusqu’aux années 920, ce qui en fait une figure montante dans la noblesse neustrienne[47]. Cet élément explique qu’Abbon lui ait confié son fils, un gage de grande carrière aristocratique. Inversement, le fait que Foulque le Roux ait accepté de s’occuper de l’éducation d’Odon, alors qu’il était sans doute sollicité de tous côtés en raison de sa position sociale stratégique, permet de préciser que la famille du futur abbé de Cluny appartenait probablement à une noblesse intermédiaire : elle n’était pas assez élevée socialement pour permettre à Odon d’être confié directement aux Robertiens, mais l’autorisa quand même à intégrer la suite de l’un de leurs vassaux directs.
Odon est également introduit dans le groupe des Guilhemides par son père qui était, selon la Vita Odonis, un proche du duc d’Aquitaine, Guillaume le Pieux (VO, I 5, col. 45 D-46 B). Comme avec Foulque le Roux, Abbon confie son fils comme nutritus au duc d’Aquitaine vers 896-898 (VO, I 3, col. 45 B et I 8, col. 47 A). Il existe donc également un lien direct, proche de la parenté spirituelle, entre Odon et Guillaume. Ce passage par la cour guilhemide est fondamental, parce qu’il met Odon directement en relation avec l’un des princes territoriaux les plus puissants de Francie occidentale, comme l’attestent les calculs de centralité évoqués précédemment[48].
Les liens sociaux organisés autour de Guillaume sont importants car ils permettent vraisemblablement au jeune Odon d’accéder à un autre espace relationnel, celui des Bosonides de Provence. Le duc d’Aquitaine détient en effet un rôle d’intermédiaire majeur, ou plutôt de Cutpoint, notamment à partir des années 890 (soit au moment même où Odon est son nutritus), quand il épouse la fille de Boson, Ingilberge[49]. Le groupe bosonide est polarisé par Ermengarde, veuve de Boson, et surtout par son fils Louis l’Aveugle. Au cours des années 890, les membres de ce groupe familial tissent en outre des liens relativement denses avec un certain Bernon, abbé du monastère de Gigny dans le Jura. Parallèlement, ce dernier est en contact avec deux autres espaces relationnels : d’une part, celui du roi de Bourgogne Jurane, Rodophe Ier, alliés par des liens de parenté avec la famille des Richardides ; d’autre part, les milieux pontificaux romains, représentés par le pape Formose.
Ce double capital social initial, robertien et guilhemide, se trouve ensuite concrétisé dans une carrière ecclésiastique en deux temps. Entre 898 et 908 environ, Odon est d’abord chanoine à Saint-Martin de Tours, dont les Robertiens sont abbés laïques (Werner 1997: 26-30). Cette première conversion est liée à Foulque le Roux, dont l’influence directe est bien soulignée par la Vita Odonis (VO, I 9, col. 47 C). Cela signifie que l’une des stratégies réticulaires du père d’Odon, qui avait choisi ce nutritor pour son fils, trouve là une concrétisation. L’entrée d’Odon dans la communauté canoniale martinienne renforce en outre ses relations avec le milieu robertien. Elle permet en effet la création de nouveaux liens de parenté spirituelle avec ses coreligionnaires, notamment avec un certain Théotolon, qui devient ensuite archevêque de Tours[50]. L’expérience canoniale d’Odon est également marquée par sa formation intellectuelle auprès de Remi, ancien maître de Saint-Germain d’Auxerre qui enseignait alors à Paris, cité contrôlée par les Robertiens, ce qui laisse présumer leur influence dans le lieu d’instruction du futur abbé de Cluny. L’enseignement de Remi a probablement élargi les relations d’Odon avec d’autres élèves, notamment avec Guillaume, qui devient par la suite archevêque de Sens[51].
À l’âge de 30 ans, vers 908-909, la carrière ecclésiastique d’Odon prend un nouveau tournant, avec sa conversion comme moine auprès de Bernon, l’abbé de Gigny évoqué plus haut (VO, I 22, col. 53 B-C). Le choix de Bernon a sans doute été déterminé par le milieu guilhemide, via les Bosonides. Il s’agit d’une nouvelle concrétisation du capital social hérité de son père qui débouche cette fois sur un nouvel espace relationnel auquel Odon était vraisemblablement étranger.
On peut tirer trois enseignements de cette première période, fondamentale en termes de genèse du réseau “odonien”. Tout d’abord, d’un point de vue documentaire, cette première phase serait totalement insaisissable sans la Vita Odonis. Cette source narrative est en effet indispensable pour identifier le milieu d’origine de l’abbé de Cluny, tout comme ses liens avec ses deux nutritores, si déterminants dans la suite de sa vie. Pour en revenir à l’analyse de réseaux, on peut en outre souligner qu’au cours de cette première phase d’étoffement de l’héritage familial jusqu’en 898, Odon se relie plus intensément au groupe robertien qu’à celui des Guilhemides, dans le sens où il entretient davantage de liens avec le premier milieu, dont la densité est plus importante. Toutefois, en termes de proximité, il est en interaction directe et privilégiée avec le centre du groupe guilhemide, Guillaume le Pieux, tandis qu’il a besoin d’au moins un intermédiaire (son père ou Foulque) pour accéder à l’un des pôles du groupe robertien. En dernier lieu, si l’on s’attache aux différents cercles (selon la distance géodésique) qui composent le réseau personnel du futur abbé de Cluny, on ne peut que remarquer la puissance relationnelle des six personnes avec lesquelles Odon est en relation directe : grâce à elles, Odon peut entrer en contact – en comptant seulement sur un voire deux intermédiaires – avec les principaux milieux aristocratiques de la fin du IXe et de la première moitié du Xe siècle. L’arrivée d’Odon auprès de Bernon constitue dès lors la première rupture importante dans son itinéraire biographique, dans le sens où elle le réoriente vers des espaces relationnels plus méridionaux.
Dès son arrivée en Bourgogne, le réseau d’Odon s’étoffe clairement, notamment à partir de sa direction abbatiale du monastère de Cluny, dès 926, date qui clôt cette deuxième phase de sa vie. Cette dernière est marquée par un basculement méridional du réseau d’Odon par rapport aux années précédentes et par un étiage de ses relations avec les Robertiens.
Figure 8. Réseau d’Odon de Cluny de 908/910 à 926.
La première impression, frappante par rapport au graphe de la première phase, réside dans la densification, la plus grande multiplexité et la plus forte connexité du réseau « odonien » (figure 1). Les liens entre les personnes sont en effet plus nombreux (ce qui résulte sans doute d’un effet de Source) et surtout beaucoup plus diversifiés que précédemment. Plus exactement, les liens éphémères (en noir) y prennent clairement le pas sur les relations de parenté ou de fidélité, ce qui montre que le réseau potentiel (résultant de la parenté) est désormais aussi concrétisé par des interactions ponctuelles qui l’activent. En dernier lieu, le réseau est connexe, c’est-à-dire qu’au cours de cette phase, les membres du groupe théophylacte ont tissé des liens qui leur permettent d’être en relation avec les autres familles aristocratiques. Comme précédemment, certains nœuds apparaissent comme des Cutpoints sans lesquels la connexité du réseau serait menacée : Odon, le futur comte d’Angers Foulque le Roux, le duc d’Aquitaine Guillaume le Pieux, le duc de Bourgogne puis roi des Francs Raoul, le futur roi d’Italie Hugues d’Arles puis, dans une moindre mesure, le comte de Poitiers Guillaume Tête d’Étoupe et l’abbé de Saint-Martial de Limoges, Aimon[52]. Si Guillaume d’Aquitaine et Odon jouaient déjà ce rôle lors de la phase précédente, les autres émergent, notamment les grands laïcs amenés quelques années plus tard à occuper des fonctions de souverain. On peut enfin repérer quelques espaces relationnels intermédiaires qui, comme précédemment, continuent de recouper – bien que de manière un peu moins nette – l’appartenance aux groupes nobiliaires.
Les calculs de centralité mettent en évidence de nettes différences avec la structure du réseau « odonien » au cours de la phase précédente, même si on observe une constante : les personnes centrales sont toujours de grands laïcs qui cumulent globalement – mais un peu moins qu’auparavant – les divers types de centralité[53]. On constate d’abord, pour les personnes centrales, une nette augmentation du nombre de voisins directs (la centralité de degré) et une baisse de l’indice de proximité, signe à la fois de leur rôle de polarisation plus fort des relations et des interactions sociales et, plus globalement, du plus grand nombre de liens saisis au cours de cette phase. On remarque aussi le moindre poids de Guillaume le Pieux au sein du réseau, même s’il demeure la personne la plus centrale selon les calculs de centralité de « degré » et de « proximité » ; en revanche, son décès brutal, advenu en 918, ainsi que la densification des relations et interactions avec d’autres nœuds, expliquent que son rôle d’intermédiaire soit moins important que lors de la phase précédente. La différence la plus frappante entre les deux phases réside néanmoins dans le poids écrasant des représentants des groupes aristocratiques méridionaux parmi les nœuds centraux et la quasi-disparition des Robertiens. À l’exception de Foulque le Roux, toutes les unités sociales en position de centralité appartiennent en effet aux milieux guilhemide, bosonide, rodolphien ou théophylacte. Soulignons enfin que deux personnes apparaissent comme centrales, selon les indices d’intermédiarité : Hugues d’Arles et Odon, dont la montée en puissance résulte de leur capacité à jouer le rôle de « pont » entre les différents groupes aristocratiques.
Le premier cercle du réseau personnel d’Odon connaît aussi des évolutions au cours de cette phase (figure 9), même si – comme précédemment – le futur abbé de Cluny demeure relativement en marge du reste des relations et interactions sociales. On constate tout d’abord une augmentation du nombre de ses voisins directs (15) et une structure beaucoup plus étoilée que précédemment, notamment avec certains abbés (Aimon, Arnulf, et Adacius) et avec le futur évêque de Tours Théotolon : on assiste ainsi à une “monachisation” et à une cléricalisation du premier cercle, composé pour moitié de membres de l’Église, ce qui reflète vraisemblablement en partie l’évolution de la carrière personnelle du futur abbé de Cluny. On remarque aussi qu’Odon a accès directement à davantage de groupes aristocratiques que précédemment : en plus des Robertiens et des Guilhemides, il est à présent en relation avec plusieurs unités sociales du groupe bosonide (Ingilberge, Thibert et Bernard) et avec un membre du milieu rodolphien (le neveu de Bernon, Guy de Gigny), des intermédiaires importants (dont certains ont de forts coefficients de centralité) qui lui permettent d’accéder à l’ensemble de la structure réticulaire dès le deuxième cercle. Enfin et surtout, il y a une nette différence dans les types de liens qu’Odon entretient en fonction des groupes aristocratiques : ses relations avec les Robertiens relèvent seulement de la parenté et demeurent donc dans la sphère du potentiel, tandis que ses interactions sociales effectives se font essentiellement avec les Bosonides et les Guilhemides, c’est-à-dire avec les espaces relationnels méridionaux.
Figure 9. Premier cercle du réseau «odonien» en 908/910-926
L’arrivée d’Odon en Bourgogne, en tant que moine, environ deux ans avant la fondation du monastère de Cluny, renforce son insertion dans le milieu guilhemide. Ce dernier reste centré sur Guillaume le Pieux jusqu’à sa mort en 918, puis le relais est pris par son neveu Guillaume le Jeune, tandis que le frère de celui-ci, Acfred, reste en retrait. Au cours de cette nouvelle phase, l’armature du groupe guilhemide est constituée par des relations de parenté et surtout de fidélité entre le duc d’Aquitaine et ses vassaux, écartelés entre les trois zones de sa principauté : les fidèles auvergnats, proches du pôle central, dans la mesure où l’Auvergne constitue la base historique du pouvoir de Guillaume ; les fidèles du Mâconnais et du Nivernais, comtés que Guillaume a acquis plus tardivement ; enfin, les fidèles berrichons[54]
Vers 912, le groupe guilhemide rompt ses liens avec celui des Bosonides. Ingilberge, l’épouse de Guillaume le Pieux, a été “happée” par le milieu de son époux et ne semble plus avoir de liens avec son groupe d’origine. Depuis 905 et en l’absence d’héritier légitime adulte, l’exercice du pouvoir bosonide en Provence a échu au comte de Vienne, Hugues d’Arles (ou de Provence), qui gouverne à la place de Louis et qui polarise dès lors le groupe, qui se tourne ensuite vers des horizons italiens (Mazel 2011: 466-469).
L’évolution de l’espace relationnel guilhemide tend en dernier lieu à confirmer une hypothèse d’Isabelle Cochelin sur la succession de Bernon à Cluny Cochelin (2002: 200-201). L’abbaye est en effet fondée en septembre 910 et cet événement fait intervenir de près Guillaume le Pieux, le fondateur, Bernon, le premier abbé et Odon, qui rédige l’acte, trois hommes dont les réseaux respectifs convergent à cette époque. Or, il est plus que probable qu’ils se soient entendus, dès la fondation, pour confier Cluny à Odon après la mort de Bernon. On appréhende là l’influence du lien de parenté spirituelle entre Odon et Guillaume qui débouche sur l’exercice d’une fonction de pouvoir.
Le graphe met en lumière le rôle joué par l’abbé Bernon dans l’ancrage d’Odon dans les espaces relationnels méridionaux, guilhemide et bosonide (figures 10- 11)[55]. Avant d’être moine à Cluny, l’espace relationnel d’Odon était en effet intensément tourné vers la Neustrie, avec laquelle il n’entretient désormais plus que des liens ténus. Or, à partir des années 910, Bernon renforce clairement son insertion dans le milieu guilhemide, en particulier en Berry, et délaisse son ancrage bourguignon et provençal originel. L’un des signes de renforcement des liens de Bernon avec l’aristocratie guilhemide se concrétise d’ailleurs par ses relations avec certains membres de l’Église d’Aquitaine, les frères Turpion et Aimon, respectivement évêque de Limoges et abbé de Saint-Martial, avec lesquels Bernon entretient des liens d’amitié mal datés (Becquet 1977: 75-82) On peut supposer que cette amicitia découle de l’influence de Guillaume le Pieux, via les Bosonides. Soulignons que Bernon reste en revanche presque totalement étranger aux espaces relationnels des fidèles de Guillaume dans le duché de Bourgogne, notamment en Mâconnais. Bernon joue ainsi un rôle d’intermédiaire pour Odon, car il semble lui léguer une grande partie de ses relations, lorsqu’il lui confie Cluny par anticipation vers 926. La comparaison des réseaux des deux premiers abbés de Cluny au cours de cette même période atteste d’ailleurs qu’Odon est beaucoup mieux inséré que Bernon dans l’aristocratie, ce qu’il démontre une fois qu’il dirige seul l’abbaye, à la mort de son prédécesseur, en janvier 927.
Figures 10 et 11. Premier cercle du réseau de Bernon, successivement en 879-908/910, puis en 908/910-926
Cette troisième phase de l’itinéraire biographique d’Odon s’ouvre avec sa direction abbatiale de Cluny et s’achève avec la mort de trois de ses principaux auxiliaires pendant la première partie de sa vie. L’exercice de fonctions de pouvoir modifie nécessairement le type de liens qu’Odon entretient avec le monde aristocratique, ce qui transforme globalement la structure de son réseau personnel, réarticulé autour de trois groupes nobiliaires et concrétisé par des réformes.
Figure 12. Réseau d’Odon de Cluny de 927 à 936
Comme dans la phase précédente, le troisième état du réseau « odonien » est connexe, mais il est beaucoup moins dense et davantage organisé en étoiles autour de certains nœuds (Odon, Raoul de Bourgogne, devenu roi des Francs, et Hugues d’Arles, désormais souverain d’Italie) qu’en cliques (Figure 12.). Les interactions se tissent en outre plus systématiquement qu’auparavant entre les membres de différents milieux aristocratiques, signe d’une recomposition partielle des espaces relationnels intermédiaires. Malgré ces modifications, on note un maintien des principaux Cutpoints qui permettaient précédemment la connexité du réseau personnel de l’abbé de Cluny : essentiellement Odon, Raoul de Bourgogne, Hugues d’Arles, Guillaume le Jeune (en tant que successeur de Guillaume le Pieux), Foulque le Roux, Hugues le Grand et Guillaume Tête d’Étoupe, qui a affirmé son statut d’intermédiaire obligatoire, tandis que Louis l’Aveugle, Rodolphe II et Ebbe de Déols jouent le rôle de Cutpoints secondaires. Cela signifie qu’en dépit de quelques différences structurelles, le réseau « odonien » conserve la plupart des attributs mis en place au cours de la période monastique.
La grande nouveauté réside en fait dans la place centrale qu’occupe Odon dans les relations et interactions sociales, qui découle vraisemblablement de son accession au statut abbatial. Si l’on examine les calculs de centralité, l’abbé de Cluny apparaît d’ailleurs, de loin, comme la personne la plus influente, quel que soit le critère retenu : il est celui qui a le plus de voisins directs, l’intermédiaire le plus important et la personne qui peut entrer le plus facilement en contact avec n’importe quel membre de l’aristocratie[56]. Les autres nœuds centraux conservent globalement les caractéristiques entrevues précédemment : il s’agit surtout de grands laïcs, évoluant avant tout dans des sphères méridionales, qui exerçaient parfois déjà une certaine influence au cours des années 908/910-926 et qui l’ont confortée, souvent en accédant à des fonctions prestigieuses, comme Hugues d’Arles et Raoul de Bourgogne, devenus respectivement souverains d’Italie et du royaume des Francs de l’Ouest. Plus qu’au cours de la période précédente, ces unités sociales cumulent les différents types de centralité et se hiérarchisent peu ou prou de la même manière, quel que soit le critère retenu.
Le premier cercle du réseau « odonien » a connu de nouvelles évolutions, puisque l’abbé de Cluny compte parmi ses voisins directs, encore plus nombreux qu’auparavant (23), au moins deux membres de chaque milieu aristocratique, ce qui démultiplie ses possibilités d’avoir accès à tous les membres des différents espaces relationnels (Figure 13). Plus encore, Odon se trouve désormais en relation privilégiée avec tous ceux qui sont en position de centralité dans la structure réticulaire d’ensemble, c’est-à-dire avec les personnes qui polarisent des groupes aristocratiques (notamment Raoul de Bourgogne, Hugues d’Arles, Hugues le Noir et Ebles Manzer) : sa situation de centralité est ainsi démultipliée par des liens directs avec ces nœuds centraux. Comme au cours de la phase précédente, ces partenaires privilégiés appartiennent quasiment pour moitié au monde ecclésial, où ils exercent des fonctions de papes (Jean X et Jean XI), d’évêques (Théotolon de Tours, Bernon et Maimbaud de Mâcon) et de moines (Bernon, Adacius, Arnulf, Guy de Gigny et Aimon). Contrairement aux grands laïcs, ces derniers n’apparaissent pas véritablement comme des intermédiaires de l’abbé de Cluny vers d’autres groupes aristocratiques, mais plutôt comme des relais permettant soit une confortation du pouvoir abbatial « odonien », soit son ancrage local. Enfin, du point de vue des liens directs entretenus par Odon avec le monde aristocratique, deux éléments nouveaux émergent. On constate tout d’abord un phénomène d’intensification des liens (figurée par l’épaisseur du trait) entre l’abbé de Cluny et certains acteurs qui ne sont pas forcément « centraux » dans la structure globale du réseau au cours de cette période. On retrouve certes le roi Raoul de Bourgogne, mais aussi son épouse, la robertienne Emma, le pape Jean XI et enfin les évêques de Mâcon Bernon, puis Mainbaud. Il s’agit de personnes avec lesquelles Odon entretient des liens à répétition et qui lui permettent d’asseoir son pouvoir abbatial, en recourant à divers types de légitimité – royale, pontificale et épiscopale – qui jouent à différentes échelles. On remarque par ailleurs que les liens effectifs d’Odon avec le monde aristocratique (en noir) sont désormais beaucoup plus nombreux que les liens potentiels, issus de la parenté (en vert). Ces derniers concernent surtout les milieux robertiens, avec lesquels l’abbé de Cluny semble ne plus avoir d’interactions concrètes, comme au cours de la phase 908/910-926 : certes, il entretient des liens avec Emma, mais cette dernière a été “aspirée” dans l’orbite de son époux, le roi Raoul, et ne semble d’ailleurs plus entretenir de liens avec sa parenté robertienne. Les interactions effectives d’Odon avec le monde aristocratique concernent donc toujours les sphères méridionales.
Figure 13. Premier cercle du réseau d'Odon en 927-935
Après la mort de Bernon, les liens d’Odon, en termes d’intensité et de fréquence, se recomposent essentiellement autour de trois espaces relationnels intermédiaires. Le premier correspond aux milieux pontificaux romains dont il obtient des privilèges pour les abbayes qu’il dirige, pour la première fois de la part du pape Jean X, en 927 (Rosé 2008:167-182). L’accès d’Odon à cet espace relationnel est nécessairement passé par un intermédiaire, dont l’identité reste hypothétique. Il pourrait s’agir de Bernon qui avait obtenu un privilège de Formose, mais cette voie reste peu probable car ce pape a fait l’objet d’une damnatio memoriae à la fin des années 890 (Riché 1993: 781-782). Guillaume le Pieux a également pu jouer ce rôle d’intermédiaire, puisqu’il avait obtenu de Jean X, en 914-918, une confirmation des possessions de son monastère de Moissat (Zimmermann 1984: 61-62). On peut enfin supposer une intervention du groupe bosonide, représenté par Hugues d’Arles, qui est l’aristocrate de Francie de l’Ouest le mieux relié aux milieux romains à cette époque. En effet, en juillet 926, afin de se faire élire roi d’Italie, Hugues conclut avec Jean X une alliance diplomatique qui perdure jusqu’en 928 (Liutprand de Crémone 1839: Livre III, § 17, p. 306). C’est donc plus probablement grâce à son entremise qu’Odon a pu entrer en contact avec le pape et, plus largement par la suite, avec les milieux pontificaux romains.
Cet espace relationnel romain constitue une voie d’accès vers les Théophylactes, la famille aristocratique qui contrôle la région romaine, mais aussi les charges pontificales (Gerstenberg 1933; Toubert, 1973). On remarque qu’Hugues d’Arles tisse des liens de parenté avec une partie de cette famille, notamment avec Marozia qui exerce son autorité sur la Ville de 928 à 932. En revanche, en 932, c’est le fils de Marozia, Albéric, qui prend le pouvoir contre sa mère, mais aussi contre Hugues. De 932 à 936, Odon cesse ses interactions avec les milieux romains, ce qui confirme, a posteriori, que son accès à ce groupe dépendait bien d’Hugues d’Arles.
Odon se tourne également vers le milieu rodolphien/richardide, centré sur Raoul de Bourgogne, roi des Francs de l’Ouest de 923 à 936. Raoul est le fils de Richard le Justicier, comte de Bourgogne et frère de Boson de Provence (Chaume, 1925; Guillot 1991:74-80). Odon a pu avoir accès à lui par les Bosonides, via les Guilhemides, mais une autre voie d’accès est plus probable. En 921, Raoul a en effet épousé Emma, fille du roi Robert Ier et sœur d’Hugues le Grand (Le Jan 2001a: 41), et s’est donc allié à la famille très puissante des Robertiens, dont Odon est proche depuis sa naissance. Comme on l’a souligné, dans les années 927-936, Emma entretient des liens directs et assez intenses avec Odon (bien visibles dans l’épaisseur du trait sur le graphe), puisqu’elle joue très souvent le rôle de petitor de diplômes de son époux adressés à l’abbé. Soulignons enfin que Raoul entraîne une partie de sa parenté, qui contrôle la Bourgogne, dans des interactions directes avec Odon. C’est en particulier le cas de sa mère, Adélaïde, et de son frère, Hugues le Noir.
Les milieux rodolphien et guilhemide permettent conjointement à Odon d’élargir son horizon à un troisième espace relationnel : celui des grands laïques et ecclésiastiques du Mâconnais qui commencent à octroyer des donations à Cluny. Une partie d’entre eux sont d’anciens fidèles de Guillaume le Pieux et prodiguent leur faveur à son ancien nutritus. D’autres sont plutôt entraînés par leur fidélité envers les Richardides. Même s’il est difficile de cerner l’origine des liens de l’abbé de Cluny avec les deux évêques de Mâcon, soulignons enfin que leur intensité contraste fortement avec la situation sous l’abbatiat de Bernon[57]. Dès le début de son abbatiat à Cluny, Odon a donc mis à profit son capital social pour renforcer son pouvoir abbatial, en particulier par l’obtention de privilèges et de donations.
Hors de Cluny, les premières réformes monastiques d’Odon sont permises également par sa participation aux réseaux aristocratiques. Leurs initiatives peuvent être replacées dans le jeu des intermédiaires guilhemides et richardides. La direction abbatiale de Déols, décidée par Bernon avant sa mort, s’explique ainsi par le fait que l’établissement a été fondé par Ebbes de Déols, un fidèle de Guillaume le Pieux. Pour sa part, la réforme de Romainmôtier, à l’initiative d’Adélaïde de Bourgogne, découle de l’influence du groupe richardide. Enfin, la réforme de Tulle (Brunterc’h 2001) mêle l’entremise guilhemide, par le biais des milieux limousins (Adémar des Échelles et Ebles Manzer) à celle des Richardides, dans la confirmation finale de l’abbatiat d’Odon par le roi Raoul (Rosé 2008: 194-223).
Ces réformes débouchent par la suite sur l’instauration de réseaux secondaires, cristallisés autour des co-abbés d’Odon qui dirigent l’abbaye en son absence (Poeck 1998:214-218; Iogna-Prat 2002:154-155). Si Arnulf, le co-abbé d’Odon à Aurillac semble totalement isolé au cours de cette phase, ce n’est pas le cas d’Adacius (Figure 14.), son co-abbé à Tulle, qui relie Odon à l’aristocratie guilhemide. Odon utilise dès lors son capital social pour mettre en place une nouvelle forme de pouvoir, le multi-abbatiat, en acquérant – grâce à son insertion dans l’aristocratie – des abbayes dont il confirme les droits, sur le plan juridique, en obtenant des privilèges et où il asseoit son autorité, à l’échelle locale, grâce à la mise en place des réseaux intermédiaires de ses co-abbés. Son autorité multi-abbatiale doit ainsi être comprise globalement de manière réticulaire, tant dans sa mise en place que dans son fonctionnement concret.
Figure 14. Le premier cercle du réseau du co-abbé Adacius (927-935)
936 constitue un nouveau tournant dans l’itinéraire biographique d’Odon car la plupart des personnes qui l’avaient favorisé meurent cette année-là. C’est le cas en particulier du roi Raoul et du pape Jean XI, puis d’Ebbes de Déols qui décède un an plus tard. Ces événements entraînent une forte recomposition de la hiérarchie aristocratique et donc de l’insertion d’Odon dans les réseaux de pouvoir.
Figure 15. Réseau d’Odon de Cluny (936-942)
Dans cette ultime phase de son itinéraire biographique, le réseau personnel d’Odon (figure 15) reste connexe et conserve partiellement sa dimension étoilée, notamment dans ses interactions avec les acteurs ecclésiastiques. Les nouveautés résident dans l’intensification globale des relations sociales, l’émergence de nouveaux acteurs, notamment en Gaule, et le retour en force du pôle robertien. Au cours de cette période, Odon apparaît comme le Cutpoint principal, suivi de très loin par le princeps de Rome Albéric et le roi d’Italie Hugues d’Arles[58]. Il se trouve désormais pleinement au cœur de la structure réticulaire globale et ses liens aux personnes qui polarisent les différents espaces relationnels sont de plus en plus directs. Dans la dernière phase de sa vie, Odon est donc dans une situation de forte proximité avec les personnes influentes au sein de l’aristocratie du royaume de l’Ouest. Cette situation privilégiée lui permet d’utiliser pleinement son capital social, pour construire et légitimer son pouvoir multi-abbatial.
Les différents calculs de centralité confirment la position de pouvoir qu’occupe Odon au cours de la dernière période de sa vie : il apparaît, de très loin et plus encore qu’auparavant, comme la personne la plus centrale de la structure réticulaire globale[59]. Par rapport à la phase précédente, il a doublé son nombre de voisins directs (41) et en a trois fois plus qu’Hugues le Grand, la personne la plus centrale après lui ; il est un intermédiaire quasi indispensable pour les autres aristocrates ; enfin, il peut entrer facilement et rapidement en contact avec toutes les personnes présentes sur le graphe. On note en outre un renouvellement quasi complet des autres acteurs centraux, signe d’une totale recomposition des liens sociaux après 936 : seuls Raoul (qui meurt cependant rapidement en 936), Hugues d’Arles et Hugues le Noir jouaient déjà ce rôle lors de la phase précédente, mais ils semblent avoir perdu de leur influence au profit d’autres acteurs. Ces derniers attestent un rééquilibrage des relations et interactions sociales vers la Neustrie avec l’irruption d’aristocrates robertiens (Hugues le Grand, Roger de Laon), sans que les autres groupes familiaux ne disparaissent pour autant. Soulignons enfin la perte de centralité des titulaires de la fonction royale : encore largement centraux lors de la phase précédente, ils ont perdu leur position privilégiée au profit de certains grands laïcs.
Le premier cercle du réseau personnel « odonien » (figure 16) se situe dans la continuité de la phase précédente, si ce n’est qu’il s’est considérablement amplifié et compte à présent 43 voisins directs – dont 23 membres de l’Église – qui appartiennent à tous les milieux aristocratiques et qui apparaissent souvent comme les pôles d’espaces relationnels intermédiaires. Comme auparavant, l’abbé de Cluny entretient avec ses voisins directs des interactions avant tout ponctuelles (traits noir), qui sont plus marquées avec certains acteurs: l’évêque de Mâcon Mainbaud, le pape Léon VII, l’archevêque Géronce de Bourges, les rois Hugues d’Arles (Italie) et Louis IV d’Outremer (royaume des Francs de l’Ouest), enfin les grands laïcs Albéric, princeps de Rome, et Raymond Pons, comte de Toulouse. On retrouve ainsi la logique de la période précédente, mais démultipliée auprès d’acteurs plus nombreux : en faisant appel à ces différentes formes de légitimité, Odon conforte son pouvoir abbatial à différentes échelles. Dans cette perspective, on peut souligner le développement des réseaux intermédiaires construits autour de ses co-abbés Aimeric, Arnulf, Adacius et Otgar, tous situés dans l’ancienne aire d’influence guilhemide. Ces derniers jouent un rôle de relais de l’autorité d’Odon et sont enchâssés eux aussi dans une toile de relations et d’interactions sociales, moins dense que celle de l’abbé de Cluny. Le développement de ces réseaux intermédiaires est peut-être lié au rôle spécifique que joue Odon dans cette zone géographique. C’est en effet lui qui apparaît comme l’intermédiaire principal entre les différents héritiers des Guilhemides, désormais cloisonnés entre Aquitaine, Berry, Poitou et Mâconnais.
Figure 16. Premier cercle du réseau d'Odon en 936-942
À la suite du décès de ses principaux bienfaiteurs en 936, Odon s’adapte à la reconfiguration globale des relations de pouvoir de Francie occidentale, en y évoluant depuis sa position centrale. Il participe ainsi à quatre milieux qui deviennent visibles lors de réformes monastiques.
Le groupe romain a été recentré sur Albéric (Arnaldi 1960). Les liens qu’Odon entretient avec ce dernier découlent d’une alliance matrimoniale entre sa fille, Alda, et Hugues d’Arles, avec lequel l’abbé de Cluny est en relation directe depuis plusieurs années. Par la suite, Albéric entretient des liens sans intermédiaire avec Odon, en lui confiant plusieurs monastères à réformer, tandis que le pape Léon VII, proche du princeps de Rome, lui confère sept bulles, ce qui explique l’intensité de leurs liens mutuels.
Le deuxième milieu correspond à l’assise bourguignonne de Cluny et s’est recentré sur le frère de Raoul, Hugues le Noir, devenu duc de Bourgogne. Seuls le comte de Nevers et l’évêque de Mâcon semblent ne pas en faire partie, mais ils continuent à être en contact direct avec Odon. Ce milieu richardide constitue probablement la voie d’accès principale à la personne du roi carolingien Louis IV d’Outremer, qui met en place des fidélités dans le duché de Bourgogne à partir de 937 (Werner 1984: 463-464; Theis 1990: 167-171; Lauer 1900: 11-35 ; Guillot 1991: 88-97; Chaume 1925: 423-435). Par la suite, Odon est en contact direct avec ce souverain dont il obtient des privilèges.
Le troisième groupe, celui des Guilhemides, a éclaté entre plusieurs héritiers après le décès d’Acfred, mort sans fils en 927 (Brunterc’h 2001). Il se recentre, après 936, sur des personnes qui exercent leur pouvoir à une échelle plus restreinte : les comtes de Poitiers Ebles Manzer, puis Guillaume Tête d’Étoupe, véritable héritier de Guillaume en termes de centralité de degré et de proximité ; le comte de Toulouse, Raymond-Pons ; enfin, de grands aristocrates auvergnats, en particulier les évêques de Limoges, du Puy et de Clermont. Seul l’archevêque de Bourges, Géronce, demeure au centre de ce milieu aristocratique. Toutes ces personnes promeuvent des réformes d’Odon en Aquitaine, notamment à Saint-Pons de Thomières, à Chanteuges ou à Sarlat (Rosé 2008: 288-304). Cette nouvelle configuration du groupe aquitain atteste des interactions plus émiettées qu’auparavant, indice d’une fragmentation globale du pouvoir. Par ailleurs, l’aristocratie ecclésiastique et monastique y joue un rôle plus polarisant et structurant qu’ailleurs, signe de la part prise par les évêques dans le gouvernement des hommes dans le Midi, qui se concrétise aussi par le rôle plus visible des co-abbés d’Odon.
Le dernier groupe, celui des Robertiens, s’est recentré dès 936 sur le duc des Francs, Hugues le Grand, et s’est profondément renouvelé. On y remarque en effet l’apparition de nouveaux hommes, promus comtes par Hugues le Grand, alors qu’ils n’étaient que ses fidèles lors des décennies précédentes (Sassier 1997: 146-157 ; Noizet 2007: 69-71; Noizet 2006: 26-35). Ce milieu a en outre connu une extension géographique des fidélités, qui se sont recentrées sur le bassin parisien et sur le nord de la Bourgogne, en même temps qu’elles se sont densifiées. Odon est par ailleurs en lien direct avec les deux personnes jouant un rôle de polarisation des relations aristocratiques : Hugues le Grand, à la demande duquel il réforme les abbayes de Fleury et de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, et Théotolon, qu’il a connu lorsqu’il était chanoine à Saint-Martin et qui lui demande de réformer l’abbaye de Saint-Julien de Tours. À la fin de sa vie, Odon réactive ainsi fortement les espaces relationnels de sa jeunesse, ce qui explique en partie sa mort à Tours, en 942.
En définitive, qu’apportent la reconstitution et la représentation graphique des réseaux de pouvoir à la connaissance des pratiques sociales de l’aristocratie du haut Moyen Âge, à une époque de bouleversement de la société ? Elles montrent en premier lieu comment la puissance sociale d’un homme, Odon, se construit sur le long terme, à l’échelle d’une vie, en s’appuyant sur les personnes qui sont en position de centralité dans une structure réticulaire plus vaste. L’analyse a éclairé en particulier le rôle que joue le père d’Odon dans la carrière de son fils, en le confiant à deux nutritores influents. La puissance de ce capital social initial est ensuite démultipliée par les alliances matrimoniales ou diplomatiques entre les membres des différents milieux aristocratiques, favorisant l’accès à d’autres personnes, grâce à l’enchâssement des espaces relationnels intermédiaires les uns dans les autres. À terme, l’éclatement de sa formation aristocratique entre Robertiens et Guilhemides permet à Odon d’avoir un accès direct à toutes les personnes centrales au sein des différents milieux aristocratiques et de se retrouver lui-même en position de centralité. Plus encore, le pouvoir multi-abbatial d’Odon est inscrit dans ces logiques et s’appuie sur des stratégies qui jouent sur la structure réticulaire de la société à différentes échelles : Odon passe par ses relations pour se faire confier la direction de monastères, puis y fait conforter son autorité abbatiale par une demande systématique de privilèges, pontificaux et royaux, obtenus grâce au jeu des réseaux aristocratiques. Sa direction multi-abbatiale s’appuie en dernier lieu sur des co-abbés, qui sont des relais de son autorité dans les réseaux locaux auxquels ils participent.
Cette étude atteste en outre le processus de reconfiguration des réseaux aristocratiques, passant d’une structure carolingienne à une structure seigneuriale. La construction réticulaire de la société, encore relativement centrée sur les rois dans les années 880, se recompose et se repolarise ainsi progressivement autour des princes, en espaces relationnels intermédiaires, les souverains perdant peu à peu leur position exclusive de centralité. Ce bouleversement a évidemment des conséquences sur les stratégies sociales des membres de la noblesse. Si les ressorts de la puissance d’un individu continuent de reposer sur son insertion dans les milieux aristocratiques, on assiste à deux changements majeurs par rapport à l’époque carolingienne. Tout d’abord, la seule proximité royale n’est plus gage de grande carrière : il faut désormais participer à l’entourage des princes, qui médiatisent clairement les fidélités et qui sont, plus largement, les premiers acteurs de la création et de la recréation des liens sociaux (Guyotjeannin 2002: 124-125). Le cas d’Odon illustre par ailleurs le développement de stratégies de multi-appartenance à plusieurs milieux aristocratiques princiers, chez certains membres de l’Église. Dans une société où les pouvoirs se recomposent à une échelle géographique plus restreinte, une telle attitude devient un gage majeur de puissance, caractérisée par la recherche d’une proximité directe avec plusieurs personnes qui se trouvent chacune au centre d’espaces relationnels intermédiaires, mais aussi par le renouvellement ponctuel des interactions avec elles. Si elles permettent de développer une forme de pouvoir suprarégional (le multi-abbatiat) sans être lié trop intimement à un milieu particulier, de telles stratégies étonnent par les fortes contraintes que suppose leur mise en œuvre : dans le contexte de luttes aristocratiques, il y a toujours le risque d’être perçu comme déloyal par un milieu précis ; il faut ensuite être capable d’entretenir en même temps toutes les relations pour pouvoir les activer en cas de besoin. C’est cette dernière contrainte qui explique l’un des traits les plus originaux des pratiques réticulaires à cette époque : la construction et l’activation des réseaux résultent des déplacements des différentes personnes qui y participent. La mobilité des hommes vient ainsi alimenter constamment leurs relations sociales, tout en se cristallisant à certains moments, sous la forme d’interactions, autour de personnes, comme l’entourage d’un grand, ou autour de lieux, par exemple lors des fondations ou de restaurations monastiques. Ces déplacements réguliers sont la caractéristique la plus évidente des relations sociales, au cours d’une période où les institutions ne sont pas encore ancrées dans des lieux fixes.
En dernier lieu, l’analyse réticulaire démontre la dimension éminemment aristocratique et familiale des réseaux de pouvoir du haut Moyen Âge, qui ne reposent pas sur les fonctions exercées par les hommes. On le voit bien avec les réformes d’abbayes, qui ne se jouent jamais entre les seuls moines, mais dans une collaboration entre moines, évêques et laïcs. Les graphes montrent ainsi clairement la participation aux réformes – et plus largement à toutes les formes de liens – d’une même aristocratie, tant laïque qu’ecclésiastique : ce sont des groupes de clercs et de laïcs, unis par des relations de parenté ou de fidélité, qui promeuvent les restaurations monastiques, dans une convergence d’intérêt qui transcende les ordines. La participation d’un même groupe social aux réformes rend ainsi particulièrement visibles les stratégies développées pour assurer la domination globale du groupe aristocratique sur la société. L’intérêt des grands laïcs à garder un droit de regard sur la forme de pouvoir qu’est l’Église rejoint ainsi les attentes de l’institution ecclésiale vis-à-vis de l’aristocratie laïque, pourvoyeuse de biens matériels et “réservoir” nécessaire de futurs clercs et moines.
L’analyse de réseaux a ainsi une grande valeur heuristique puisqu’elle permet d’étudier les sources d’une manière neuve, de découvrir des faits sociaux inconnus ou d’attester, par des calculs, des évolutions que l’on “sentait” sans véritablement pouvoir les démontrer. L’intérêt de la démarche me semble par conséquent résider avant tout dans l’utilisation de méthodes quantitatives au service d’une analyse qualitative.
Au-delà de ces conclusions sur la structuration, les modes de fonctionnement et les évolutions de l’aristocratie du Xe siècle, quels sont les limites et les apports d’une telle démarche dans une perspective transpériode, voire transdisciplinaire ? Il convient tout d’abord de souligner que les sources du haut Moyen Âge ne permettent pas de cerner certains éléments, bien perceptibles pour d’autres périodes mieux documentées. Ainsi, il n’y a aucune trace de réformes qui auraient échoué, ni de tensions d’Odon avec ses co-abbés, pour la bonne raison que la plupart des restaurations et des actes de l’abbé de Cluny ne sont connues que par des textes hagiographiques ou à portée mémorielle qui n’évoquent évidemment pas les échecs des personnes qu’elles mettent en scène. De la même manière, il est impossible de cerner la dimension intentionnelle ou pas des stratégies sociales : on peut penser que le choix d’un nutritor précis faisait bien l’objet de spéculations sur le long terme, mais on ne connaît pas de pratiques de fosterage ou d’oblation qui ne se soient pas concrétisées par une carrière brillante, en particulier au sein de l’Église, parce que leur trace est conservée seulement par les Vies de saints. Le fait que seule la réussite sociale soit perceptible dans la documentation pourrait donc donner l’impression d’une approche mécanique du réseau, comme unique facteur d’explication de la puissance d’Odon. Dans la perspective qui est la mienne, la question n’est pas seulement de voir ce qu’un réseau permet d’expliquer (les réformes monastiques, l’obtention des privilèges…), mais, après l’avoir reconstitué, d’en cerner le fonctionnement, la structuration et, surtout, d’en restituer la dynamique de construction sur le long terme.
Plus largement, la démarche expérimentée dans cet article pourrait ouvrir des pistes pour d’autres périodes historiques. Ainsi, l’élargissement de la notion de « réseau personnel », en intégrant les relations des alter, donne accès, non pas aux simples relations d’un homme, mais à une vaste partie du monde aristocratique, sur une durée assez longue. Ce choix méthodologique permet de dépasser l’analyse classique de réseaux égocentrées pour se pencher sur celle des cercles sociaux, que j’ai qualifiés – faute de mieux dans l’immédiat – d’« espaces relationnels intermédiaires » qui structurent l’ensemble de l’univers nobiliaire et qui évoluent eux aussi, indépendamment ou conjointement les uns par rapport aux autres au gré des contextes. Autre nouveauté susceptible d’être exploitée par d’autres périodes : l’intégration de la dimension diachronique et évolutive du réseau personnel, faite de ruptures de relations, de redéfinitions des liens qui engendrent eux-mêmes de nouvelles interactions. Cette préoccupation permet de restituer au plus près les trajectoires individuelles, d’analyser comment – en fonction des périodes – s’élabore un parcours de vie, quels sont les choix qui comptent, en termes de stratégies sociales, en fonction de la structure réticulaire plus globale de la société.
On peut s’interroger, pour terminer, sur les manières de prolonger ce type d’analyse pour l’époque médiévale. Une voie à explorer serait de restituer la dimension spatiale des relations sociales, fondamentale dans les configurations réticulaires du haut Moyen Âge. Cette première interrogation en rejoint une autre : parvenir à prendre en compte aussi la verticalité des relations sociales, c’est-à-dire le fait que toute personne exerçant un pouvoir se définisse à cette époque avant tout par un lien privilégié avec les réalités immatérielles que sont Dieu et les saints. Ainsi, les aristocrates laïcs exercent leurs fonctions légitimement parce qu’ils ont fait de certains sanctuaires à reliques le centre symbolique de leur pouvoir ; les communautés monastiques et leurs abbés sont les représentants sur terre des saints au nom desquels a été consacrée leur église ; les évêques s’érigent en défenseurs des apôtres et martyrs des premiers siècles qui ont fondé leur cathédrale. Ces saints sont ancrés dans des lieux fixes et ce sont eux qui donnent une légitimité à la plupart des pratiques sociales, comme le fait de se déplacer vers eux pour changer de fonction (devenir moine, clerc, roi), conclure une alliance ou signer une charte. Au réseau social “réel”, qui se joue sur le plan horizontal au sein de l’aristocratie, répond donc, en miroir, un réseau idéal faisant intervenir Dieu, les saints et les ancêtres qui viennent légitimer, sur terre, les relations entre les hommes.
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[1] Cet article est le prolongement d’une réflexion à paraître dans le volume collectif, dirigé par Marcelo Candido Da Silva, Os medievalistas e suas fontes. Leituras cruzadas sobre a Alta Idade Média, écrit avant que je n’utilise le logiciel Netdraw. Je tiens à remercier avant tout Claire Lemercier pour l’énergie exceptionnelle qu’elle a mise dans les relectures de cet article; elle m’a également grandement aidé à me familiariser avec Netdraw, à concevoir les feuilles de données et à affiner comme à enrichir ma réflexion. Karine Karila-Cohen, ainsi que Michel Lauwers, m’ont en outre permis par leurs remarques de préciser certains points. Ma gratitude va également aux trois reviewers anonymes qui ont accepté de relire cet article pour Redes et dont les remarques, particulièrement stimulantes, m’ont été d’une grande utilité pour approfondir certains points.
[2] Envoyer la correspondance à : Isabelle Rosé (rosisa@wanadoo.fr).
[3] Pour une historiographie des analyses de réseaux en histoire, Lemercier (2005), pp. 88-112. Cf. Lemercier et Zalc (2008), pp. 80-102, avec des précisions et une mise à jour régulière de la bibliographie et des logiciels disponibles sur le site internet : http://www.quanti.ihmc.ens.fr/sommaire.php?id=52.
[4] Sur les méthodes quantitatives, Delacroix, Dosse, Garcia (2005), pp. 302-357 ; sur l’impact de la sociologie sur les spécialistes des périodes moderne et contemporaine, pp. 392-482.
[5] Emprunts au modèle géographique des « réseaux urbains » et « commerciaux » dans des publications récentes: Fray, (2006) ; Buchholzer-Rémy (2006), Jamroziak (2005): réseaux urbains; Dimmock (2005): réseaux urbains et commerciaux; Stabel P. ( 2001), Comber (2001) Murray (2000), Brechon (1998), Dahl (1998) : réseaux commerciaux. Sur le réseau routier: Brechon (2000); Bruand (2002); Szabó (1996).
[6] Ysebaert (2007); Dumolyn (2007): évocation du rôle des « réseaux politiques » des fonctionnaires bourguignons, à partir d’un exemple; même démarche dans Dumolyn (2006): étude plus prosopographique que réticulaire des « réseaux politiques », des systèmes de patronage qui permettent la formation de l’État bourguignon au XVe siècle; Burton (2006); Ayton, Andrew (2005): analyse des armées de Crécy comme des « réseaux »; Bijsterveld (2004): évocation des relations entre doyens ruraux comme un « réseau »; Damen (2003): réseaux de relations entre fonctionnaires à la cour de Hollande, à la fin du Moyen Âge; Grummitt (2003): réseaux d’influence semi-privés; Kahl (2003): réseaux de pouvoir épiscopaux autour de Bamberg; Sawyer (2003): réseaux de pouvoir, notamment féminins, en Europe du Nord au XIIIe siècle; Pascua (2001): réseaux aristocratiques dans la mise en place du pouvoir royal ibérique au XIIe siècle; Chattaway (1999): réseaux de pouvoir bourguignons à la fin du Moyen Âge; Boone (1998a): réseaux de pouvoir en Flandres à la fin du Moyen Âge; Boone (1998b): réseaux de pouvoir intra-urbains; Rapp (1997): pratiques de fraternité rituelle et son rôle en tant que réseau de pouvoir; Richmond (1997): réseaux de pouvoir en Angleterre tardo-médiévale; Hill (1996): réseaux de pouvoir impériaux; Balletto (1995): réseaux de pouvoir inter-communautaires; Prevenier et Boone (1993): réseaux de pouvoir urbain en Flandres, à la fin du Moyen Âge. Cf. Mooers (1986).
[7] Fabris (2005): analyse d’un collège universitaire en tant que lieu favorisant les relations entre des personnes qui y ont étudié). O’Keeffe (2006); O’Sullivan (2006): évocation de « réseaux » de béguines pour expliquer leur éducation intellectuelle; Jurkowski (2005); Reveney (2005): réseaux intellectuels féminins issus de la lecture de manuscrits; Youngs (2005): circulation des manuscrits et création de réseaux intellectuels au sein de la gentry anglaise, à la fin du Moyen Âge; Scheepsma (2004): « réseaux intellectuels » des premières mystiques écrivant en hollandais, à partir du XIIIe siècle; Cardon et De Keyzer (2000): réseaux intellectuels en Flandre à la fin du Moyen Âge, étudiés à travers des œuvres d’art; Servant (1998); Haines (2000); Goldin (1996): réseaux rabbiniques; Mullett (1996): réseaux de correspondants à la fin du XIe siècle et au début du XIIe siècle; Martines (1994); Scott (1994): réseaux mystiques en Italie.
[8] La plupart des études portent sur les XIVe et XVe siècles. Boulet (2008): approche mathématique visant à une reconstitution des réseaux paysans; Boulet et al. (2007) [disponible en ligne, http://conferences.telecom-bretagne.eu/data/mashs2007/Papier/Boulet_Kuntz-et-al_final.pdf], article issu de la collaboration entre médiévistes et mathématiciens; cf. Polden (2006): étude d’un groupe d’une quinzaine de familles chevaleresques et des liens qui les unissent; Grünbart (2005): ébauche de reconstitution d’un réseau de correspondants byzantins; Shaw (2005): étude de l’émergence des oligarchies urbaines, à partir des réseaux sociaux de la ville de Wells; Sortor (2005): utilisation des méthodes d’analyse sociologiques pour reconstituer les réseaux de migrants à Saint-Omer au XVe siècle; Bennett (2004): utilisation des méthodes d’analyse de réseaux pour étudier des mariages paysans en Angleterre au XIVe siècle; Dumolyn (2002): réflexion sur l’analyse des réseaux sociaux et du capital social à partir de l’exemple de la cour de Bourgogne, dans les années 1385-1492; Klapisch-Zuber (2002): reconstitution des réseaux de parenté et d’amitié d’un marchand italien des années 1400, à partir de son livre de famille, mais sans recours aux méthodes d’analyse de réseaux; Vonrufs (2002); Stabel, Peter (2001): comparaison des réseaux sociaux de marchands italiens à Bruges, à la fin du Moyen Âge; Nolte (2000): analyse du réseau familial d’un groupe aristocratique germanique à la fin du Moyen Âge, à partir de sa correspondance; Caron (1998): structures des réseaux aristocratiques bourguignons à la fin du Moyen Âge, analysés en partie avec des sources iconographiques; Verhaeghe (1998): réseaux sociaux analysés à travers l’archéologie; Padgett et Ansell (1993): hypothèses, grâce aux méthodes d’analyse de réseaux, sur les modalités de l’ascension sociale de la famille des Médicis, par les relations qu’elle entretenait avec la notabilité florentine.
[9] Dumézil (2007): reconstitution du « réseau aristocratique » de Gogo, un noble mérovingien, par l’usage de techniques prosopographiques, mais sans emprunt aux grilles d’analyse sociologiques; Sindbæk (2007): réseaux urbains et commerciaux en Scandinavie, aux VIIIe-IXe siècles; Palmer (2005): explication de la construction de la légende de saint Boniface à l’aune de l’insertion dans des « réseaux monastiques » de son disciple Lull de Mainz; Story (2005): analyse des liens d’amitié ou de fidélité pour appréhender l’influence franque sur l’Angleterre, notamment à partir d’échanges épistolaires; Hines (2003): réseaux en Irlande et Angleterre au très haut Moyen Âge; McNamara (2003): Analyse du pouvoir exercé par certaines femmes au haut Moyen Âge, grâce à leurs liens avec les « réseaux » royaux – employé de manière métaphorique; Pearce (2003): relations entre clercs, notamment via des échanges de reliques, expliquant la christianisation de la Gaule, mais l’emploi du terme « réseau » reste métaphorique; Reimitz (2002): analyse des différentes versions conservées des Dix livres d’histoires de Grégoire de Tours, à l’aune des milieux – plutôt que des « réseaux » – qui sont à l’origine des manuscrits; Garrisson, Mary (2004): reconstitution du « réseau épistolaire » d’Alcuin, mais sans emprunt aux grilles d’analyses sociologiques; Le Jan (2000), repris dans Le Jan (2001) pp. 190-203: recomposition des « réseaux de pouvoir » au Xe siècle, mais sans emprunt aux grilles d’analyse sociologiques; cf. aussi Le Jan (2000b): évocation des « réseaux de parenté » structurant la société, mais sans emprunt aux grilles d’analyses sociologiques.
[10] À côté de cet usage massif du terme de « réseau », qui reste finalement essentiellement métaphorique, on peut évoquer deux initiatives originales, qui empruntent clairement à la sociologie. Richard Gaskins (2005) a ainsi appliqué les concepts de l’analyse réticulaire à la matière des sagas islandaises, notamment à leurs récits généalogiques, pour en tirer des conclusions sur les évolutions sociales et politiques advenues au cours de la période du Commonwealth (entre 930 et 1262). Le vocabulaire et les méthodes de la Networks’ analysis ont en outre été utilisés par Søren Michael Sindbæk (2007) pour hiérarchiser certains lieux de commerce vikings, à la fois à partir de sources narratives et de catalogues de fouilles archéologiques, dans une perspective de reconstitution de réseaux commerciaux. Ces deux études n’entendent toutefois pas étudier de véritables réseaux sociaux.
[11] Cette notion d’« itinéraire » a été adoptée en particulier par des spécialistes d’histoire contemporaine : Bayon (2006); Lafon (2006). Cf. aussi, du côté des travaux sociologiques, la notion de « parcours de vie », de « trajectoire » ou de « bifurcation biographique », développée par Claire Bidart (2008), notamment, pour ses études les plus récentes ; cf. Bidart (2006). Bidart (2005); Bidart et Lavenu (2005).
[12] Sur le renouveau biographique, Dosse (2005). Sur le « retour de l’événement » Nora (1978) et, tout récemment, Dosse (2010).
[13] Pour les publications du groupe de recherches lié à Arcane, Beaurepaire (2002); Beaurepaire et Taurisson (2003); Beaurepaire, Häseler et McKenna (2006). Pour une définition des ego-documents, Beaurepaire et Taurisson (2003b), p. 10 pour la citation. Pour une présentation du logiciel Arcane : http://arcanews.univ-montp3.fr/arcane/Arc/dcs_?ID=52433%26Session=ITCGOHJXJJBFYNU002. Pour une liste des travaux d’édition et de reconstitution des réseaux réalisés grâce à Arcane ou en cours de réalisation, http://www.observatoire-critique.org/IMG/CercleArcane-2.pdf. Cf. aussi, dans la continuité de la micro-storia, les réflexions de Gribaudi (2001). Je remercie Claire Lemercier de m’avoir indiqué cette référence.
[14] Sur la dimension de base de données prosopographique et relationnelle d’Arcane et sur son fonctionnement, McKenna et Leroux (2003 ), disponible en ligne à l’adresse suivante : http://arcanews.univ-montp3.fr/egodoc/Arc/dcs_secmattxt?IDS=1112112&ID=1112012%26Occ=007 et surtout Moutoukias, Zacahrias (2003), en ligne sur : http://arcanews.univ-montp3.fr/egodoc/Arc/dc_d?ID=1074112%26Occ=00.
[15] Ce graphe a été réalisé à partir du Journal du chevalier de Corberon et est présenté comme un exemple de recherches rendues possibles grâce à Arcane à l’adresse suivante, où l’on peut faire une utilisation interactive : http://arcanews.univ-montp3.fr/egodoc/Arc/doc/cons/id771512/ids784912/.
[16] Pour une première approche des réseaux, Lazega (1998) et Mercklé (2004). Pour une approche plus complexe et plus technique Degenne et Forsé (2004) p. 5-33.
[17] Ce type de démarche s’apparente au « réseau complet en boule de neige » ou snowball Sampling, cf. Doreian et Woodard (1992). Plus récemment, Kasarjyan, Buchenrieder et Korff (à paraître)
[18] Dans l’historiographie allemande, certains travaux prosopographiques, menés grâce à des programmes informatiques, portent d’ailleurs sur des analyses d’entourages, en particulier ceux de monastères. Cf. Hillebrandt (1982); Hillebrandt (2000); Schütte (1992).
[19] Pour le haut Moyen Âge, cf. Dumézil (2007); Story (2005); Garrisson (2004). Pour des périodes un peu plus tardives, cf. Ysebaert (2005): l’auteur est toutefois davantage dans une perspective d’analyse du vocabulaire de l’amicitia dans la littérature épistolaire que dans celle des réseaux de correspondants. Pour une approche plus globale Ysebaert (2009). Pour le monde byzantin, voir les considérations méthodologiques de M. Grünbart (2005) sur l’utilisation des lettres dans la reconstitution des réseaux d’interconnaissance. Cf. aussi, pour la fin de l’Antiquité, deux analyses récentes de l’énorme correspondance du rhéteur Libanius ou Libanios, avec des grilles d’analyse sociologiques: Sandwell (2007) et Bradbury (2004).
[20] En termes réticulaires, le petitor (C) entretient en effet nécessairement des liens avec l’auteur (A) et le destinataire (B) de l’acte.
[21] On peut évoquer le cas extrême du cartulaire de Saint-Martin de Tours, la Pancarta nigra, copiée au XIIe siècle, qui contenait 150 documents antérieurs à 1131, mais qui a été détruite en 1793. Émile Mabille (1886) a tenté d’en restituer les grandes lignes à partir des copies existantes : il s’agit donc non pas d’actes diplomatiques, mais d’une sorte de reconstitution donnant seulement l’analyse des pièces, sans une seule souscription.
[22] Jean de Salerne, Vita sancti Odonis prima et maior, dans PL 133, col. 43-86 [Désormais VO]. Sur ce texte, Rosé (2008) pp. 27-31.
[23] Sur le caractère pluriel de la parenté au haut Moyen Âge, Le Jan (1995) pp. 161-177. Cf. surtout l’ensemble des travaux d’Anita Guerreau-Jalabert, notamment Guerreau-Jalabert (1999). Sur la parenté en général : Guerreau-Jalabert (1981 et 1988). Sur la parenté spirituelle: Guerreau-Jalabert (1995). Sur le placement des jeunes enfants : Guerreau-Jalabert (1999).
[24] De ce point de vue, le problème principal réside dans le degré de parenté que l’on prend en compte et qui, au haut Moyen Âge, devrait être très éloigné, puisque les groupes familiaux sont organisés en Sippen qui ont une faible profondeur généalogique et reposent sur la notion de cousinage qui les étend considérablement sur le plan horizontal.
[25] Sur l’évolution de la fidélité et des serments, notamment au souverain, à partir de la fin du IXe siècle, Guyotjeannin (2002), pp. 127-128 et 134-135.
[26] Le rôle des conflits dans la réaffirmation des hiérarchies sociales a fait l’objet de travaux allemands qui ont étudié notamment les rites de « communication symbolique », comme moyen pour le souverain de réguler les conflits dans la Germanie des Ottoniens et des Saliens. Cf. entre autres, Althoff (1989); Althoff et Witthöft (2003). Cette problématique a surtout été adoptée par les spécialistes de l’époque seigneuriale, notamment les historiens travaillant sur la justice dans une perspective d’anthropologie juridique ; cf. les publications fondatrices de White (1978) et Geary (1986).
[27] D’autres actions ponctuelles sont moins fréquentes. 1) Présence simultanée dans une assemblée, par exemple en vue d’une élection royale. 2) Souscription d’une notice de plaid, c’est-à-dire d’une décision judiciaire, rendue assez souvent en présence des vassaux. 3) Présidence d’un plaid, c’est-à-dire d’une assemblée de justice, parfois par plusieurs personnes. 4) Rôle de petitor pour demander un privilège à une autorité souveraine (roi ou pape), en faveur d’une tierce personne ; ce rôle de petitor peut être pluriel, lorsqu’il y a intervention de plusieurs personnes. 5) Inversement, dans la mesure où le petitor est un intermédiaire, il existe également des liens entre ce dernier et le bénéficiaire du privilège demandé. 6) Consentement de certains protagonistes lors de donations ou de réformes, ce qui laisse supposer les liens de ces derniers avec le(s) donateur(s)/réformateur(s), mais aussi avec le(s) bénéficiaire(s). 7) Dédicace d’une œuvre littéraire à une personne particulière. 8) Ambassade envoyée par une personne à une autre. 9) Exécuteur testamentaire (fideijussor) qui révèle un lien entre ce dernier et la personne qu’il représente. 10) Paix conclue entre des personnes en conflit.
[28] La mise en évidence du fonctionnement de la société médiévale selon le principe du don-échange résulte de l’utilisation et de l’adaptation par les médiévistes du modèle de M. Mauss. Pour une première synthèse sur l’utilisation de Mauss par les médiévistes, Rosenwein (1989) et plus récemment, Devroey (2003). Cf. surtout Magnani (2008).
[29] Ainsi, un lien de parenté entre A et B a été recensé dans la base de données de la manière suivante: une entrée de A (nom 1) vers B (nom 2), puis de B (nom 1) vers A (nom 2), avec les même dates de début et de fin, le même type de lien et la même source. On pourrait considérer toutefois qu’à l’époque médiévale, il y a une hiérarchie dans toutes les relations de parenté, fondée sur l’âge (entre des parents et des enfants, entre un abbé et ses moines, entre l’aîné et des puînés) et/ou sur le sexe (entre un homme et son épouse, entre des héritiers garçons et filles). Les seules relations strictement égalitaires seraient de ce point de vue les liens entre moines, entre amis ou au sein des groupes chevaleresques. Il m’a semblé préférable de ne pas entrer dans de telles précisions pour ne pas compliquer à l’excès la représentation du réseau.
[30] Les désignations de ces parentèles – qui appartiennent à la Reichsaristokratie – ont été forgées par l’historiographie du haut Moyen Âge, à partir du nom de leur représentant le plus ancien et le plus prestigieux, qui devient ensuite récurrent dans le patrimoine onomastique de la famille : Robert le Fort (comte [† 866]) pour les Robertiens, Guillaume de Gellone (comte [† 812]) pour les Guilhemides, Boson (comte, puis roi de Provence [† 887]) pour les Bosonides, Théophylacte (duc, puis « sénateur des Romains » [† vers 925]) pour les Théophylactes, Rodolphe Ier (roi de Bourgogne jurane [† 912]) pour les Rodolphiens et Richard le Justicier (comte, puis duc de Bourgogne franque [† 921]) pour les Richardides. À l’époque qui nous occupe, ces familles exercent un pouvoir important (qualifié de « pouvoir princier » par l’historiographie) dans les régions où elles se sont implantées. Elles polarisent en outre les fidélités de la société nobiliaire locale qui constitue leur entourage et que je qualifie ici de « milieu » ou de « groupe », associé au nom de ces parentèles.
[31] Pour intégrer la variation des attributs, il suffirait de les dater, comme cela a été fait pour les liens.
[32] La catégorie « Lien autre » renvoie aux interactions ponctuelles.
[33] La mesure de l’intensité des relations et des interactions a suivi les principes suivants. 1) Une relation de parenté, de fidélité ou d’opposition (ou une réforme), même si elle est indiquée par plusieurs sources distinctes, fait l’objet d’une seule entrée (ce qui compte là, c’est la relation). 2) Toute interaction ponctuelle entre deux nœuds enregistrée par un document diplomatique fait l’objet d’une entrée : si il y a deux chartes différentes qui enregistrent deux donations distinctes d’un aristocrate à un abbé la même année, on compte deux « liens autres ». 3) Pour autant, un même document (notamment diplomatique) donne souvent lieu à autant d’entrées qu’il enregistre d’interactions et/ou de relations entre différents nœuds mentionnés dans le document (entre plusieurs souscripteurs par exemple).
[34] L’exploitation sous Netdraw peut se faire sans utiliser le logiciel de calcul Ucinet, en copiant les données préparées sous Excel dans un fichier texte, enregistré au format .vna.
[35] 860 liens ont ainsi été saisis dans la base de données.
[36] Afin de
faciliter (relativement) la lecture, le graphe de la figure
n’est pas complet, mais représente
le réseau général d’Odon, après suppression des cinq nœuds n’ayant qu’un seul
lien (fonction Pen de Netdraw). Le but est en effet avant tout
d’identifier des cercles, auxquels ne participent pas, par définition, les
personnes isolées. Ces dernières ne sont que des hommes d’Église, et notamment
certains co-abbés d’Odon dans les abbayes qu’il dirige (Arigaud à Fleury,
Baudouin à Saint-Paul-hors-les-Murs, Théotard à Saint-Élie de Nepi), dont on connaît
généralement le nom par une seule source narrative évoquant la réforme, sans
plus de détail. De même, l’abbé Géraud de Solignac entretient un seul lien
direct avec Odon, parce qu’il a contracté entre son abbaye et celle de Fleury,
dirigée par l’abbé de Cluny, un lien de confraternité, connu par un unique
document diplomatique.
[37] Sur l’association des reines au pouvoir, Le Jan (2001c). Sur la montée en puissance des épouses de comtes, Le Jan (2001d). Sur le rôle des veuves, Santinelli (2003).
[38] Ces le cas bien évidemment pour les Théophylactes (Marozia, Théophylacte) qui représentent l’aristocratie romaine, mais aussi pour certains Bosonides (Nièce d’Hugues d’Arles, Alda, Guy de Toscane), puisque ce groupe familial a été amené à relever la couronne du royaume d’Italie.
[39] Les nœuds totalement isolés, non représentés sur ce graphe, sont très majoritairement des hommes d’Église, clercs ou moines, dont la parenté ou l’insertion dans un réseau de fidélité sont mal connues. Ils se rattachent donc sans doute à l’ensemble du réseau de parenté et de fidélité, mais on a perdu la trace des relations de ce type qu’ils entretenaient.
[40] Il convient de jouer, dans Netdraw, sur les opérateurs « ≤ » et « ≥ » par rapport à chaque date, puis de sauvegarder les résultats par la fonction « Save as new Relation ». La démarche est fastidieuse, dans la mesure où l’on est contraint de sauvegarder, pour chaque millésime, trois « relations », que je qualifierais de “béquilles” dans la mesure où elles sont indispensables pour aboutir au résultat, mais ne servent plus ensuite. La contrainte perdure d’ailleurs en termes de lourdeur et d’opacité du fichier .vna, car il n’est pas encore possible dans Netdraw de supprimer les « relations » “béquilles” pour parvenir à ces graphes annuels (la fonction « Delete column » dans l’onglet « Link editor » ne fonctionne en effet pas).
[41] Je tiens ici à remercier Alain Guerreau d’avoir souligné cette idée.
[42] Il est en fait possible de visualiser l’évolution directement dans Netdraw, mais la démarche est fastidieuse, en particulier tant qu’il ne sera pas possible de supprimer les “relations-béquilles” qui permettent de créer les “relations” annuelles. Pour une prévisualisation sur Netdraw, il convient de passer par « Properties », puis « Lines », puis « Multi-relation selection » et enfin de cocher les unes après les autres les dates que l’on veut visualiser.
[43] Ce document powerpoint est disponible en ligne, à l’adresse suivante : http://medievistes.wikispaces.com/Isabelle+Ros%C3%A9. En cas de modification de cette dernière, se reporter à http://www.sites.univ-rennes2.fr/cerhio/spip.php?article221.
[44] Les calculs opérés par Netdraw sur chaque nœud ont été classés par ordre décroissant (le calcul sur chaque nœud est indiqué entre parenthèse) ; ils permettent donc de cerner une hiérarchie des personnes centrales au cours de cette première phase. Pour la « centralité de degré » : 1) Guillaume le Pieux (14), 2) Robert (12), 3) Eudes (9), 4) Foulque le Roux (9), 5) Bernon (8), 6) Louis l’Aveugle (8), 7) Richard le Justicier (8). Pour la « centralité de proximité » : 1) Guillaume le Pieux (344), 2) Eudes (349), 3) Abbon [père d’Odon] (354), 4) Louis l’Aveugle (354), 5) Richard le Justicier (356), 6) Robert (357), 7) Odon (358). Pour la « centralité d’intermédiarité » : 1) Guillaume le Pieux (409, 612), 2) Richard le Justicier (222, 948), 3) Eudes (214, 233), 4) Robert (175, 975), 5) Odon (172, 998), 6) Bernon (164, 983).
[45] En théorie des graphes, ces cercles correspondent à des « distances géodésiques » particulières. La distance géodésique est « la plus petite des longueurs de chemins entre deux sommets », c’est-à-dire entre deux nœuds ; cf. Degenne et Forsé (2004), p. 76. Plus prosaïquement, il s’agit du nombre de liens qui sépare, sur un graphe, un nœud d’un autre, selon le chemin le plus court. Ici, pour les voisins directs d’Odon, Netdraw considère qu’il s’agit de toutes les personnes qui sont à une distance géodésique ≤ 1 du futur abbé de Cluny (ils accèdent à Odon avec un seul lien, c’est-à-dire sans intermédiaire). Concernant le cercle de personnes pour lequel Odon a besoin d’un intermédiaire, la distance géodésique est ≤ 2, etc.
[46] Sur les liens de Foulque avec Odon : VO, I 11, col. 47 D. Cf. aussi Cochelin, (2002), ici pp. 188-189.
[47] Les calculs de centralité sur Foulque le Roux au cours de cette phase le placent d’ailleurs en assez bonne position pour la centralité de degré (9) et de proximité (366) ; il est en revanche moins central sur le plan de l’intermédiarité.
[48] Sur la puissance de Guillaume le Pieux, premier grand à revendiquer le titre de dux, puis de princeps, Lauranson-Rosaz (1987). Sur Guillaume le Pieux et la consolidation de son pouvoir, Brunterc’h (1997).
[49] sur la date de ce mariage, Rosenwein 1995: 4 et Mazel 2011: 466
[50] Sur Théotolon, Oury (1964); Noizet (2007), pp. 121-122. Il n’y a pas de documents de la pratique évoquant la présence simultanée d’Odon et de Théotolon à Saint-Martin de Tours, mais elle se déduit de sources diplomatiques qui les mentionnent chacun séparément dans la communauté martinienne au cours des mêmes années. En revanche, plusieurs textes narratifs (dont la Vita Odonis) évoquent le fait que les liens entre les deux hommes remontent à leur expérience canoniale.
[51] Sur la formation par Remi, VO, I 19, col. 52 A. Sur Remi et ses élèves Jeudy (1991).
[52] Comme précédemment, le statut de Cutpoint est calculé par Netdraw. Contrairement aux autres qui permettent de relier des cliques, Guillaume Tête d’Étoupe et l’abbé Aimon ne sont des Cutpoints que pour un nœud.
[53] « Centralité de degré » : 1) Guillaume le Pieux (21), 2) Guillaume le Jeune (19), 3) Thibert (17), 4) Bernon (16), 5) Raoul de Bourgogne (15), 6) Odon (15), 7) Ingilberge (15). « Centralité de proximité » : 1) Guillaume le Pieux (181), 2) Guillaume le Jeune (175), 3) Raoul de Bourgogne (187), 4) Thibert (188), 5) Hugues d’Arles (189), 6) Odon (189), 7) Hugues le Grand (191). « Centralité d’intermédiarité » : 1) Hugues d’Arles (376, 964), 2) Odon (371, 309), 3) Guillaume le Pieux (326, 626), 4) Guillaume le Jeune (321, 706), 5) Raoul de Bourgogne (260, 16), 6) Foulque le Roux (203, 514), 7) Jean X (155, 817).
[54] Les fidèles auvergnats (en vert) sont les grands laïcs Acfred, Geoffroy de Nevers et Adémar des Échelles ; les évêques Arnold de Clermont, Adalard de Clermont, Adelard du Puy ; l’abbé Aimon ; les chanoines Cunebert de Brioude, Erlebadus de Brioude et Eldefred de Brioude. Les fidèles du Mâconnais (en bleu foncé) sont les grands laïcs Aubri de Mâcon et Liétaud de Mâcon ; les évêques Gérard de Mâcon et Mainbaud de Mâcon. Les fidèles berrichons (en vert) sont les laïcs Geoffroi de Bourges et Ebbe de Déols, l’archevêque de Bourges Géronce et l’archidiacre Laune (frère d’Ebbe de Déols).
[55] Dans la mesure où, pour reconstituer le réseau d’Odon, j’ai considéré aussi ses alter, j’ai intégré à la base de données toutes les relations connues de Bernon. Cette démarche permet donc, à partir des données saisies, de visualiser aussi le réseau personnel du premier abbé de Cluny, à différentes dates. Cette même démarche permet également de visualiser le réseau de l’un des co-abbés d’Odon, Adacius, cf. supra, p. 32.
[56] Pour la « centralité de degré » : 1) Odon (23), 2) Raoul de Bourgogne (20), 3) Hugues d’Arles (11), 4) Hugues le Noir (9), 5) Ebles Manzer (8), 6) Foulque le Roux (7), 7) Bernon (6). Pour la « centralité de proximité » : 1) Odon (150), 2) Raoul de Bourgogne (158), 3) Hugues d’Arles (174), 4) Hugues le Noir (179), 5) Jean X (182), 6) Ebles Manzer (182), 7) Ebbe de Déols (183). Pour la « centralité d’intermédiarité » : 1) Odon (727, 945), 2) Raoul de Bourgogne (472, 319), 3) Hugues d’Arles (320, 408), 4) Bernon (290, 500), 5) Guillaume le Jeune (200, 500), Foulque le Roux (123, 358), 7) Hugues le Noir (121, 095).
[57] Sur le développement des liens entre ces deux évêques et Cluny, Winzer (1989), pp. 154-168. Les graphes Figure 12. et Figure 13 sont en fait trompeurs et il vaut mieux se fier au “film” de la vie d’Odon qui montre clairement que les liens des évêques de Mâcon avec Cluny remonte à 926, soit à un moment où Odon dirigeait déjà l’abbaye, ce qui laisse supposer son rôle important dans l’établissement des liens entre l’abbaye et ses diocésains.
[58] Les Cutpoints secondaires sont le grand laïc Adémar des Échelles et Berthe, épouse du roi de Bourgogne jurane Rodolphe II, puis du roi d’Italie Hugues d’Arles.
[59] Pour la « centralité de degré » : 1) Odon (41), 2) Hugues le Grand (14), 3) Guillaume Tête d’Étoupe (14), 4) L’évêque Gottschalk du Puy, 5) Raymond Pons, 6) L’abbé Arnulf, 7) Louis IV d’Outremer. Pour la « centralité de proximité » : 1) Odon (139), 2) Guillaume Tête d’Étoupe (172), 3) Hugues le Grand (175), 4) Hugues le Noir (176), 5) Roger de Laon (178), 6) Louis IV d’Outremer (180), 7) Raymond Pons (181). Pour la « centralité d’intermédiarité » : 1) Odon (1254, 454), 2) Hugues d’Arles (187, 833), 3) Hugues le Grand (135, 988), 4) Hugues le Noir (86, 847), 5) Raoul de Bourgogne (85, 828), 6) Guillaume Tête d’Étoupe (82, 261), 7) Albéric (75, 333).